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L'Opéra au salon : les Mères à l'honneur au Met (programme du 4 au 10 mai 2021)

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05.02.2021

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La fête des Mères (deuxième dimanche de mai aux EU) est l'occasion de présenter quelques rôles, pas toujours positifs, de mère dans l'opéra.  

La sélection proposée cette semaine permettra de voir des chefs d'œuvre du baroque (Rodelinda et Agrippina) au XXè siècle (Elektra et Wozzeck), en passant par de grands classiques du XIXè: bel canto (Norma), vérisme (Madame Butterfly) ou opéra français (Hamlet). Le tout, comme si souvent, dans des interprétations superlatives, chanteurs et orchestre, et dans des mises en scène qui vont du dépouillement au choc d'images.

Bref,  un choix pour tous les goûts.


Mardi 4 mai
Strauss Elektra
Avec Nina Stemme (Electre), Adrianne Pieczonka (Chrysothémis), Waltraud Meier (Clytemnestre) et Eric Owens (Oreste). Création en janvier 1909. Sous la direction d’Esa-Pekka Salonen.  Production de Patrice Chéreau. Représentation du 30 avril 2016.

Un des nombreux opéras autour la tragédie des Atrides, Elektra narre la folie vengeresse d'Electre à l'égard de sa mère Clytemnestre, meurtrière de son père, et sa réalisation par son frère Oreste revenu "incognito". Les relations mère-fille sont là tout sauf du bonheur …

Tout ceci se traduit par une atmosphère de violence et de musique sombre servi par un très grand orchestre.  "Rien ne va plus loin qu'Elektra" en disait Ernestine Schumann-Heink, grande spécialiste de Wagner et créatrice du rôle de Clytemnestre ! 

Cette diffusion reprend la dernière mise en scène créée en 2013 au festival d'Aix en Provence par Patrice Chéreau, trois mois avant sa mort. Une vision crépusculaire au plus près du livret et de la musique qu'elle transcende.

Les abonnés y retrouveront les deux principales protagonistes féminines qui avaient électrisé la Philharmonie de Paris en décembre 2017 : Nina Stemme et Waltraud Meier, sans conteste les deux meilleures interprètes actuelles de ses rôles d'une extrême exigence.

Un spectacle fort pour un  classique moderne !


Mercredi 5 mai
Handel Rodelinda
Avec Renée Fleming (Rodelinda), Stephanie Blythe (Eduige), Andreas Scholl (Bertarido), Joseph Kaiser (Grimoaldo) et Shenyang (Garibaldo). Création en février 1725. Sous la direction d’Harry Bicket. Production de Stephen Wadsworth. Représentation du 3 décembre 2011.

Grimoaldo a usurpé le trône de Bertarido, roi de Lombardie que l'on croit mort. Il convoite la main de sa femme Rodelinda et, pour cela, prend son fils en otage. Bertarido revient, est emprisonné, s'échappe et finit par défendre son rival contre une tentative d'assassinat fomentée par Garibaldo, son suppôt.

Bâti sur un excellent livret où rien n'est superflu, où l'action est cohérente et les personnages crédibles dans leurs motivations, et servi par une partition parfaite, une musique raffinée et des airs somptueux (dont trois des plus sublimes airs de contre-ténors), cet opéra, un des grands succès haendéliens, a été à l'origine de la renaissance haendélienne depuis 1920. 

Il exige un trio de chanteurs exceptionnels. 

C'est le cas de cette production du Met qui rassemble la fine fleur du chant de son époque dans une représentation visuellement elle aussi superbe (décor et costumes du XVIIè siècle) sous la direction d'un spécialiste de cette musique.

Un grand moment de bonheur baroque


Jeudi 6 mai
Thomas Hamlet
Avec Marlis Petersen (Ophélie), Jennifer Larmore (Gertrude), Simon Keenlyside (Hamlet) et James Morris (Claudius). Création en mars 1868. Sous la direction de Louis Langrée. Production de Patrice Caurier et Moshe Leiser. Représentation du 27 mars 2010.

Hamlet a deviné que Claudius, avec l'aide de Gertrude, sa mère, a tué son père pour monter sur le trône danois. Partagé entre sa lâcheté naturelle, qui épargne sa mère, et son devoir filial, qui doit venger son père, Hamlet est en proie au doute et rejette Ophélie, objet de son amour, qui sombre dans la folie.

Enorme succès au XIXè siècle, entre autres grâce à la célèbre scène de folie illustrée par d'immenses sopranos, Hamlet est un des rares opéras dont le héros est un baryton. Il a ainsi été porté par les gloires de ce registre. 

C'est aussi le cas de cette production où Simon Keenlyside, dont c'est un des rôles de référence, en signe une interprétation mémorable dans une diction et un français exemplaires, et où Jennifer Larmore joue avec une grande intensité le rôle de la mère coupable et torturée. La mise en scène et les décors très sobres et sombres n'heurtent pas le récit et l'orchestre, comme souvent au Met, est luxuriant et incisif avec de belles contributions de cor solo, trombone et saxophone dans une partition pleine de couleurs.

Un classique français insuffisamment donné dans une interprétation exemplaire


Vendredi 7 mai
Bellini Norma
Avec Sondra Radvanovsky (Norma), Joyce DiDonato (Adalgisa), Joseph Calleja (Pollione) et Matthew Rose (Oroveso). Création en décembre 1831. Sous la direction de Carlo Rizzi. Production de Sir David McVicar. Représentation du 7 octobre 2017.

Rejetée par Pollione, pro-consul romain et père de ses enfants, en faveur d’une autre, Norma, Grande Prêtresse d'une tribu gauloise qui voudrait se soulever contre l'occupant, est confrontée à de multiples conflits personnels et "professionnels" mais le souci permanent de ses enfants.

