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[Club Littérature] Pierre Guinot-Deléry, Morts en Bessin (2022)

Chroniques littéraires

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11.24.2022

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« Les Alumni qui recherchent la confrontation avec la dure réalité du contexte géopolitique contemporain prendront grand plaisir à cette lecture, qu’on imagine aisément comme un scénario de film » : Martine Abouyehia nous explique pourquoi il faut lire Morts en Bessin de Pierre Guinot-Deléry, paru en avril 2022 chez AIRVEY Éditions, dans la collection Noir Polar.


Le livre

 


L’auteur

 Pierre Guinot-Deléry, photo du site Babelio

Pierre Guinot-Deléry est haut fonctionnaire et écrivain. 

Outre Morts en Bessin, il est l’auteur de plusieurs romans : Une mère de sable, paru aux éditions Le Reflet en 2003 ; Le crépuscule d’un ange (J’ai Lu, 2003) ; Nouvelles du 21 avril et La Mort en carton (Le Passage) ; Sine qua Nonne (auto-édité chez Librinova, 2019) ; Canicule sanglante (Editions de la Gronde, 2022).

 

Présentation du livre par l’éditeur

En plein cœur de l’hiver, le paisible territoire normand du Bessin se trouve brutalement plongé dans une tempête de meurtres mystérieux. La gendarmerie mène l’enquête mais se heurte très vite aux rivalités internes de l’institution militaire, aux conflits d’intérêts de certains notables et à la curiosité avide de la presse locale.

Kadidia Samaké, sous-officière chargée de l’enquête, aura fort à faire pour élucider les ressorts de ces affaires que rien ne semble relier entre elles. Morts en Bessin, une traque impitoyable sous la menace du crime organisé international.

 

L’avis de Martine

Un polar « régional » qui mérite son nom

Des morts par balle parsèment la campagne profonde d’une Normandie humide et grise d’un début janvier, entre Bayeux et Port-en-Bessin. Dès l’ouverture du récit, la violence transparaît dans ce décor sombre : faits bruts exposés sans emphase, phrases courtes comme martelées en rythme saccadé tout au long du récit.

« Crépitement ininterrompu de la pluie sur le toit de la voiture. Rugissement assourdissant des bourrasques de vent. Cette première grande tempête de janvier déploie toutes ses fureurs et engloutit le paysage sous un rideau opaque ». 

Des cadavres inconnus -dont le seul local est surnommé « l’Américain »- détonnent dans ces territoires où petits larcins et faits divers alimentent traditionnellement les colonnes de la presse locale. Cette violence soudaine à la hauteur du grand banditisme s’avère bien au-dessus du quotidien habituel de bourgs où les habitants se croisent dans quelques bars-tabac en colportant les rumeurs.

 

Les personnages : des portraits secs et précis

Loin d’une certaine tradition de la littérature policière dans laquelle se sont illustrés Agatha Christie ou Arthur Conan Doyle, l’auteur ne choisit pas cette veine qui repose sur de grands portraits psychologiques des héros enquêteurs, mais dresse des portraits secs et précis des multiples intervenants. Tout juste s’attarde-t-il un peu plus sur le personnage-pivot de l’enquête, l’adjudante-cheffe dont on perçoit immédiatement l’origine africaine, ce qui l'emmène vers des questionnements imprévus lorsque le premier cadavre s'avère être celui d'un homme noir, inconnu, que l'on suppose immigré.

 

Amateurs d’ironie grinçante, ce livre est pour vous !

L’auteur privilégie la description des faits bruts à travers des dialogues courts et répliques rapides, conversations qu’il choisit de ne pas mener à leur terme. L’intrigue se construit ainsi progressivement à travers cette suite d’échanges tout en agacement, irritation et ironie grinçante.

« Et vous savez ce qu’elle me dit, Patricia ? Non ? Eh bien, à peine le temps d’un « bonjour » et tout de suite « dites, dans la gendarmerie, vous êtes vraiment pile raccord avec les soldes d’hiver ! ». Alors, moi, évidemment, je dois faire sans doute une drôle de tête. Donc, elle, du tac au tac : « Ben oui, deux autopsies pour le prix d’une, c’est cadeau, non ? ».

C’est la hiérarchie militaire (plus précisément la gendarmerie), administrative et politique locale qui est observée ici à la loupe dans le processus de résolution de l’enquête, à travers les rivalités, non-dits et pressions diverses que l’on devine.

« Vous savez que le tourisme fait partie de ma délégation au conseil départemental. (….) Là, vous le savez, nous sommes candidats à l’inscription au patrimoine mondial de l’Unesco pour les plages du Débarquement. C’est déjà un dossier extrêmement compliqué. Je pense par exemple à ces éoliennes qui risquent de nous causer beaucoup de tort. Un accroc supplémentaire pourrait être fatal. Alors, si l’idée se répand que nous sommes devenus le cadre de règlement de compte sanglants, pas besoin de vous faire un dessin. »

Les criminels ne sont que quelques intrigants (et élégants) personnages étrangers traversant le décor normand de l’intrigue :

« Pour quiconque les observerait, ils pourraient passer, au choix, pour deux paisibles retraités maintenant une élégance vestimentaire légèrement surannée, ou à la rigueur pour deux membres en fin de carrière d’une profession à la respectabilité aussi discrète que confortable. Notaires ou chirurgiens, par exemple. Rien dans leurs propos, si l’on venait à les surprendre, ne viendrait démentir ces hypothèses. »


Pourquoi ce livre plaira aux Alumni

On sent ici toute l’expérience de haut fonctionnaire de l’auteur, inspirant la chronologie de l’enquête et ses rebondissements à travers les échanges de tous les protagonistes. Les Alumni qui recherchent la confrontation avec la dure réalité du contexte géopolitique contemporain prendront grand plaisir à cette lecture, qu’on imagine aisément comme un scénario de film. Et pour les Alumni qui préfèrent la tradition des polars psychologiques, ce sera une découverte !  

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