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L'Opéra au salon : Perles rares au Met (25 au 31 mai 2021)

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05.22.2021

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Quelques œuvres rarement jouées, souvent par absence de voix qui en sont capables, sont rassemblées dans cette sélection qui donne à voir et entendre grandes voix et riche musique, mises en scène à thème et au premier degré, sérieux et drôlerie. 


Mardi 25 mai
Massenet Thaïs
Avec Renée Fleming (Thaïs), Michael Schade (Nicias) et Thomas Hampson (Athanaël), sous la direction de Jesús López-Cobos. Création en mars 1894. Production de John Cox. Captation du 20 décembre 2008.

Jeune moine ascétique, Athanaël, retourné dans le désert auprès de ses compagnons, leur dit être révulsé par Alexandrie, « ville livrée au péché » où Thaïs, qu’il a connu jadis, soumet les hommes à sa loi en « prêtresse de Vénus ». Il veut y retourner pour tenter de la remettre sur le droit chemin et utilise pour cela son ami Nicias, un bon vivant qui s’est ruiné pour passer une semaine avec Thaïs. Il arrive à la convertir pour découvrir finalement qu’il en est amoureux.

A partir de cet argument, tiré d’un roman d’Anatole France, lui-même inspiré par une longue tradition de "vies des saints ermites", Massenet, « l’historien musical de l’âme féminine » (Debussy), a composé ce petit bijou sur la rédemption d’une courtisane célèbre pour sa beauté. Outre l’archi-connue Méditation, délicieux solo de violon avec accompagnement de harpes, et le non moins célèbre morceau de bravoure pour soprano « Dis-moi que je suis belle », il donne à entendre de belles pages, illustrant tant les lieux (désert de la Thébaïde, Alexandrie) que les personnages par des motifs caractéristiques et des mélodies sensuelles ou sévères, une partition « riche en inspiration, en couleur et en originalité, tout en présentant un déploiement de qualités techniques exceptionnelles » (Kobbé). 

L’œuvre nécessitant une chanteuse exceptionnelle trouve dans cette production l'"ensorceleuse" (Duault) Renée Fleming (cf photo en haut à gauche). Ayant toujours imaginé ce rôle écrit pour elle, elle montre ici encore les différentes facettes d’une voix qui en a fait une des grandes sopranos de notre temps. Thomas Hampson, en restituant bien le conflit interne qui le ronge, est très convaincant en Athanaël tandis que le grand chef espagnol montre élégance et réserve. 

Un superbe écrin musical pour Renée Fleming !

 

Mercredi 26 mai
Borodin Prince Igor
Avec Oksana Dyka (Yaroslavna), Anita Rachvelishvili (Konchakova), Sergey Semishkur (Vladimir), Ildar Abdrazakov (prince Igor), Mikhail Petrenko (Prince Galitzky) et Štefan Kocán (Khan Konchak), sous la direction de Gianandrea Noseda. Création en novembre 1890. Production de Dmitri Tcherniakov. Captation du 1er mars 2014.

Parti combattre les Polovtses, peuple nomade qui attaquent les terres russes, le prince Igor laisse sa femme et sa ville à son beau-frère. Il est défait et fait prisonnier du Khan Kontchak ainsi que son fils qui tombe amoureux  de la fille du Khan. Kontchak propose son amitié et la paix à Igor ou une alliance et lui offre un somptueux divertissement. Igor préfère s'enfuir en abandonnant son fils et retrouve une ville où règne l'anarchie.

Typique opéra épique russe, l'unique opéra écrit par Borodin est resté inachevé, généralement entendu dans la version complétée par Rimsky-Korsakov et Glazounov. Il est ici reconstruit par Tcherniakov tant musicalement que scéniquement dans une version originale et  puissante, porteuse d'un message célébrant la nature et l'utopie d'un Orient mythique par rapport à la ville et à l'individu assoiffé de pouvoir.

