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Note de présentation de Médée de Marc-Antoine Charpentier

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04.18.2024

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Nous nous retrouvons mardi 23 avril au Palais Garnier à 19h30 pour découvrir ce chef d’œuvre longtemps méconnu d’un des plus grands compositeurs de musique vocale du Grand Siècle.

Marc-Antoine Charpentier (1643-1704) y montre toute l’étendue de son génie et de son inventivité, introduisant nouveautés et éléments italiens dans la tragédie lyrique d’essence française pour faire de Médée « celui de tous les opéras sans exception, dans lequel on peut apprendre plus de choses essentielles à la bonne composition » (Sébastien de Brossard 1724).

Reconnu par tous pour son immense œuvre sacrée (plus de 450 pièces religieuses), et célèbre de nos jours pour les deux premières phrases de son Te Deum de 1692générique de l’Eurovision depuis 1953, Charpentier est également le compositeur d’une centaine d’œuvres profanes, créant ainsi une œuvre d’une extraordinaire diversité qui aborde tous les genres de son époque, même si la musique instrumentale y est très réduite. Les deux versants de sa double éducation musicale s’y retrouvent : profane pour les éléments du style français, religieuse pour la sensibilité italienne, combinant ainsi des langages que l’époque voulait incompatibles.

Né en 1643 en Ile de France, les date et lieu exacts de sa naissance étant inconnus, sa « vie » commence vraiment avec son « voyage de Rome », indispensable à l’époque à toute bonne formation artistique. Il est cependant le seul compositeur français de sa génération à l’avoir fait dans sa jeunesse. Là il bénéficie pendant trois années de l’enseignement de Giacomo Carissimi, maître de chapelle du Collège germanique des Jésuites, compositeur très renommé en Europe et grand pédagogue et profite de la foisonnante vie artistique locale et d’une communauté française variée (Poussin, Le Lorrain, Crozier, …) et bien intégrée.

De retour en France à la fin des années 1660, sa carrière parisienne commence en 1672 par une collaboration avec Molière. Brouillé avec Lully, il lui commande de nouvelles musiques, dont l’ensemble de la musique du Malade imaginaire qu’il espérait, comme ses autres œuvres, créer devant le roi et pour lequel Charpentier écrit des intermèdes qui frappent par leur nouveauté et la diversité de leur ton. Malveillance du tout-puissant surintendant de la musique Jean-Baptiste Lully, la pièce ne fut produite qu’à Paris, la musique revue trois fois pour répondre aux « deffenses » (multiples interdictions, formulées par Lully, sur les représentations et le nombre de musiciens) et le Théâtre du Palais-Royal, où elle fut donnée, réquisitionnée par le surintendant dès la mort prématurée de Molière, pour y loger son Académie Royale de Musique. Le roi lui accorda néanmoins une pension … La collaboration avec la Comédie-Française et d’autres auteurs, notamment Thomas Corneille, se poursuivra néanmoins (Circé), jusqu’à l’ultime « deffense », l’interdiction d’avoir des chanteurs dans une comédie, qui y mis fin.

Parallèlement à cette activité théâtrale soumise à la tutelle jalouse de Lully, Charpentier devient compositeur de musique religieuse pour le Dauphin, fournit de la musique à des couvents et à Port Royal et répond à des commandes privées. Ne pouvant, pour cause de maladie, terminer les épreuves du concours d’avril 1683 pour le recrutement de sous-maîtres à la Chapelle Royale, Charpentier ne put jamais plus prétendre à un poste officiel à la Cour. Il bénéficia cependant, jusqu’à la mort de Marie de Lorraine dite Melle de Guise (1688), du généreux mécénat de cette richissime héritière dont le corps de musiciens était particulièrement réputé en Europe et dans l’hôtel de laquelle il fut logé. Compositeur mais aussi haute-contre, il y écrit des œuvres de circonstances remarquées (Arts florissants) et de petits opéras (Acteon, La Descente aux enfers,…) qui démontrent ses capacités dramatiques.

Mais c’est chez les Jésuites que Charpentier s’épanouira. Il devient maître de musique de l’église saint Louis de la rue Saint Antoine, la plus célèbre des églises parisiennes en raison de ses richesses, de ses fastes (séduire pour mieux convertir), de la qualité de ses prédicateurs (P. Ménestrier, P. Bourdaloue), de ses confesseurs (P. de la Chaise) et de ses visiteurs. Grands Motets, psaumes, histoires sacrées se succèdent avec une dilection pour les Nativités et les Leçons de ténèbres dont Charpentier sera l’un des plus brillants et féconds compositeurs.