«Perfection de la tragédie» en disait Schopenhauer ! Norma est un sommet de l’art lyrique auxquels seules les plus grandes sopranos (Caballé, Sutherland, Scotto, …) ont pu vraiment se mesurer (Maria Callas a incarné 83 fois ce rôle). Il a aussi  fait l’admiration de compositeurs aussi différents que Bizet et Wagner pour sa « mélodie infinie » et sa noblesse d’expression. 

Un très beau plateau vocal avec des chanteurs investis dans leurs rôles, une production traditionnelle, c'est-à-dire sans recontextualisation ou réinterprétation, visuellement riche, un orchestre et un chœur en belle forme font de cette représentation de ce fleuron du bel canto, trop rarement donné faute de chanteurs ayant la capacité de le faire, un spectacle à ne pas manquer.

 

Samedi 8 mai
Berg Wozzeck
Avec Elza van den Heever (Marie), Peter Mattei (Wozzeck), Tamara Mumford (Margret), Christopher Ventris (Tambour-major), Gerhard Siegel (Capitaine), Andrew Staples (Andrès) et  Christian Van Horn (Médecin). Création en décembre 1925. Sous la direction de Yannick Nézet-Séguin. Production de William Kentridge. Représentation du 11 janvier 2020.

Pour soutenir financièrement le fils qu'il a eu de Marie, Wozzeck se soumet aux expériences du médecin et aux humeurs de son capitaine. Il découvre cependant que Marie a une liaison avec le Tambour-major et, halluciné, la tue et se noie laissant derrière eux leur fils, qui ne comprend pas ce qui se passe.

Parfois considéré comme le plus grand des opéras du XXè siècle, l'adaptation lyrique de la pièce inachevée de Büchner combine, dans une musique continue, atonalité et structure formelle complexe, Berg souhaitant néanmoins que chacun soit seulement "rempli de l'idée de l'opéra, une idée qui dépasse largement le destin individuel de Wozzeck". 

La version proposée par le metteur en scène sud-africain, contrairement à celles inspirées par les idéaux de Chéreau, fait abondamment appel aux décors, aux dessins et aux éléments visuels, dans l'esthétique du Nez proposé le 10 avril. Transposée à l'époque de la première guerre mondiale, avec un décor apocalyptique et chargé de ville bombardée et de paysages ravagés, cette version, très noire et au climat délétère (masques à gaz, enfant représenté par une marionnette), permet d'entendre deux excellents chanteurs dans une prise de rôle inattendue mais réussie (Mattéi et van den Heever) et avec une direction d'orchestre splendide faisant superbement ressortir la richesse et la complexité de cette grande partition expressionniste.

Un classique du XXè siècle dans une mise en scène foisonnante et sombre


Dimanche 9 mai
Puccini Madama Butterfly
Avec Patricia Racette (Cio-Cio-san), Maria Zifchak (Suzuki), Marcello Giordani (Pinkerton) et Dwayne Croft (Sharpless, consul US). Création en février 1904. Sous la direction de Patrick Summers. Production d’Anthony Minghella. Représentation du 7 mars 2009.

Lieutenant de la marine américaine en poste à Nagasaki, FB Pinkerton se voit proposer un domicile et une jeune épouse japonaise. S'il prend ce "mariage" à la légère, Cio-Cio-San, rejetée par sa famille, le prend, elle, très au sérieux. Le beau lieutenant part et elle attend son retour, refusant tous les prétendants … Trois ans plus tard, il revient … 

Drame culturel, Mme Butterfly est aussi un hommage poignant à l'amour maternel. Puccini y a déployé ses somptueux talents orchestraux, de superbes mélodies et un long travail de compréhension du Japon et de sa culture qui se reflètent dans l'utilisation de thèmes originaux et de l'échelle pentatonique.

Servie par un très beau plateau de grands chanteurs (Racette est tout particulièrement remarquable par son expressivité), une mise en scène sobre utilisant les arts japonais (poupée, origami, …), de beaux éclairages et un orchestre irréprochable, cette production et sa prise de vue permettent de voir ou de revoir ce grand et beau classique du répertoire dans d'excellentes conditions.


Lundi 10 mai
Handel Agrippina
Avec Brenda Rae (Poppée), Joyce DiDonato (Agrippine), Kate Lindsey (Néron), Iestyn Davies (Othon), Duncan Rock (Pallante) et Matthew Rose (Claude). Création en décembre 1709. Sous la direction d’Harry Bicket. Production de Sir David McVicar. Représentation du 29 février 2020.

Agrippine pousse son fils Néron pour succéder à l'empereur Claude alors que celui-ci avait choisi Othon qui lui s'intéresse plutôt à Poppée courtisée par Claude et par Néron !!! 

L'ambition d'Agrippine est vraiment l'ambition d'une mère pour son fils pour lequel elle fera tout ce qui est en son pouvoir.

Un soap opera avant la lettre merveilleusement caractérisé par la magnifique musique de Haendel qui montre ici tout son génie dramaturgique et dans une mise en scène d'une grande efficacité scénique.

Des chanteurs de haut niveau (DiDonato) avec une vraie direction d'acteurs (Lindsey phénoménale en Néron),  une transposition efficace à notre époque et un chef qui, depuis le clavecin, guide habilement un orchestre dans le monde du baroque, ont assuré le triomphe de cette production qui fait ressortir la veine comique de cet opéra vénitien.

Du pur plaisir !



Les spectacles sont accessibles en cliquant, le jour indiqué, sur le titre de l’œuvre, à l'heure de votre choix.

Belles soirées (ou matinées) lyriques

Jean-François Bourdeaux
Président du Club Opéra

 


 



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