Une distribution russophone de qualité au service d'une musique parmi les plus somptueuses de l'opéra russe (superbes airs d'Igor et de Kontchak) sous la baguette experte d'un Noseda longtemps premier chef invité du Mariinsky de St Petersbourg, une décoration sobre et efficace (très beau champ de coquelicots pour les célèbres Danses polovtsiennes ) avec des vidéos en noir et blanc pour souligner le propos anti-guerre font de cette production déconstruite un spectacle marquant dont on se souvient longtemps.


Jeudi 27 mai
Rossini La Donna del Lago (la Dame du lac)
Avec Joyce DiDonato (Elena), Daniela Barcellona (Malcolm), Juan Diego Flórez (Uberto/Giacomo V), John Osborn (Rodrigo) et Oren Gradus (Douglas), sous la direction de Michele Mariotti. Création en septembre 1819. Production de Paul Curran. Captation du 14 mars 2015.

Dans les Highlands au XVIè s, Elena, la Dame du lac, aimée d'Uberto (en réalité le roi ), est promise par son père Douglas, banni par le roi, à Rodrigo, chef des rebelles alors qu'elle aime Malcolm … Tout finira par s'arranger après la mort en duel de Rodrigo et le pardon du roi.

Sur cette trame inspirée du poème éponyme de Walter Scott, Rossini a écrit le premier des très nombreux opéras suscités par l'auteur écossais et une œuvre riche en pages mémorables montrant lyrisme, atmosphère locale et ornementation bel cantiste. 

"Exécutée par des voix surprenantes, voilà une œuvre prodigieuse; je pourrais presque en pleurer, si le don des larmes ne m'avait été enlevé"  en disait G. Leopardi,  le plus influent écrivain italien après Dante! C'est aussi la raison de la rareté de sa production. Le Met a pu réunir ici une distribution royale (DiDonato-photo au centre droit-, Florez, Barcellona, Osborn au sommet) qui donne l'occasion d'entendre de magnifiques solos, un duel de ténors, des ariosos exquis suivis de duos qui ne le sont pas moins … 

"Le plus beau récital costumé qu'on puisse imaginer" (Jacques Schmitt Res Musica)


Vendredi 28 mai
Shostakovich The Nose (le Nez)
Avec Andrey Popov (Gendarme), Alexander Lewis (le Nez) et Paulo Szot (Kovaliov), sous la direction de Pavel Smelkov. Création en janvier 1930. Production de William Kentridge. Captation du 26 octobre 2013.

Partant d'une des plus célèbres Nouvelles pétersbourgeoises (1836) de Gogol, ce premier opéra, comique, d'un Chostakovitch de 21 ans, inspiré par le directeur de théâtre Meyerhold, la technique cinématographique d'Eisenstein et la musique de Stravinsky et Berg se veut résolument expérimental tant dans l'écriture musicale (largement atonale, collage de styles,  juxtapositions de tons, citations, musique "réaliste", 78 rôles chantés, interlude pour percussions seules,  …) que dans sa structure théâtrale, absurde.   

Après une séance chez son barbier, un fonctionnaire découvre à son réveil que son nez a disparu … S'ensuit une longue quête à rebondissement qui reflète, sous forme de satire, la société russe de son temps (création en 1930, sous Staline !) et ses multiples travers.

La mise en scène, riche, colorée, utilisant collages, projections et dessins, transpose particulièrement bien cet opéra, son ambition comique et expérimentale, son impertinence et son rythme endiablé. Les voix hautes (ténors et sopranos), reflets caricaturaux du pouvoir, ont des parties particulièrement complexes et sont remarquables, notamment Szot et Popov …

Une occasion exceptionnelle de voir un des rares opéras comico-satiriques du XXè siècle dans un tourbillon sans relâche et une mise en scène grandiose.

 

Samedi 29 mai
Giordano Fedora
Avec Mirella Freni (Fedora), Ainhoa Arteta (Olga), Plácido Domingo (Loris), Dwayne Croft (de Syriex) et Jean-Yves Thibaudet (piano), sous la direction de Roberto Abbado. Création en novembre 1898. Production de Beppe De Tomasi. Captation du 26 avril 1997.

