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L'Opéra au salon : Hommage à Richard Strauss au Met (programme du 6 au 12 juillet 2021)

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07.04.2021

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Compositeur précoce et doué aussi bien que durablement fécond, il meurt à 85 ans après avoir composé les sublimes "quatre derniers lieder", Richard Strauss était un amoureux de la voix humaine, et en particulier de la voix de soprano, et du théâtre. Il était donc naturel qu’il nous livre quelques très beaux opéras mettant en valeur cet instrument. 

La sélection présentée cette semaine en donne un bel aperçu même si on aurait aimé y voir également d’autres opéras. Elle comprend à la fois des œuvres qui ont choqué à leur création (Elektra et Salomé) et d’autres qui s’inscrivent dans le classicisme raffiné qu’affectionnait le compositeur (Chevalier à la rose, Arabella, Capriccio). Elle donne à voir des mises en scène très différentes, pour la même pièce le Chevalier de Merrill et celui de Carsen par exemple, ou pour des pièces différentes l’Elektra de Chéreau et l’Arabella de Schenk, mais propose toujours quelques-unes des plus belles voix des quarante dernières années: Te Kanawa, Fleming, Mattila, Stemme, Dessay, Troyanos, Garanča, … Enfin, elle permet d'entendre de l'orchestre de « dimension mozartienne » (38 musiciens dans la fosse pour Ariane) au plus grand orchestre du répertoire (Elektra).

Mardi 6 juillet
Der Rosenkavalier  (le Chevalier à la rose)
Avec Kiri Te Kanawa (la Maréchale), Tatiana Troyanos (Octavian), Judith Blegen (Sophie), Luciano Pavarotti (chanteur italien), Derek Hammond-Stroud (Faninal) et Kurt Moll (baron Ochs), sous la direction de James Levine. Création à Dresde le 26 janvier 1911. Production de Nathaniel Merrill. Représentation du 7 octobre 1982.

A Vienne, vers 1740, la Maréchale (32 ans) se réveille auprès de son amant, le jeune Octavien. Un de ses cousins de campagne, le baron Ochs, vient lui demander de l’aider à trouver un jeune noble pour présenter en son nom à sa fiancée la rose d’argent de la tradition. Pour Ochs, c’est la dot de Sophie qui l’intéresse tandis que M. de Faninal, le riche bourgeois père de la mariée, y voit le moyen de parfaire son ascension sociale et de s’allier à du sang bleu… 

Le plus joué des opéras allemands du XXè siècle est le cinquième opéra de Richard Strauss, son deuxième «pour trois femmes » (après Elektra) et son premier dans une veine comique. Avec son librettiste, le grand écrivain Hugo von Hofmannstahl, le compositeur rêvait d’«un projet d’opéra comique à la Mozart ». Le Chevalier marque aussi musicalement une rupture stylistique par rapport au langage tonal expressionniste d’Elektra et de Salomé remplacé ici par une partition somptueuse aux cordes luxuriantes, un usage immodéré de merveilleuses valses (aucun lien avec Johann Strauss) et des mélodies à se pâmer… sans compter l’extraordinaire richesse musicale qu’apporte Strauss aux voix féminines (le trio final est un sommet absolu). 

Avec la somptueuse production de Nathaniel Merrill, on a l’impression de voir du Fragonard ou du Howard, et elle restera près de 40 ans au Met avant d’être remplacée par celle de Robert Carsen, la dernière captation du programme de la semaine, une très belle distribution de grands chanteurs avec une Kiri Te Kanawa en Maréchale bien étudiée (photo avec Troyanos en haut à gauche), sans oublier Tatiana TroyanosJudith Blegen, Kurt Moll et même Luciano Pavarotti dans un rôle secondaireune histoire qui allie comique et méditation sur le temps qui passe, un orchestre activement mené font de cette production classique un plaisir pour les sens.

Une belle version classique pour un des sommets du répertoire.

 

Mercredi 7 juillet
Elektra
Avec Nina Stemme (Electre), Adrianne Pieczonka (Chrysothémis), Waltraud Meier (Clytemnestre) et Eric Owens (Oreste). Création en janvier 1909. Sous la direction d’Esa-Pekka Salonen.  Production de Patrice Chéreau. Représentation du 30 avril 2016.

