Oriane N’Dri : « Il n’y a pas d’échec réel dans la vie, il y a toujours une leçon »
En première année du programme Europe Afrique à Reims, Oriane N’Dri est arrivée en France dans un contexte marqué par la crise sanitaire et l’enseignement à distance. Etudiante en terminale l’année dernière, elle a bénéficié comme cinq autres élèves ivoiriens du programme de mentorat du Cercle Afrique de Sciences Po Alumni, en partenariat avec la Fondation Mastercard.
- Peux-tu te présenter en quelques mots ? Comment as-tu entendu parler de Sciences Po ?
J’ai 18 ans, je suis ivoirienne et je viens d’Abidjan, où j’ai étudié au collège Notre Dame d’Afrique de Biétry. C’est là-bas que j’ai entendu parler de Sciences Po pour la première fois, par le biais d’anciennes élèves, Aïcha et Lucile.
Je me rappellerai toujours cette journée. C’était un vendredi, j’étais en classe et le directeur de l’école a demandé à ce que je vienne le voir au bureau… J’étais angoissée, en général quand le proviseur veut vous voir, c’est qu’il y a un gros problème… Mais sur le chemin, j’ai vu que d’autres élèves, des premiers et deuxièmes de classe, venaient aussi dans son bureau. Nous sommes alors tombées sur ces deux anciennes élèves de Sciences Po qui nous attendaient pour nous parler du programme de bourses de la Fondation Mastercard et du programme de mentorat pour nous aider à être sélectionnés.
- Comment s’est déroulé ce programme ?
On a beaucoup appris, nous travaillions chaque fin de semaine en plus des révisions du baccalauréat. C’était quelque chose, mais ça valait le coup ! (rires) Je n’avais alors aucune idée de comment écrire une lettre de motivation et j’avais des difficultés à me servir d’un ordinateur. Chaque semaine, Aicha nous recommandait des livres ou des journaux à lire, pour être en contact avec l’actualité. C’était un monde nouveau et le stress était vraiment important, notamment quand nous avons passé des oraux blancs, lors desquels nous lisions des articles sur lesquels nous étions interrogées chacune à notre tour. Il y avait aussi des moments plus détendus, nous nous retrouvions chez le glacier, nous parlions de ce que nous voulions faire à l’avenir…
Sciences Po était devenu un but à atteindre, je ne vivais que pour ça, ma seule autre option était d’étudier à l’université de Cocody. Le Covid19 n’a pas facilité les choses ; on a passé un mois et demi sans pouvoir aller à l’école.
J’ai ensuite passé le test d’admission par visioconférence, c’était stressant, avec la fameuse question « Pourquoi Sciences Po », ou « pourquoi nous plutôt que quelqu’un d’autre ». Grâce au mentorat, on savait déjà un peu à quoi s’attendre, mais même si nous recevions des conseils, c’était évidemment à nous d’écrire nos lettres de motivation puis de faire nos preuves. Dans ma tête, j’avais l’impression d’avoir tout raté ! Et puis j’ai appris que j’avais été admise avec la bourse de la fondation Mastercard…
- Comment s’est passée ton arrivée en France ?
Ma mentor, Lucile, m’a d’abord beaucoup aidée pour mes démarches administratives, notamment l’obtention du visa. C’est vraiment quelqu’un d’exceptionnel, qui m’a aidée du début à la fin. Elle disait toujours que ce n’était pas juste que certains aient plus d’opportunités que d’autres. Elle a rencontré toute ma famille, c’est devenu plus qu’un mentor, de vrais liens se sont créés, on a appris à se connaître. On a dîné ensemble la veille de mon départ. Mon père est venu de Korhogo [dans le nord de la Côte d’Ivoire] pour me dire au revoir.
Et puis je suis arrivée le 12 septembre en France, c’était comme un rêve, je me demandais comment tout avait pu aller si vite. Je voulais vraiment aller dans une grande école, avoir une bonne formation. Dès mon arrivée à l’aéroport, j’ai été accueillie par des responsables de la bourse et des étudiants sont venus nous chercher et nous aider à porter nos affaires.
- Comment s’est passé ce premier semestre, avec le contexte sanitaire ?
Au début, on a commencé avec un système hybride avec 2 groupes d’étudiants qui se relayaient pour assister aux cours en présentiel. C’était difficile, je me sentais un peu seule quand je ne comprenais pas des choses ; Aicha et Lucile m’appelaient régulièrement pour prendre de mes nouvelles. Elles sont devenues comme des grandes sœurs, elles me motivaient, me disaient que ça irait.
Les premières semaines, je ne comprenais pas les cours, le système est très différent de ce que j’avais connu en Côte d’Ivoire. Et puis, ça a commencé à aller mieux, je commence maintenant à prendre mes repères. J’ai aussi été très soutenue par M. Becker, le responsable pédagogique du programme, qui m’appelait chaque semaine pour prendre de mes nouvelles et me donner des conseils.
- Quels sont tes projets à plus long terme ?
On me parle beaucoup de la sociologie, mais je ne sais pas encore précisément ce que je veux faire. Mais je sais déjà que je veux travailler dans le but de rentrer chez moi pour donner la possibilité à d’autres personnes comme moi d’étudier, pour leur donner leur chance comme on m’a donné la mienne. J’étais dans un lycée classique où on n’entendait même pas parler de Sciences Po, contrairement aux lycées français. La prochaine fois que je rentrerai à Abidjan en vacances, je parlerai du programme à tous les élèves de mon ancien lycée, dès la seconde, pour qu’ils puissent se préparer.
- Aimerais-tu être mentor à ton tour ?
Je donnerais tout pour l’être ! Je connais chaque étape du processus d’admission, je sais ce qu’il se passe dans la tête de quelqu’un qui a été candidat comme moi, c’est vraiment spécial.
- Quels conseils donnerais-tu à un.e jeune étudiant.e ivoirien.ne intéressé.e par Sciences Po ?
Je lui dirais « lance-toi ! ». En commençant cette aventure, je ne pensais pas réussir, à aucun moment je ne pensais que ce serait possible, c’est vraiment une école prestigieuse, je me demandais si j’allais m’en sortir. Le jour où j’ai reçu le mail d’admission, je n’y croyais pas. Croyez en vous, donnez tout. Et même si Sciences Po ne marche pas, vous aurez appris quelque chose, il n’y a pas d’échec réel dans la vie, il y a toujours une leçon.
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