L’Opéra au salon : les coups de cœur des spectateurs du Met (programme du 16 au 22 mars 2021)

Ce sont les préférences des spectateurs qui ont guidé la sélection de cette semaine.

Elle couvre une large palette de styles ou de situations (opera seria, dramma per musica, comédie, scènes lyriques, opéra fantastique, comédie, bel canto, vérisme, historique, exotique, …), de dates de création (de 1709 à 1984) ou d’origine géographique (France, Venise, Italie, Russie, Etats-Unis).

Mardi 16 Mars
Offenbach Les Contes d’Hoffmann
Avec Anna Netrebko (Antonia), Kathleen Kim (Olympia), Ekaterina Gubanova (Giulietta), Kate Lindsey (Muse et Nicklausse), Joseph Calleja (Hoffmann) et Alan Held (les quatre « démons »), sous la direction de James Levine. Production de Bartlett Sher, représentation du 19 décembre 2009.

Ce voyage psychologique (1881) dans l’inconscient du poète ETA Hoffmann à travers son obsession de la même diva qui s’incarne dans trois femmes et contes différents bénéficie d’une mise en scène très (trop ?) imaginative, mêlant Allemagne des années 20 et Venise  "fellinesque" du 18è siècle, d’un niveau de chant superlatif (Netrebko, Kim, Calleja notamment) et d’un excellent jeu d’acteurs : tous les ingrédients pour une belle longue soirée (matinée) d’opéra qui passe si vite! 

Mercredi 17 mars
Puccini La Fanciulla del West
Avec Eva-Maria Westbroek (Minnie), Jonas Kaufmann (Dick Johnson) et Željko Lučić (Jack Rance), sous la direction de Marco Armiliato. Production de Giancarlo Del Monaco, représentation du 27 octobre 2018. 

Créé au Met de NY en 1910, ce western chanté se déroule en Californie au moment de la ruée vers l’or (vers 1849), avec des ingrédients classiques du western (mineurs, saloon, parties de poker, chef de bande mexicain, sheriff, détective de la Wells Fargo, ...) et de l'opéra (amour et jalousie dans le trio soprano-ténor-baryton). 

Une musique novatrice, un beau livret, une mise en scène adaptée, une distribution au sommet (trio de tête aussi bien que rôles secondaires), une excellente direction d’orchestre font de l’opéra préféré de la soprano néerlandaise du rôle-titre un plaisir à voir ou revoir !

Jeudi 18 mars
Donizetti Anna Bolena
Avec Anna Netrebko (Anna Bolena), Ekaterina Gubanova (Jane Seymour), Tamara Mumford (Smeton), Stephen Costello (Percy) et Ildar Abdrazakov (Enrico VIII), sous la direction de Marco Armiliato. Production de David McVicar, représentation du 15 octobre 2011.

Ce premier opéra de la maturité de Donizetti (1830), narrant la rivalité entre Ann Boleyn, deuxième épouse d’Henry VIII et Jane Seymour, sa dame d’honneur et future reine, connut un succès triomphal dans toute l’Europe. La qualité du livret, la beauté des ensembles, quelques airs poignants mettant en valeur les chanteurs (dont une extraordinaire scène de folie) expliquent le succès de la plus célèbre des « reines » de la trilogie "donizettienne".

Une belle production, dans l’esprit du temps, et une distribution de haut vol (Netrebko dans un de ses rôles phares est spectaculaire) rendent bien les qualités de ce chef d’œuvre du bel canto romantique.

Vendredi 19 mars
Philip Glass Akhnaten
Avec Dísella Lárusdóttir (Reine Tye), J’Nai Bridges (Nefertiti), Anthony Roth Costanzo (Akhnaten), Aaron Blake (Grand Prêtre), Will Liverman (Horemhab), Richard Bernstein (Aye) et Zachary James (Scribe), sous la direction de Karen Kamensek. Production de Phelim McDermott, représentation du 23 novembre 2019.

Cet opéra de 1984 de Philip Glass, un des compositeurs les plus influents de la fin du XXè siècle et représentant de l'école répétitive de la musique minimaliste, s'inscrit dans sa trilogie des "hommes qui ont changé le monde dans lequel ils vivent par le pouvoir de leurs  idées".  Il s'inspire ici de la vie et des convictions d'Akhenaton, le pharaon qui tentera d'imposer une religion monothéiste (culte du disque solaire Aton). 

La production, éclatante et enrichie par de superbes chorégraphies de jongleurs, s'accorde magistralement à la musique, elle aussi hypnotique.  

Un somptueux et fascinant spectacle musical et visuel.

Samedi 20 mars
Rossini Il Barbiere di Siviglia (le Barbier de Séville)
Avec Joyce DiDonato (Rosina), Juan Diego Flórez (Comte Almaviva), Peter Mattei (Figaro), John Del Carlo (Dr Bartolo) et John Relyea (Basilio), sous la direction de Maurizio Benini. Production de Bartlett Sher, représentation du 24 mars 2007. 

Comment une jeune femme rusée et un jeune homme amoureux, aidé d'un barbier astucieux, parviennent à se marier malgré un tuteur barbon. Le tout avec des airs célébrissimes dans une belle cavalcade musicale.

Difficile de faire mieux que cette distribution parfaite et brillantissime pour le chef d'œuvre  comique de Rossini (1816) également bien servi par une mise en scène sobre et efficace.

Un must pour découvrir le bel canto  ou simplement pour s'amuser et  rire  ...  

Dimanche 21 mars
TchaikovskyEugene Onegin
 Avec Renée Fleming (Tatiana), Ramón Vargas (Lenski) et Dmitri Hvorostovsky (Onéguine), sous la direction de Valery Gergiev. Production de Robert Carsen, représentation du 24 février 2007.

Un jeune dandy qui  rejette l'amour d'une jeune fille, tue son meilleur ami et vivra pour regretter à jamais l'amour de celle qu'il avait rejeter et qui, mariée, le rejette maintenant. 

Sur cette trame issue du poème de Pouchkine, Tchaikovsky a écrit un des plus beaux opéras du répertoire. 

Une mise en scène sobre et efficace de Robert Carsen, des arias superbes (lettre de Tatiana, air de Lenski,...), des chanteurs éblouissants, en font une soirée exceptionnelle.

Chimie extraordinaire (scène finale !) entre Fleming et Hvorostovsky dans ce rôle phare pour lui et Valery Gergiev en grande forme. ...

De l’émotion pure. A voir et à revoir sans fin.

Lundi 22 mars
Haendel Agrippina
Avec Brenda Rae (Poppea), Joyce DiDonato (Agrippina), Kate Lindsey (Nerone), Iestyn Davies (Ottone), Duncan Rock (Pallante) et Matthew Rose (Claudio), sous la direction de Harry Bicket. Production de David McVicar, représentation du 29 février 2020.

Agrippine pousse son fils Néron pour succéder à l'empereur Claude alors que celui-ci avait choisi Othon qui lui s'intéresse plutôt à Poppée courtisée par Claude et par Néron !!! 

Un soap opera avant la lettre merveilleusement caractérisé par la magnifique musique de Haendel qui montre ici tout son génie dramaturgique.

Des chanteurs de haut niveau (DiDonato) avec une vraie direction d'acteurs (Lindsey phénoménale!),  une transposition efficace à notre époque et un chef qui, depuis le clavecin, guide habilement un orchestre dans le monde du baroque ont assuré le triomphe de cette production qui fait ressortir la veine comique de cet opéra vénitien,

Un vrai plaisir 

Belles  soirées (ou matinées) lyriques

Jean-François Bourdeaux