Elektra, réduite par sa mère et son beau-père à vivre avec les chiens, ne pense qu’à venger son père et à attendre le retour de son frère Oreste pour tuer sa mère Clytemnestre, meurtrière de son père …

Tout ceci se traduit par une atmosphère de violence et de musique sombre servi par le plus grand orchestre du répertoire classique d’opéra.  "Rien ne va plus loin qu'Elektra" en disait Ernestine Schumann-Heink, grande spécialiste de Wagner et créatrice du rôle de Clytemnestre ! 

Cette diffusion reprend la célèbre mise en scène créée en 2013 au festival d'Aix en Provence par Patrice Chéreau, trois mois avant sa mort et qui est son testament lyrique. Une vision crépusculaire au plus près du livret et de la musique qu'elle transcende.

Les anciens abonnés y retrouveront les deux principales protagonistes féminines qui avaient électrisé la Philharmonie de Paris en décembre 2017 : Nina Stemme et Waltraud Meier, sans conteste les deux meilleures interprètes actuelles de ses rôles d'une extrême exigence. 

Un spectacle fort pour un classique moderne !

 

Jeudi 8 juillet
Ariadne auf Naxos  (Ariane à Naxos)
Avec Deborah Voigt (Ariane), Natalie Dessay (Zerbinetta), Susanne Mentzer (le Compositeur) et Richard Margison (Bacchus), sous la direction de James Levine. Création à Vienne le 4 octobre 1916. Production de Elijah Moshinsky. Représentation du 3 avril 2003.

Pour divertir ses invités, l’homme le plus riche de Vienne au XVIIIè siècle prévoit de leur offrir l’opéra classique qu’il a commandé puis, au grand dam du compositeur qui ne veut pas voir son œuvre ainsi compromise, une pièce de ménestrels. Peu après, le majordome prévient tout le monde que finalement les deux pièces devront être jouées ensemble avant le feu d’artifice et qu’ils veuillent bien s'en débrouiller …

Prenant un des mythes les plus fréquemment utilisés dans l’opéra depuis Monteverdi, Hoffmanstahl y ajoute un « théâtre dans le théâtre » en s’inspirant du Bourgeois gentilhomme, un moment première partie de l’œuvre. Après l’habituelle et fructueuse confrontation dialectique avec Strauss, ils aboutissent ensemble à cette création propre mélangeant l’opera seria et ses thèmes et formes nobles et la commedia dell’arte pleine de bouffonneries, d’harlequins et de clowns. L’opéra connut un triomphe dès sa création et quelques-unes des plus grandes sopranos de leur époque se sont illustrées dans les trois grands rôles féminins.

La captation présente ici deux extraordinaires chanteuses (photo en haut à droite) qui incarnent à merveille les deux univers : la très grande straussienne Deborah Voigt dans un de ses rôles fétiches où son impeccable diction, son charisme vocal et ses qualités d’actrice font merveille et Natalie Dessay, étourdissante colorature aux notes échevelées aussi bien qu’actrice consommée aux mimiques drôles mais pensées et justes. James Levine dirige à merveille un de ses opéras préférés dans une mise en scène très efficace pour un opéra de chambre sur une scène aussi grande, une gageure. Une superbe version.

A voir ou à revoir

 

Vendredi 9 juillet
Capriccio
 
Avec Renée Fleming (comtesse Madeleine), Sarah Connolly (Clairon), Joseph Kaiser (Flamand), Russell Braun (Olivier), Morten Frank Larsen (comte) et Peter Rose (La Roche), sous la direction de Sir Andrew Davis. Création en octobre 1942. Production de John Cox. Captation du 23 avril 2011.

L’anniversaire de la comtesse Madeleine est le prétexte de cette « conversation en musique en un acte » dernier opéra de Strauss (octobre 1942) qui est aussi la métaphore suprêmement élégante et sophistiquée de l’opéra : « prima la parole, dopo la musica » ou l’inverse ? Ce séduisant testament lyrique renferme comme un écrin « une scène, la finale, qui fait oublier toutes les autres » (Michel Schneider).

