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3 questions à Laurence Bertrand Dorléac

Actualités

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03.21.2022

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Le 3 mars est sorti votre nouveau livre : Un ours dans de la tête. Greta Thumberg. La librairie de Sciences Po vous accueille le jeudi 10 mars à 19h, pour une signature. On perçoit une fascination pour le personnage de Greta Thumberg, est-ce cette fascination qui vous a poussé à écrire ce livre ?

Je parlerai plutôt de curiosité mais aussi d'une interrogation devant l'efficacité d'une égérie qui arrive à modifier la donne en très peu de temps alors que tant de militants écologistes n'y étaient pas arrivés avant elle. Elle a débarqué comme un ovni dans un monde qui ne l'avait pas prévu. Elle a réussi à convaincre des millions de jeunes et bien au-delà. Elle s'est fait admettre aux tribunes internationales les plus importantes, à se faire respecter sinon admirer par les gouvernants du monde entier : de Barack Obama à Angela Merkel et du Pape à Christine Lagarde ou à Malala Yousafzai.  

Comment a-t-elle réussi ? Essentiellement par la forme et non par le fond et le discours qu'elle emprunte aux experts du GIEC — elle ne s'en cache d'ailleurs pas. Elle dit qu'elle se contente de répéter leurs positions scientifiques. Ce qui agit, c'est la façon dont elle les affirme. C'est dans l'univers des formes qu'il faut trouver les raisons de sa réussite. Elle convainc par ses apparitions, sa façon de parler et d'agir, son régime d'émotions, sa jeunesse, ses vêtements, sa coiffure, sa gourde, sa pancarte qu'elle emmène partout depuis sa grève devant le parlement suédois à partir de l'été 2018.


Est-ce que l’on peut considérer Greta Thumberg comme une artiste, dans une forme non conventionnelle ? Les artistes font des happening, Greta Thumberg est-elle un happening vivant ?

Greta n'est pas une artiste ou bien alors, il faudrait dire que pour elle, l'art c'est la vie. Elle appartient à une famille de chanteurs et d'acteurs. Elle a sans doute appris dans sa famille mais attention, n'oubliez pas qu'elle souffre des troubles de l'autisme, elle n'a pas de stratégie connue ni convenue. Elle prend les gens à rebours, surprend sans le vouloir. Elle part d'un monde psychique qui n'est pas le même que le nôtre.

Avant d'écrire ce livre, j'ai regardé des centaines d'images, de prises de vue, de vidéos, même si à la fin, il n'y a plus qu'une seule image, celle de la couverture. Je m'inspire d'images pour écrire. J'ai analysé ces images, y compris ses images mentales. Quand elle dit qu'elle a vu un documentaire sur la mort des ours polaires par le réchauffement climatique et qu'un ours est resté coincé dans sa tête, je pars de là... J'ai aussi une banque d'images mises en regard des films sur Jeanne d'Arc de Dreyer, Bresson ou Dumont, des tableaux de la peinture du Nord, de Munch, en particulier. Bref, j'ai continué mon travail d'historienne de l'art pour ne garder que cette première décoction.


Comment espérez-vous que le lecteur réagisse après avoir fermé votre livre ?

Je laisse le lecteur et la lectrice très libres de réagir comme ils l'entendent. Une fois publié, un livre ne vous appartient plus tout à fait et c'est très bien ainsi.

Quant à moi, elle m'a prouvé que l'on pouvait transformer une faiblesse en force. Greta, c'est David contre Goliath, c'est un conte de notre époque. Elle s'attire des ennemis féroces qui sont choqués par elle. Pourquoi? Je vous laisse répondre à cette question. Ce qui est sûr, c'est qu'elle a réussi par ses armes singulières, là où l'on avait échoué par une armada de réflexions et d'actions concertées plus convenues.

Autrement dit, je pense que la vie politique contemporaine et ses transformations impliquent que l'on étudie autant la forme que le fond. Ce fond, quand on voit Greta mais aussi Trump, il faut bien admettre que ce n'est pas le principal. Leur force de persuasion vient avant tout de l'univers des formes qui est relayé par des médias de plus en plus viraux. Ce n'est pas forcément rassurant du tout car cela peut concerner des leaders intéressants mais aussi des leaders dangereux.

Ce qui est sûr, c'est que l'historienne de l'art peut offrir son regard sur l'étude de la vie politique contemporaine. Ce n'est pas le seul mais il peut être utile.  


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