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Où va notre hôpital ?

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06.30.2022

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Dans une période de fragilité pour l’hôpital et le système de santé, le Groupe Santé de Sciences Po a ouvert le dialogue* avec le Directeur général du CHU de Nantes. Philippe El Saïr **est une personnalité reconnue du secteur hospitalier qui exerce des responsabilités importantes et variées dans l’organisation des établissements de santé. Synthèse.

 

Philippe El Saïr le reconnait d’emblée. La pression économique « venant dans tous les pays occidentaux de l’assureur » est forte alors que les demandes de soins pour l’hôpital augmentent. La médecine de ville, « la première ligne » est, de fait, « dépassée » et l’hôpital, en aval, est, pour sa part, « débordé ». 

« Le métier de l’hôpital a changé, en ne cessant de s’élargir, et c’est un peu vertigineux » nous dit l’invité du Groupe Santé des Alumni. Les hôpitaux et les CHU en particulier, grands paquebots, sont en difficulté à la fois pour le recrutement des soignants, le financement des organisations et même, ce qui est plus curieux, en raison d’une forme de perte de sens ressentie par les équipes. Ce qui pousse le directeur d’hôpital à être attentif, « l’œil gauche dans le microscope, l’œil droit dans une lunette astronomique », ironise-t-il.

 

Trop d’hôpital

Chaque pays connait des situations souvent analogues. Mais notre situation hexagonale dégradée est inquiétante parce que notre système repose trop sur l’organisation hospitalière. « L’hôpital fait beaucoup de choses et il lui est trop demandé, notamment au travers des urgences ». Philippe El Saïr nous le rappelle : « Il y a 30 ans, les services d’urgence étaient de petites unités tenues par des internes. Aujourd’hui, un patient sur deux arrive des urgences. Demander à un hôpital de recherche de s’occuper de soins de premier recours est très onéreux et peu raisonnable ». La question, non élucidée, est de savoir comment on en est arrivé à une telle situation !

 

Desserrer l’étau

Autre constat : les professionnels se détachent de l’hôpital et les responsables hospitaliers ont du mal à les retenir, surtout depuis la crise du Covid qui les a profondément marqués. Les métiers du soin sont « à contraintes » et les missions de service public ne seraient plus un élément de fierté et d’identification enviable. Notre responsabilité de manager est de « repositionner chacun sur son métier et de desserrer l’étau », afin d’éviter que la crise ne devienne endémique.

 

Ensemble

« Il nous faut par tous les moyens renforcer la première ligne ». Car l’hôpital ne s’en sortira pas tout seul et il conviendrait de s’entendre avec la médecine libérale et privée sur une répartition des responsabilités territoriales de chacun (permanence des soins ambulatoires), autour d’une régulation de l’accès aux urgences. 

D’autres mesures existent toutefois, telle l’immigration choisie avec une clause d’installation dans les déserts médicaux ruraux et urbains et le développement de nouveaux métiers paramédicaux (comme les infirmières de pratiques avancées…) qu’il faut prioritairement implanter en ville. Le responsable d’établissement prône pour faciliter les conditions d’exercice pluriel. Et ce serait ainsi que nous pourrions recentrer l’hôpital sur son métier et redonner du sens et de la sérénité aux soignants. Mais ne nous voilons pas la réalité : la contrainte, le travail de nuit et la pénibilité doivent être rémunérés correctement pour faire baisser les 10 % d’absentéisme que l’hôpital connait. Ce qui ouvre également la porte à plus de liberté et de négociation individuelle avec les salariés au niveau territorial. On pourrait imaginer des éléments salariaux négociés au plan local qui viendraient s’ajouter au statut.

 

Prévention 

Comment amorcer le passage à une logique préventive, s’interroge le directeur de Nantes ? « Il nous faut prendre en charge l’ensemble d’une population d’un territoire dont nous avons la responsabilité collective ». Les 135 Groupes Hospitaliers de Territoires (GHT) doivent s’intéresser, dans le cadre d’une alliance avec les professionnels libéraux intéressés, aux malades chroniques lourds et mieux les suivre. Sur un bassin de santé de 400.000 habitants par exemple, un suivi rapproché de 30.000 patients pourrait être réalisé. Selon Philippe El Saïr, la France est en situation de prendre le leadership de ce changement de paradigme des systèmes de santé, que l’on voit se dessiner un peu partout dans le monde, en lançant 30 ou 40 expérimentations de cette nature. Le CHU de Nantes, pour sa part, mène plusieurs expériences de parcours de soins originaux dont celles du développement d’infirmiers en pratique avancée dans des maisons de santé.

 

De quoi mobiliser, espère le responsable hospitalier, les jeunes professionnels, les chercheurs et les soignants et leur redonner ce sens de l’engagement qui semblerait devoir être encouragé. 

 

Pascal Maurel avec Asmahane Khelfat

 

*Rencontre organisée par le Groupe santé de Sciences Po Alumni le Jeudi 2 Juin 2022

** Directeur général du CHU de Nantes, ancien DG du CHU de Brest, Président du Centre national d’Expertise hospitalière

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