Courtisée par un poète et un compositeur vantant chacun leur art, Madeleine hésite et ne voit finalement de solution que dans la synthèse de ces deux arts et du théâtre : l’opéra …

Recréée au Met pour Renée Fleming (cf photo en haut au centre), qui est, avec Elisabeth Schwartzkopf, une des plus grandes comtesses modernes et une immense straussienne, cette production bénéficie d’une superbe distribution, d’une mise en scène élégante et efficace, de décors et costumes raffinés des années 20 et d’une critique unanime !

Un pur joyau pour amoureux d’opéra.

 

Samedi 10 juillet
Salome
Avec Karita Mattila (Salomé), Ildikó Komlósi (Hérodiade), Kim Begley (Hérode), Joseph Kaiser (Narraboth) et Juha Uusitalo (Iokanaan), sous la direction de Patrick Summers. Création à Dresde le 9 décembre 1905. Production de Jürgen Flimm. Représentation du 11 octobre 2008.

Enfermé dans une citerne dans le palais d’Hérode hors de la vue de tous, le prophète Iokanaan maudit Hérodiade, la mère de Salomé, dont il pique ainsi l’attention. Elle obtient qu’on le sorte et se prend de passion pour lui …

Une des œuvres lyriques du XXè siècle les plus représentées, Salomé est aussi un des premiers opéras, après Pelléas et Mélisande, qui utilisent une œuvre littéraire non pas uniquement pour s’en inspirer mais pour s’adapter à elle et l’habiller en musique, prima la parola ? Il s’agit ici de la version allemande de la célèbre pièce éponyme d’Oscar Wilde, très fin de siècle, réduite cependant pour se concentrer ici sur le trio clé Salomé-Ionakaan-Hérod et faire naître une urgence dramatique dans cet opéra en un acte et une action. Faisant jouer à un orchestre impressionnant par sa taille (102 musiciens !) un rôle prépondérant dans une partition riche et architecturalement complexe où les leitmotive abondent, Strauss fait de son troisième opéra et premier grand succès lyrique une des grandes partitions modernes et un opéra reconnu génial mais scandaleux.  Les exigences du compositeur pour le rôle-titre « une jeune fille de seize ans avec une voix d’Isolde » conjuguées quand aux qualités de danseuse requises pour la célèbre Danse des sept voiles rendent ce rôle un des plus difficiles à bien remplir. 

La captation proposée offre une des plus grandes Salomés modernes, la soprano finlandaise Karita Mattila (photo en bas à gauche avec Uusitalo), qui s’investit physiquement et vocalement totalement dans le rôle face à un Ionakaan impressionnant de présence dans une action transposée dans un palace moyen-oriental des années 30 avec des costumes de la même époque…

Une performance physique et vocale dans une œuvre devenue un classique


Dimanche 11 juillet
Arabella
Avec Kiri Te Kanawa (Arabella), Marie McLaughlin (Zdenka), Helga Dernesch Ctesse Adélaïde), Natalie Dessay (Fiakermilli), David Kuebler (Matteo), Wolfgang Brendel (Mandryka) et Donald McIntyre (Cte Waldner), sous la direction de Christian Thielemann. Production de Otto Schenk. Représentation du 3 novembre 1994.

Perclus de dettes de jeu, le comte Waldner n’a plus les moyens de maintenir le statut social de ses deux filles et ne voit son salut que dans le mariage de l’aînée avec un beau parti. Mais Arabella ne se décide pas alors que sa sœur, déguisée en garçon, soupire …

Résultant, comme le Rosenkavalier, d’un travail en commun avec le librettiste Hugo von Hoffmanstahl, le dernier en l’espèce le poète romancier décédant avant d’avoir revu les deux derniers actes, et se situant également dans la Vienne historique bien qu’à un siècle de différence, Arabella a, malgré ses charmes, longtemps vécu dans l’ombre de son fameux aîné de 22 ans. Elle contient pourtant quelques-unes des plus belles pages de Strauss (duo Arabella-Zdenka, monologue d’Arabella à la fin du premier acte, son duo avec Mandryka, scène finale de réconciliation) et des thèmes de musique populaire slave. 

