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L’Opéra au salon : Scènes de folie au Met (18 - 24 mai 2021)

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05.16.2021

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Trilles resplendissants, notes aigües exaltantes, descentes dans les profondeurs de la folie sont au programme de cette semaine qui réunit autour du thème de la folie quelques chefs d’œuvre de l’art lyrique et des chanteurs exceptionnels.


Mardi 18 mai
Bellini I Puritani
Avec Anna Netrebko (Elvira), Eric Cutler (Arturo), Franco Vassallo (Riccardo) et John Relyea (Giorgio), sous la direction de Patrick Summers. Création en janvier 1835 à Paris. Production de Sandro Sequi. Captation du 6 janvier 2007. 

Une captation idéale pour découvrir Bellini et son ultime chef d’œuvre ou un plaisir renouvelé pour les amoureux de cette superbe partition !

Mort brutalement à 34 ans, à un âge où Verdi n’avait encore écrit que Nabucco, Ernani et Attila, Bellini représente la quintessence du bel canto. I Puritani, son ultime chef d’œuvre, connut un triomphe historique durable et annonçait de nouvelles possibilités musicales …

Durant la guerre civile contre les Stuart, le gouverneur puritain Gualtiero Walter a promis la main de sa fille Elvira à Riccardo Forth, un fidèle puritain. Elvira, elle, aime le très royaliste Lord Arturo Talbot et Gualtiero consent à cette union. Le jour du mariage, Arturo bénéficie d’un laissez-passer pour quitter le château avec son épouse. Il découvre cependant qu’Henriette, fille d’Henri IV et de Marie de Médicis et veuve de Charles 1er, récemment exécuté sur les ordres de Cromwell, est retenue prisonnière et doit être conduite à Londres. Pour la sauver d’une mort certaine, ils partent avec sauf conduit et pour elle avec la tenue de mariée d’Elvira. Sir Richard lui ayant montré les silhouettes en fuite, Elvira perd la raison à la pensée d’une trahison d’Arturo. Revenant trois mois plus tard pour la revoir, Arturo, condamné à mort par contumace, est arrêté. La nouvelle de la victoire des Puritains offrant une amnistie générale, Elvira retrouve sa raison et les amants sont unis. 

Sur ce scénario, Bellini a bâti un opéra riche de superbes mélodies, de solos mémorables (dont le seul contre fa pour ténor du répertoire), de duos extraordinaires et d’une des, sinon de la plus belle musicalement, des nombreuses scènes de folie dont le XIXè siècle fut si friand. 

La production est dans l’esprit de l’époque et du compositeur (décors, costumes, mise en scène), la distribution excellente tant pour les premiers rôles (Netrebko est époustouflante, cf photo en haut à droite) que pour les rôles secondaires et la direction d’orchestre laisse respirer la partition sans presser la mélodie bellinienne.


Mercredi 19 mai
Mozart Idomeneo
Avec Elza van den Heever (Elettra), Nadine Sierra (Ilia), Alice Coote (Idamante), Matthew Polenzani (Idomeneo) et Alan Opie (Arbace), sous la direction de James Levine. Création à Munich en janvier 1781. Production de Jean-Pierre Ponnelle. Captation du 25 mars 2017. 

Une version classique dans son élégance, superbement chantée et accompagnée, d’un chef d’œuvre mozartien !

Premier chef d’œuvre incontestable de Mozart « une de ces œuvres que même un génie de tout premier ordre comme Mozart ne réussit qu’une fois dans sa vie » (Alfred Einstein), Idoménée est, malgré la nature statique inhérente à l’opera seria, intensément dramatique, un   « chaudron de passion » (Duault) qui contient quelques-unes des plus belles pages du compositeur. 

De retour en Crète après la guerre de Troie, Idoménée, pris dans une tempête en mer, ne doit son salut qu’au vœu qu’il fait à Neptune de lui sacrifier la première personne qu’il rencontrera sur le rivage. Ce sera son fils Idamante… Pour contourner la difficulté, Idoménée conseillé par Arbace demande à son fils, amoureux de la captive troyenne Ilia, de raccompagner la princesse grecque Elettra à Argos. Une nouvelle tempête s’étant déchaînée, Idamante tue le monstre marin qui sème la terreur sur la côte. Apprenant alors le vœu formé par son père, il s’offre en sacrifice. Neptune intervient et décrète qu’Idamante règnera à la place de son père avec Ilia pour épouse. Elettra, qui l’aime également, donne alors libre cours à son désespoir. 