Inspirée d'une pièce de Victorien Sardou dans la mouvance de la russo-manie (réforme et mort d'Alexandre II, alliance franco-russe et de la découverte de la littérature russe), cet opéra mélodramatique a été le cheval de bataille des grandes divas véristes (Renata Tebaldi, Magda Olivero) et Caruso a créé le rôle de Loris! 

Cette somptueuse production, faite en l'honneur et à la demande de la grande Mirella Freni, offre une opportunité de voir cette œuvre rarement donnée hors d'Italie malgré ses qualités musicales et ses airs de bravoure. Le charisme vocal de Freni (la "dernière prima donna") et de Domingo (cf photo en haut à gauche) et leur connaissance de la tradition opératique portent cette représentation pleine de splendeur vocale.

A découvrir

 

Dimanche 30 mai
Strauss Capriccio
Avec Renée Fleming (comtesse Madeleine), Sarah Connolly (Clairon), Joseph Kaiser (Flamand), Russell Braun (Olivier), Morten Frank Larsen (comte) et Peter Rose (La Roche), sous la direction de Sir Andrew Davis. Création en octobre 1942. Production de John Cox. Captation du 23 avril 2011.

L’anniversaire de la comtesse Madeleine est le prétexte de cette « conversation en musique en un acte » dernier opéra de Strauss (octobre 1942) qui est aussi la métaphore suprêmement élégante et sophistiquée de l’opéra : « prima la parole, dopo la musica » ou l’inverse ? Ce séduisant testament lyrique renferme comme un écrin « une scène, la finale, qui fait oublier toutes les autres » (Michel Schneider).

Courtisée par un poète et un compositeur vantant chacun leur art, Madeleine hésite et ne voit finalement de solution que dans la synthèse de ces deux arts et du théâtre : l’opéra …

Recréée au Met pour Renée Fleming (cf photo en bas à droite), qui est, avec Elisabeth Schwartzkopf, une des plus grandes comtesses modernes et une immense straussienne, cette production bénéficie d’une superbe distribution, d’une mise en scène élégante et efficace, de décors et costumes raffinés des années 20 et d’une critique unanime !

Un pur joyau pour amoureux d’opéra.


Lundi 31 mai
Rossini Le Comte Ory
Avec Diana Damrau (Comtesse Adèle), Joyce DiDonato (Isolier), Susanne Resmark (Ragonde), Juan Diego Flórez (Comte Ory), Stéphane Degout (Raimbaud) et Michele Pertusi (le Gouverneur), sous la direction de Maurizio Benini. Création en août 1828. Production de Bartlett Sher. Captation du 9 avril 2011.

Profitant de l'absence pour cause de croisade des hommes du comté, le jeune et libertin comte Ory veut y remédier et surtout séduire la comtesse Adèle, n'hésitant pas à se déguiser d'abord en pieux ermite puis en pèlerine …

Sur ce prétexte,  et un livret de vaudeville de Scribe, Rossini écrit pour l'Opéra de Paris cette pièce désopilante à la partition très originale qui connut un succès foudroyant dans une veine parfois mozartienne.

Cette production propose un plateau exceptionnel avec notamment un Juan Diego Florez (cf photo en bas à gauche) impressionnant par son chant et son intelligence de caractérisation. Il est particulièrement bien entouré (Pertusi, Degout, Damrau, DiDonato !) dans cette mise en scène au premier degré où les jeux d'acteurs  vifs sont bien en accord avec la partition et  les décors stylisés et efficaces.

Désopilant et jubilatoire !


 

Les spectacles sont normalement accessibles en cliquant, le jour indiqué, sur le titre de l’œuvre, à l'heure de votre choix.

Bonne semaine lyrique

 

Jean-François Bourdeaux
Président du Club Opéra

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