Une grande part du succès ou non de l’œuvre repose sur les capacités de la chanteuse-actrice du rôle-titre, belle, mystérieuse chaleureuse, détachée, … et devant pouvoir faire croire avec réalisme à l’attente de « der Richtige » (le bon), répondre aux subtilités du texte et de la partition dans une gamme étendue d’émotions et de chant.

La grande Kiri Te Kanawa joue merveilleusement ce rôle. Elle est bien entourée tant par le plateau lyrique (notamment Natalie Dessay époustouflante (photo en bas à droite), Marie McLaughlin rayonnante) que par un orchestre brillamment mené par un chef faisant autorité dans ce répertoire. La production d’Otto Schenk est très classiquement conventionnelle enrichie de décors et de costumes somptueux.

Une superbe occasion de voir ou de revoir cette belle œuvre insuffisamment jouée

 

Lundi 12 juillet
Der Rosenkavalier  (le Chevalier à la Rose)
Avec Renée Fleming (la Maréchale), Elīna Garanča (Octavian), Erin Morley (Sophie), Matthew Polenzani (chanteur italien), Marcus Brück (Faninal) et Günther Groissböck (baron Ochs), sous la direction de Sebastian Weigle. Création à Dresde le 26 janvier 1911. Production de Robert Carsen. Représentation du 13 mai 2017.

A Vienne, la Maréchale  se réveille auprès de son amant, le jeune Octavien. Un de ses cousins de la campagne, le baron Ochs, vient lui demander de l’aider à trouver un jeune noble pour présenter en son nom à sa fiancée la rose d’argent de la tradition. Pour Ochs, c’est la dot de Sophie qui l’intéresse tandis que M. de Faninal, le riche bourgeois de père de la mariée, y voit le moyen de parfaire son ascension sociale et de s’allier à du sang bleu… 

Le plus joué des opéras allemands du XXè siècle est le cinquième opéra de Richard Strauss, son deuxième «pour trois femmes » (après Elektra) et son premier dans une veine comique. Avec son librettiste, le grand écrivain Hugo von Hofmannstahl, le compositeur rêvait d’« un projet d’opéra comique à la Mozart ». Le Chevalier marque aussi musicalement une rupture stylistique par rapport au langage tonal expressionniste d’Elektra et de Salomé remplacé ici par une partition somptueuse aux cordes luxuriantes, un usage immodéré de merveilleuses valses (aucun lien avec Johann Strauss) et des mélodies à se pâmer… sans compter l’extraordinaire richesse musicale qu’apporte Strauss aux voix féminines (le trio final est un sommet absolu). 

Fin officielle dans deux de leurs rôles fétiches de deux grandes cantatrices, la soprano Renée Fleming, Maréchale 21 fois au Met entre 2000 et 2017, et la mezzo Elīna Garanča, qui a joué Octavian de par le monde mais jamais au Met, cette production permet de les entendre dans une démonstration triomphale de leur art, avec un extraordinaire accord entre elles et superbement accompagnées par un très beau plateau et un orchestre du Met en grande forme sous la direction très claire de son chef. Du grand chant.

A la production, Robert Carsen a choisi de placer l’action en 1911, année de la création plutôt qu’autour de 1740 que prévoyait le livret et de mettre l’accent sur le baron Ochs (tenu par un jeune quadragénaire musclé qui se croit tout permis au lieu du vieux provincial fanfaron habituel) plus que sur la Maréchale ou Octavian comme le fait la tradition. Il en résulte des choix forts dans la scénographie ou la mise en scène (par exemple salle d’exercice pour les fiançailles du 2ème acte, maison close au lieu d’auberge par exemple au 3ème acte), et l’esprit, décadence de l’empire austro-hongrois et Grande Guerre, plutôt que le plus intemporel passage du temps pour la Maréchale et Octavian. Une fois ces choix admis, on ne peut qu’admirer la direction d’acteurs et les nuances nouvelles qu’elle apporte à cette œuvre complexe et sublime.

Au moins pour l’art du chant


Les spectacles sont normalement accessibles en cliquant, le jour indiqué, sur le titre de l’œuvre, à l'heure de votre choix.

Bonne semaine lyrique

Jean-François Bourdeaux
 Président du Club Opéra

 

Pour suivre les activités du Club Opéra, rejoignez-nous !


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