Sertie dans la célèbre et élégante production de Jean-Pierre Ponnelle, la distribution, dominée par un excellent Polenzani et une éblouissante van den Heever (cf photo en bas à gauche), bien entourés, et un chef d’orchestre physiquement diminué par la maladie mais suprême dans sa direction font de cette version de ce très bel opéra un plaisir pour les sens …


Jeudi 20 mai
Mussorgsky Boris Godunov
Avec Ekaterina Semenchuk (Maryna), Aleksandrs Antonenko (Grigori), Oleg Balashov (Prince Chouïsky), Evgeny Nikitin (Rangoni), René Pape (Boris Godounov), Mikhail Petrenko (Pimène) et Vladimir Ognovenko (Variaam), sous la direction de Valery Gergiev. Production de Stephen Wadsworth. Captation du 23 octobre 2010. 

Servi par une production, une distribution et une direction d’orchestre irréprochables, un chef d’œuvre à savourer !  

Un des plus grands opéras du répertoire, le chef d’œuvre de Moussorgski présente une vision et un sens téléologique presque inégalés, servis par une musique qui sait caractériser admirablement chacun des personnages, au-delà des deux principaux : Boris et le peuple russe. 

Boris Godounov n’est à proprement parler ni un drame ni un opéra, mais plutôt une chronique musicale à la manière des drames historiques de Shakespeare. Chaque acte est intéressant en soi sans rien devoir à ce qui précède ou ce qui suit. » (César Cui, compositeur russe et historien de la musique). 

C’est par une succession de scénettes que l’action progressera, de l’élection du tsar à sa folie et à son décès, dans un vaste mouvement global où la foule joue un rôle important. 

1598-1605 Incité par la police, le peuple demande au boyard Boris de monter sur le trône, le tsar étant décédé. A son couronnement, Boris, qui a fait exécuter le tsarévitch Dimitri, commence à avoir des pensées funestes. 

Au monastère de Chudov, le jeune novice Grigori, à qui le vieux moine et chroniqueur Pimène a raconté l’événement, jure de venger le tsarévitch. Il s’enfuit du monastère, et, en compagnie des moines itinérants Varlaam et Missaïl, franchit la frontière lituanienne, échappant de peu à la police dans une auberge. 

Au Kremlin, où Boris médite sur son destin de souverain qui se veut éclairé, le Prince comploteur Chouïsky, conseiller de Boris, exacerbe son remords et le conduit à halluciner. 

En Pologne, cédant à la demande du jésuite Rangoni, qui souhaite convertir la Russie au catholicisme, la princesse Maryna séduit Grigori qui se fait passer pour le tsarévitch. 

L’Innocent, à qui des gamins ont volé son dernier kopek, conseille au tsar de les égorger comme il l’a fait avec Dimitri. Sauvé de la prison, il refuse de prier pour Boris.

Sur les instances de Chouïsky, Pimène raconte au tsar un miracle produit sur la tombe du tsarévitch. Boris perd la raison, nomme son fils successeur et demande le pardon divin avant de mourir. 

Dans la forêt de Kromy, Varlaam et Missaïl incitent la foule à soutenir Grigori dans sa marche sur Moscou contre Boris. 

L’Innocent reste seul et pleure le sort de la Russie. 

La partition qui reprend la version révisée par Moussorgsky en 1872 avec des ajouts de celle de 1869 (plutôt que les versions réécrites par Rimsky-Korsakov) est admirablement servie par Valery Gergiev et une très belle distribution (dont la grande basse René Pape plus impérial que jamais, cf photo en haut centre) y compris dans les rôles secondaires (Popov dans une belle interprétation de l’Innocent) … La production, traditionnelle, est intelligente et efficace avec des mouvements de foule impressionnants.


Vendredi 21 mai
Bellini La Sonnambula
Avec Natalie Dessay (Amina), Juan Diego Flórez (Elvino) et Michele Pertusi (Comte Rodolfo), sous la direction de Evelino Pidò. Création à Milan en 1831. Production de Mary Zimmerman. Captation du 21 mars 2009. 

Un plaisir garanti pour cette œuvre exquise du bel canto avec des superstars du chant dans un décor new yorkais original mais efficace !