En février 1688, onze mois après le décès de Lully (22 mars 1687), il crée enfin, pour le très réputé collège Louis le Grand, sa deuxième tragédie lyrique et son premier chef d’œuvre, David et Jonathas, qui connut un énorme succès. Ce n’est qu’à cinquante ans, en 1693, six ans après la mort de Lully qui s’était arroger le monopole de la composition de tragédies lyriques à l’Académie Royale, qu’il ose y proposer une tragédie lyrique : Médée. C’était encore trop tôt. Les tenants de Lully étaient encore nombreux et la pièce n’eût que dix représentations, le Dauphin assistant cependant à deux d’entre elles et le duc d’Orléans à quatre !

Son fils, le duc de Chartres, futur Régent, grand amateur de musique demandera à Charpentier de lui enseigner la composition, ce qu’il fit ainsi que la rédaction d’un traité. Consécration : en juin 1698, il est nommé maître de musique à la Sainte-Chapelle, un des plus importants postes du royaume après la sous-maîtrise de la Chapelle Royale. Il y resta jusqu’à son décès le 24 février 1704.

Laborieux, discret, à l’inverse d’un Lully dont la vie défraya la chronique, Charpentier, compositeur « sçavant », que ses critiques trouvaient « un peu trop intelligent », est de ceux dont on peut dire qu’ils vécurent d’abord et avant tout pour leur art. Ses activités lui ont permis de toucher à tous les genres, de s’exprimer dans tous les domaines, mettant au cœur de la musique la diversité qui « en fait toutte la perfection » et laissant derrière lui une œuvre qui aurait pu faire de lui le plus grand musicien du royaume.

 

Le mythe de Médée

L’histoire de Médée est un des grands mythes de l’Antiquité grecque, lié à l’épopée des Argonautes et objet entre autres d’une célèbre tragédie d’Euripide (480-406).

Venu chercher la Toison d’or et récupérer son trône usurpé par son oncle Pélias, roi d’Iolcos, Jason arrive avec les Argonautes en Colchide où la Toison d’or est détenue par le roi Eétès, père de Médée et frère de Circé. Pour la recevoir, Jason devra accomplir trois épreuves dont Eétès espère qu’elles resteront insurmontables n’ayant aucune envie de rendre la toison. Médée est tombée amoureuse de Jason et met à sa disposition ses pouvoirs de magicienne. Jason accepte et propose de l’emmener avec lui et de l’épouser. Grâce à elle, il parvient à triompher des trois épreuves, Eétès refuse cependant de lui donner la Toison d’or. Jason, Médée et les Argonautes s’en emparent et fuient la Colchide emmenant avec eux le frère de Médée. Eétès et sa flotte poursuivent les fugitifs mais Médée, dépeçant son frère et jetant ses restes à la mer, les retarde, occupés qu’ils sont à récupérer sa dépouille pour lui offrir une sépulture digne.

Rentrés à Iolcos, son oncle Pélias ayant profité de son absence pour tuer son père, Jason demande à Médée de l’aider à se venger, ce qu’elle fait en le faisant bouillir puis démembrer par ses propres filles qui pensent ainsi pouvoir le rajeunir comme l’avait fait Médée d’un vieux bélier.

Bannis par Acaste, le fils de Pélias, Jason et Médée sont accueillis à Corinthe par le roi Créon. Ils y ont deux fils. Jason tombe cependant amoureux de Créuse, la fille du roi, celui-ci se réjouissant de trouver en Jason un successeur aussi illustre. Répudiée par son mari, rejetée par les Corinthiens, Médée est chassée de la ville. Elle se vengera en tuant sa rivale.

Menacée de mort à Corinthe, elle est recueillie par Egée, roi d’Athènes qu’elle épousera pour lui donner un successeur, ce dernier croyant ne pas en avoir. Elle tente de se débarrasser de Thésée, premier fils d’Egée, mais son père reconnaît à temps son épée et ses sandales… Médée fuit de nouveau non sans s’emparer d’une partie du trésor d’Athènes. Retournant en Colchide, elle restitue le pouvoir volé par son oncle Persès à son père Eétès 

De cette histoire, Euripide choisit de retenir non la partie héroïque de Jason et de la conquête de la toison d’or mais sa trahison et la vengeance de Médée. Il fait ainsi de l’illustre héros antique un personnage qui nous apparaît peu attrayant, menteur et parjure et rend en revanche Médée humaine. Premier à avoir introduit l’infanticide dans le mythe, il donne à celui-ci une dimension plus profonde, « une exploration des limites extrêmes des émotions humaines » (Laura Swift). C’est cette version qu’ont retenu les vases grecs, les tragiques romains, puis Ovide et Sénèque.