Le village fête les fiançailles d’Elvino avec Amina, fille adoptive de Teresa. Un étranger de passage, qui se révèle être le comte Rodolfo, seigneur du lieu, de retour après une très longue absence, la complimente ce qui avive la jalousie d’Elvino. L’aubergiste Lisa, qui aime également Elvino, rend visite au comte dans sa chambre et, entendant un bruit, s’enfuit en laissant tomber un mouchoir. C’est Amina, qui entre dans la chambre du comte, pendant une crise de somnambulisme, … et y est retrouvée au matin par les villageois. Elvino refuse de croire les explications du comte, rompt ses fiançailles et décide d’épouser Lisa. Son mouchoir étant retrouvé, il rompt également avec elle. Peu après, Amina est vue en plein somnambulisme sur un toit. Arrivée saine et sauve, elle est réveillée par Elvino et ils sont de nouveau unis …

Deux superbes chanteurs belcantistes (une Natalie Dessay totalement immergée dans son rôle, un bel exemple de folie douce et un des plus attachants du répertoire bellinien, et un Juan Diego Florez au sommet, emporté par sa fougue et trompé par les apparences, cf photo en bas à gauche), servis par un orchestre au service d’une mélodie virtuose et légère et une mise en scène, déplacée à NY sans que cela nuise à l’histoire, sont les gages d’un plaisir garanti ! 


Samedi 22 mai
Verdi Nabucco
Avec Liudmyla Monastyrska (Abigaille), Jamie Barton (Fenena), Russell Thomas (Ismaele), Plácido Domingo (Nabucco) et Dmitry Belosselskiy (Zaccaria), sous la direction de James Levine. Production d’Elijah Moshinsky. Captation du 7 janvier 2017.

Une très bonne façon de (re) découvrir un opéra célèbre peu joué hors d’Italie (même au Met !) … faute de voix qui en sont capables !

Premier vrai succès de Verdi, cet extraordinaire récit à rebondissements est justement célèbre pour les superbes chœurs qu’il contient dont le sublime et archi-connu « chœur de Nabucco ou des Hébreux» (Va, pensiero), hymne officieux de l’Italie chanté dans toutes les grandes occasions musicales : à l’enterrement « officiel » de Verdi, pour protester (Riccardo Muti à Rome le 12 mars 2011 contre la politique culturelle de l’époque) et à la réouverture de la Scala le 10 mai dernier… ! Le rôle d’Abigaille est lui considéré comme un des plus meurtriers du répertoire avec celui de lady Macbeth.

En 587 av J-C, le prophète Zaccaria rassure les hébreux après la victoire des Assyriens et leur entrée à Jérusalem. Ismaël, neveu du roi, qui a rejeté Abigaille, la fille aînée du roi de Babylone, aime sa jeune sœur Fenena, prisonnière des Hébreux. Il refuse de revenir sur ce choix même au prix de la liberté proposée par Abigaille. Quand Nabucco arrive en triomphateur, Zaccaria menace de tuer sa fille si le Temple était profané. Ismaël la libère suscitant la réprobation de ses compatriotes, qui ignorent sa conversion, et Nabucco ordonne la destruction de Jérusalem. 

Abigaille découvre un document prouvant qu’elle est en fait la fille d’un esclave ! Le Grand Prêtre lui apprend que Fenena, à qui Nabucco a confié le pouvoir en son absence, est en train de relâcher les Hébreux, emmenés en captivité à Babylone, et l’incite à prendre le pouvoir en faisant croire à la mort du roi. Nabucco de retour mate cette rébellion. Il se proclame Dieu, une foudre le frappe au même moment : il en perd la raison. Abigaille, devenue reine, lui fait signer l’arrêt de mort de tous les Hébreux et donc de Fenena, et le fait arrêter. Après avoir prié le dieu de Juda et avoir été délivré par ses fidèles, Nabucco retrouve ses esprits, reprend le contrôle de la situation et rend la liberté aux Hébreux. Abigaille, qui s’est empoisonnée, arrive et se repent tandis que Zaccaria prédit la gloire à Nabucco au service de Jéhovah.

Avec un plateau tournant efficace (Babylone d’un côté, Jérusalem de l’autre), une mise en scène au premier degré, une très bonne distribution (Abigaille), cette captation offre aussi la dernière collaboration de Domingo et Levine après plus de 300 représentations ensemble, un rôle avec lequel Domingo a fêté ses 80 ans et son départ de l’opéra de Vienne en 2021 ! En bonus son interview par le DG du Met.


Dimanche 23 mai
 
Donizetti Lucia di Lammermoor
Avec Joan Sutherland (Lucia), Alfredo Kraus (Edgardo), Pablo Elvira (Enrico Ashton) et Paul Plishka (Raimondo), sous la direction de Richard Bonynge. Création à Naples en septembre 1835. Production de Margherita Wallmann. Captation du 13 novembre 1982. 

Le bel canto au sommet dans une version historique! 

Cette quintessence de l’opéra romantique a connu un succès spectaculaire et reste, avec son scénario parfait et son invention mélodique, la plus populaire des œuvres « sérieuses » de Donizetti et un des plus beaux exemples du bel canto. Au-delà de sa célébrissime scène de folie, interprétée ici par une des plus grandes Lucia de la deuxième moitié du XXè siècle (avec Callas), la force dramatique de l’œuvre se trouve dans la scène finale du ténor et dans le sextuor de l’acte II, le plus célèbre exemple d’ensemble lyrique de l’opéra italien avant le quatuor de Rigoletto.

Cette histoire d’amour malheureux entre deux rejetons de familles écossaises ennemies offre des personnages bien typés avec ce qu’il faut de trahison. Avant son départ en mission, Eduardo et Lucia se jurent leur amour et échangent des bagues. Enrico, le frère de Lucia, exige cependant qu’elle épouse un parti plus utile pour la prospérité de la famille et n’hésite pas à produire une fausse lettre « prouvant » l’infidélité d’Eduardo qui trompe Lucia. Eduardo revient pendant la cérémonie de mariage, provoque Enrico en duel et renie Lucia en lui jetant sa bague. Peu après, elle tue son époux et devient folle. Eduardo venu pour le duel apprend son décès et se suicide. 

La captation proposée réunit l’élite des chanteurs de l’époque : « la Stupenda » (« la Stupéfiante » càd Joan Sutherland) dans un « rôle signature » ( cf photo en haut à gauche), le grand ténor Alfredo Kraus extraordinaire de style, d’autorité et de charme, l’excellent baryton Pablo Elvira et la belle basse Paul Plishka, le tout sous la baguette d’un grand connaisseur de Donizetti et par ailleurs mari de Sutherland dans une mise en scène classique …


Lundi 24 mai 
Tchaikovsky The Queen of Spades   (la Dame de pique)
Avec Galina Gorchakova (Lisa), Elisabeth Söderström (la comtesse), Plácido Domingo (Hermann), Dmitri Hvorostovsky (prince Yeletsky) et Nikolai Putilin (comte Tomsky), sous la direction de Valery Gergiev. Production d’Elijah Moshinsky. Captation du 15 avril 1999. 

Un des deux chefs d’œuvre absolus (avec Eugene Onegin) de Tchaïkovski et dans la liste de tête de l’opéra russe ! Ce drame complexe, riche et varié bénéficie ici d’une distribution magnifique, d’une direction d’orchestre experte et d’une très belle mise en scène.

A Saint Pétersbourg, Hermann, un jeune officier, tombe amoureux de la fiancée du prince Yeletski. Lisa est aussi la petite-fille d’une comtesse connue jadis comme « la Dame de Pique » pour avoir appris en France le secret des “trois cartes”. Si Lisa lui rend son amour, Hermann devient obsédé par l’obtention de ce secret qui lui permettra de l’épouser. Il poursuit pour se faire la comtesse qui décédera sans rien dévoiler. En se rendant au rendez-vous que lui a donné Lisa, qui lui a pardonné le décès de sa grand-mère, Hermann rencontre son fantôme qui lui livre le secret à la condition qu’il épouse Lisa. Hermann file dans une maison de jeux, Lisa se noie par désespoir. Jouant gros, il rafle les deux premières mises, joue le tout sur la troisième carte et perd contre le prince Yeletsky qui brandit une dame de pique. Hermann maudit la comtesse dont le fantôme apparaît alors et se tue. 

Comme souvent pour les captations du Met, une distribution de très haut niveau ici de grands chanteurs acteurs (le ténor chantant baryton Domingo, la grande Elisabeth Söderström, le regretté baryton Hvorostovsky), sous la direction du patron du Mariinsky (la capitale de l’opéra russe) dans une production classique, par les costumes, et riche d’excellentes idées visuelles.


Les spectacles sont accessibles en cliquant, le jour indiqué, sur le titre de l’œuvre, à l'heure de votre choix.

 

Belles soirées (ou matinées) lyriques

 

Jean-François Bourdeaux
Président du Club Opéra


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