 

La genèse de l’œuvre

Redécouverte à la renaissance, l’Antiquité gréco-romaine et ses mythes ne pouvaient pas ne pas inspirer l’opéra. Il n’est donc pas surprenant que Médée, ait pu être choisi par Charpentier, comme thème d’une tragédie lyrique pour l’Académie Royale. Ce sujet avait au demeurant déjà été exploité au théâtre, près de soixante années plus tôt et non oublié, par le maître du dilemme, Pierre Corneille.

C’est à son frère cadet de dix-neuf ans, Thomas Corneille, avec qui il avait déjà travaillé, que Charpentier confie le livret. Il s’inspire cependant plus d’Euripide que de son frère, même s’il garde parfois dans son livret la résonance majestueuse de ses vers. Médée n’y est plus une héroïne à l’âme noire et aux crimes monstrueux et le récit de ceux-ci ne sont pas l’essence de la tragédie. Elle apparaît même comme le seul personnage ayant de la grandeur. Ce n’est plus l’épouse bafouée en violation de l’ordre des choses, ce qui offense les dieux protecteurs du mariage, à l’Antiquité comme chez Wagner, qui est au centre du récit mais la souffrance d’une femme qui est aussi mère, cœur du conflit cornélien « Je n’exécute rien, et mon âme éperdue/ Entre deux passions demeure suspendue »). Elle ne tuera ses enfants que parce qu’ils sont la seule façon de toucher son mari.

Conscient que l’opéra à d’autres moyens pour émouvoir que les vers, que les alexandrins se prêtent mal à la musique et qu’il faut introduire dans la dramaturgie les éléments de spectacles et les machines attendus par son temps pour en faire un divertissement, Thomas Corneille adopte une prosodie nouvelle avec des vers plus souples, y compris impairs, réordonnance les épisodes pour y introduire la danse ou produire des effets dramatiques (preuve de l’adultère retardé au troisième acte). Par la concentration de l’action, avec le respect de la règle des trois unités, et la caractérisation des situations individuelles, il donne au livret un caractère tragique accusé et une dynamique dramatique continue tout en respectant les formes de la tragédie en musique aboutissant ainsi à « un des plus grands livrets qu’on puisse citer dans l’histoire de l’art lyrique français » (W. Christie).

 

La tragédie lyrique et la musique

Malgré ses nouveautés, Médée s’inscrit bien dans la conception lulliste de la tragédie lyrique, un genre créé par Lully et Quinault le 27 avril 1673 : Cadmus et Hermione à Paris en présence du roi, qui restera la matrice de l’opéra français jusqu’après Gluck. Homme de théâtre pour qui la scène et l’action priment la musique, Lully rejette les Airs de cour à la française alors en vigueur. Il les juge trop statique du fait de leur ornementation et promeut à la place le récitatif. Rendu expressif et dramatique, et devenu un véhicule d’émotions, celui-ci devient alors la matière même du drame et non plus comme avant une simple transition entre diverses formes musicales ou airs. Sa simplicité, élégante, et l’absence d’artifices permettront le dynamisme recherché ainsi que l’est le souci de chanter « comme il parle ». Une grande attention est également portée à l’élément littéraire et à la prosodie, marques de fabrique de la tragédie lyrique à la française, comme le sera l’art de la déclamation. Le « bien chanter » pour être efficace sera en effet avant tout le « bien déclamer », autrement dit l’art d’utiliser les différences de hauteur et de son sur une étendue d’une octave, car l’esprit logique et rationaliste des Français exige la compréhension des paroles. Art difficile et exigeant …

Pour Charpentier, musicien avant tout, la partition est première, la pratique du théâtre seconde. C’est donc en musicien qu’il travaille ce que l’on appelait alors le poème, en utilisant des moyens plus richement musicaux, privilégiant le contraste et les ressources expressives de l’harmonie, science apprise des Italiens. « La Musique est un meslange harmonieux des sons aigus, moyens et graves (…). La seule diversité en fait la perfection, comme l’uniformité en fait tout le fade et le désagrément ». (Règles de composition de Charpentier). L’art de la dissonance est un des principaux facteurs de la beauté de son style mais c’est toujours au service de nécessités expressives qu’il l’emploie (invocation des Enfers, lamentations des Corinthiens, mort de Créuse, …). Sa volonté d’associer des composantes de la musique italienne à celles de la musique française, sa maîtrise de la forme dramatique, de l’harmonie, du rythme, de la diversité et de la couleur orchestrale ne se retrouveront plus jusqu’à Rameau, autre compositeur qui « avait le malheur dans savoir plus sur la musique que Lully » (Voltaire).

 

La création et le devenir

Créée le 4 décembre 1693 à l’Académie Royale de Musique en présence du roi qui, grand honneur, en accepta la dédicace, cette tragédie en cinq actes et un prologue ne connut cependant que dix représentations. Elle subit les critiques d’une institution encore totalement sous l’influence des lullystes bien que Charpentier se soit conformé au modèle de leur maître (prologue et cinq actes, divertissement avec ballet aux quatre premiers actes, récitatif déclamatoire, équilibre des parties). Le trop plein de musique surprit de même que l’abondance des dissonances, leurs durées « excessives », l’usage des chœurs ….

Une tentative de reprise en 1700 à Lille fut abandonnée pour cause d’incendie. Il faut attendre 1984 avec Michel Corboz et Robert Wilson qui vont la faire découvrir au public lyonnais au moment où William Christie réalise le premier de ses deux enregistrements, suivi en 1989 d’une version de concert puis enfin d’une production scénique présentée à Caen, Strasbourg et Paris dans une mise en scène de Jean-Marie Villégier. Pierre Audi s’y essaiera en 2012 au TCE.

C’est donc la première représentation à l’Opéra de Paris depuis sa création à laquelle nous assisterons dans la production créée en 2013 à l’English National Opera de Londres par David McVicar et reprise à l’opéra de Genève en 2019. Sir David transpose l’action en 1941 au ministère de la Guerre où la Marine et l’Aviation se disputent les faveurs du général Créon… William Christie, grand et vieil amoureux de l’œuvre dirigera ses Arts florissants bien nommés.

 

L’Argument

 

L’argument schématique

Typique des tragédies lulliennes, c’est le carré amoureux et non le triangle amoureux que l’on trouve ici : M aime J qui aime C qui est aimée d’O. Il permet les doubles alliances et duos contrastés particulièrement appréciés au XVIIè siècle.

Contexte dans le mythe

Poursuivis par la vengeance de son frère Acaste, Médée, Jason et leurs enfants ont trouvé refuge auprès de Créon, roi de Corinthe. Ce dernier craint néanmoins pour sa ville et a appelé Oronte le prince d’Argos en renfort.

Argument détaillé Prologue

Les peuples de France, célèbrent les triomphes de Louis XIV, le plus puissant des rois, et en appellent à la Victoire, à la Gloire et à Bellone, déesse de la guerre, pour chanter ses louanges contre ses ennemis jaloux. Bergers et bergères lui doivent la paix et le repos, dansent et chantent le bonheur de vivre.


Acte I

Médée aime mais doute de Jason (Jason est un ingrat, Jason est un parjure). Nérine, sa confidente remarque que Créuse, la fille de Créon, est destinée à Oronte, prince d’Argos qui vient pour l’épouser. Si Jason cherche la faveur de Créuse, ce ne peut donc être que pour éviter les conséquences de la guerre notamment pour leurs enfants. Mais Médée s’offusque (« s’il lui faut un appui ne l’a-t-il pas en moi ? ») avant de menacer (« Un Dragon assoupi »), en répugnant néanmoins à se servir de sa force contre celui qu’elle aime.

Jason annonce à Médée qu’il a obtenu que Créuse prenne soin de leurs enfants s’ils sont bannis et ce n’est que pour l’influence qu’elle a sur son père et pour les protéger de la vengeance d’Acaste qu’il la fréquente. Ecartant les soupçons de Médée Que de tristes soucis ! »), il va jusqu’à dire qu’il ne la verra plus si cela l’inquiète. Médée, conciliante, consent alors à sa demande et lui donne sa robe de soleil qui fait tant envie à Créuse.

Seul devant son confident, Jason avoue son amour pour Créuse (« Que je serais heureux si j’étais moins aimé »). Conscient de l’outrage à Médée, il ne peut cependant résister à l’amour (air « Que me peut demander la gloire »). Des cris de joie des Corinthiens annoncent l’arrivée d’Oronte, et la fin de leurs craintes : la victoire de Corinthe semble acquise. Créon, prêt à accueillir Oronte, s’approche de Jason et l’invite à persévérer... Il accueille néanmoins Oronte avec beaucoup de chaleur et tous les honneurs dus à son rang et lui promet la main de Créuse qu’il aime si Jason et lui sortent victorieux.

Les chants guerriers très joyeux et les danses des Corinthiens et des Argiens unis prêts au combat (« Courez aux Champs de Mars ») concluent l’acte.


Acte II

Créon assure à Médée qu’il ne la livrera pas à Acaste (« Il est temps de parler ») mais demande son départ, sa présence inquiétant le peuple. Il prendra soin de ses enfants comme un père. Elle est prête à partir mais avec Jason ; Créon le veut à ses côtés pour défendre Corinthe ! Lui reprochant les méfaits de sa magie, Créon lui ordonne de partir avant la fin du jour. Médée s’effondre (« On me chasse, on m’exile, on m’arrache à moi-même ») et apparemment soumise confie ses enfants à Créuse avant de disparaître.

Créon se félicite avec Créuse du départ de sa rivale, elle peut maintenant jouir de sa conquête et, lui, bénéficier de la défense du « plus grand des héros ». Créon remet alors le sort de sa fille entre les mains de Jason à qui il conseille l’adresse pour ses adieux…. Jason confirme à Créuse sa flamme (« Qu’ai-je à résoudre encore ? ») et tous deux chantent leur amour (« Doux repos, quittez-moi, ne revenez jamais »).

Arrive Oronte qui vient, tout feu tout flamme, déclarer son amour à Créuse et lui offrir un somptueux divertissement chanté et dansé (« Qu’elle est charmante » (…) D’un amant qui veut plaire L’hommage est constant »). Créuse n’est cependant guère émue, ni ne lève l’ambiguïté, laissant ainsi tout espoir à Oronte.


Acte III

Oronte offre à Médée de lui éviter l’exil et de la défendre contre Arcaste, si Jason lui obtient la main de Créuse. Médée lui révèle alors le double jeu de Créon et de Créuse (« Vous ignorez ce qui se passe (…) Qui l’aurait cru ». Les lamentations cèdent vite la place à la colère, les voici unis contre les amants.

Médée s’attendrit soudain : Jason arrive, elle va lui parler ! L’interrogeant sur son exil (« Vous savez l’exil qu’on m’ordonne »), elle n’obtient que de vaines paroles mêlées de promesse d’amour (« Je ne puis plus soutenir vos douleurs »). La magicienne n’est pas dupe et, au motif de soutenir la gloire du héros, consent à l’exil. Restée seule, elle se lamente (« Quel prix de mon amour ! »).

Nérine, à qui Arcas s’est confié, vient confirmer les soupçons de Médée. Peu à peu la colère l’emporte à nouveau et avec elle la vengeance (« C’en est fait ! (…) Et que le crime nous sépare Comme le crime nous a joints ») quand elle y sera forcée.

Médée réclame le secours des Enfers (« Noires filles du Styx ») qui lui témoignent leur allégeance (« l’enfer obéit à ta voix (…) du funeste poison »). « Punissons d’un ingrat la perfidie extrême ; qu’il souffre (…) en voyant souffrir ce qu’il aime » : sa robe de soleil enduite de poisons sera l’instrument de sa vengeance !


Acte IV

Créuse resplendit dans la robe de Médée et enflamme Jason Ah que d’attraits (…) Puisse l’Amour »). Oronte les rejoint au moment où Créuse s’échappe. Loin de chercher querelle à Jason, ni l’accuser directement, il lui exprime néanmoins ses doutes, presque menaçant.

Convaincu de la fourberie de Jason et de Créuse, il s’en livre à Médée. Elle est de son côté et lui affirme que jamais Jason n’épousera Créuse. La volonté de vengeance prend maintenant le pas sur sa pitié de mère et de femme.

A Créon qui s’enquiert de son départ, Médée réaffirme sa demande du mariage de Créuse et d’Oronte. Créon s’en offusque faisant valoir son pouvoir royal. La magicienne lui tient tête, exige, ordonne, menace (« Souviens-toi que je suis Médée ») ! Créon appelle ses gardes, ils se retournent contre lui.

Affirmant son pouvoir, Médée ordonne le calme. Elle espère avoir convaincu ; mais loin de plier, Créon refuse encore le mariage, menace puis sombre dans la folie, interrogeant l’enfer (« Noires divinités »).


Acte V

Créon a perdu la raison et erre dans son palais. Blâmant Jason, Médée veut continuer sa vengeance (« Que d’horreurs, que de maux suivront sa trahison ») et tuer ses enfants s’il ne lui revient pas.

Créuse vient implorer son pardon pour son père. La magicienne pose ses conditions : son mariage avec Oronte. Créuse consent seulement à lui rendre Jason, Médée insiste pour le mariage.

Trop tard. Les Corinthiens se lamentent : Créon, pris de rage, a transpercé Oronte, puis a retourné l’arme contre lui. Créuse tente de se révolter invoquant sa haine et la vengeance de Jason … 

La robe de Médée et son pouvoir font alors leur effet : Créuse souffre de mille maux (« Quel feu dans mes veines s’allume ! ») et meurt dans les bras de Jason qui accoure (« Hélas, prêts d’être unis par les plus douces chaînes »).

Jason s’apprête à la venger quand Médée, sur un char aérien, lui annonce qu’elle a également poignardé ses enfants. Sa vengeance accomplie, elle s’envole, laissant Corinthe en feu (« Pleure à jamais les maux que ta flamme a causés »).

 

Les personnages et leurs voix

 

  • Médée : princesse de Colchide, femme de Jason, magicienne (dessus / mezzo-soprano)
  • Jason : prince de Thessalie, Argonaute, époux de Médée et père de leurs enfants, aime Créuse Haute-contre / ténor()
  • Créuse : fille de Créon, elle est promise à Oronte mais Jason entend l’épouser (dessus / soprano)
  • Oronte : prince d’Argos, Créuse lui est promise par Créon en échange de son aide contre les
  • troupes d’Acaste (basse-taille / baryton-basse)
  • Créon : roi de Corinthe, père de Créuse, attaqué par Acaste, promet sa fille à Oronte et encourage Jason dans ses approches (basse / baryton)
  • Nérine : confidente de Médée (dessus / soprano).
  • Cléone : confidente de Créuse (dessus : soprano)
  • Arcas : confident de Jason (taille / baryton-basse)


Discographie

 

L’œuvre a bénéficié d’une discographie très réduite mais de grande qualité :

 

  • William Christie (dir) : Jill Feldman (Médée), Gilles Ragon (Jason), Agnès Mellon (Créuse), Jacques Bona (Créon), Philippe Cantor (Oronte), Sophie Boulin (Nérine)- Les Arts florissants - 1984-Opéra du château de Versailles- CD Harmonia Mundi : la résurrection de l’œuvre et la version historique de référence multi primée qui a fait découvrir l’œuvre
  • William Christie (dir) : Lorraine Hunt (Médée), Mark Padmore (Jason), Monique Zanetti (Créuse), Bernard Deletré (Créon), Jean-Marc Salzmann (Oronte), Noémie Rime (Nérine)- Les Arts florissants – 1995 – Erato : l’autre grande version de Christie, presqu’aussi primée avec une splendide Lorraine Hunt
  • Hervé Niquet (dir) : Véronique Gens (Médée), Cyrille Dubois (Jason), Judith van Wanroij (Créuse), Thomas Dolié (Créon), David Witczak (Oronte), Hélène Carpentier (Nérine)- Le Concert spirituel - Soissons, Cité de la Musique et de la Danse -2023- Live- CD Alpha-Classics : tout récemment publié, la nouvelle version de référence au plus au plus proche des conditions de l’époque de la partition et sans coupure; Gens superbement émouvante.

 

Vidéographie

 

  • Hervé Niquet (dir), Olivier Simonet (mes) : Stéphanie d’Oustrac (Médée), François-Nicolas Geslot (Jason), Gaëlle Mechaly (Créuse), Renaud Delaigue (Créon), Bertrand Chuberre (Oronte), Caroline Mutel (Nérine)- Le Concert spirituel DVD 2004 Vox Lucida Armide

 

Streaming

 

  • Andrea Marco (dir), Nicolas Brieger (mes) : Magdalena Kozena (Médée), Anders Dahlin (Jason), Meike Hartmann (Créuse), Luca Tittoto (Créon), Robin Adams (Oronte), Silke Gang (Nérine)- La Cetra, orchestre baroque de Bâle-Opéra de Bâle- 2015

 

Bibliographie

 

  • Avant-scène Opéra N° 68 : Médée, 1984 : contexte historique, intéressantes analyses

 

 

 

Jean-François Bourdeaux

Club Opéra Sciences Po Alumni



Credit Photo: Opera Online.

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