Compte-rendu de la dégustation du 21 mars 2019 - Bières anglaises
Compte-rendu de la dégustation “Bières anglaises”
La Fine Mousse
4 bis, avenue Jean Aicard - 75011 Paris
Jeudi 21 mars 2019 à 20h00
Alors que l’incertitude planait toujours sur le Brexit en ce tout début de printemps, Sciences-Po Millésimes s’était donné rendez-vous afin de rendre un hommage amical aux bières anglaises et, plus largement, au travail des brasseries britanniques. Car si le Royaume-Uni a l’une des plus longues traditions brassicoles, et s’il a eu historiquement un rôle moteur pour définir les grands types de bières que nous connaissons aujourd’hui (Stout, Porter, IPA…), il a aussi commencé à prendre place sur la scène des bières artisanales les plus pointues.
Pour s’en convaincre, La Fine Mousse était probablement la meilleure adresse. Porté par le savoir-faire inventif de son jeune chef Victor Leclerq et la précision enthousiaste de sa sommelière Bianca Dizon, le restaurant est un endroit rare où se cristallise une véritable réflexion sur les accords mets/bières. Une réflexion fondée sur l’une des plus belles caves qui soient.
Comment, enfin, mieux profiter de la soirée qu’avec Simon Thillou, dont la Cave à Bulles avait accueilli nos dégustations ces dernières années, et qui a très aimablement accepté de nous accompagner pour répondre à toutes nos questions (et elles ont été nombreuses…) sur les bières britanniques ?
C’est donc sous les meilleurs auspices que le dîner s’est engagé, par quelques asperges blanches au sarrasin, oignon mariné et crème de beaufort. Une entrée en 3 saveurs déclinées (végétal, acidité, lacté), que la première bière accompagne successivement avec une aisance surprenante, alors même qu’il ne s’agit pas d’une bière « plate », loin s’en faut. La Flat White d’ABC Brewing Co. (Manchester) est un White Breakfast Stout, une bière d’avoine aux malts peu torréfiés, avec infusion de café à froid et une pointe de lactose ajouté. On n’est donc pas ici sur le torréfié bien connu des Stouts noirs, mais sur une onctuosité en rondeur, vivifiée par l’infusion. Entre convergences et contrepoints, chaque saveur du plat trouve ainsi la possibilité d’un accord.
La seconde entrée est un tartare de bœuf, traité avec chips d’algues, pignons, coriandre et échalotes, ainsi qu’une étonnante crème-siphon d’huîtres. La fraîcheur du bœuf est donc ici relevée par des notes marines – le traitement de l’huître permettant toutefois d’en tamiser l’effet, pour en maintenir l’équilibre. Et c’est la brasserie londonienne The Kernel, l’une des plus en vue d’Outre-Manche, qui est appelée pour l’accord, avec un Export Stout London 1840. Un Stout noir cette fois, et travaillé en fûts de vin rouge et de cognac (en assemblage). Une démarche qui permet à la bière de gagner en fraîcheur et en complexité. Au nez, une acidité gourmande ; en bouche, du torréfié, de l’amertume mais aussi une étonnante touche saline. Où la bière répond au plat : une base « terrienne » mais avec de la fraîcheur, et des pointes d’iode. Une réussite toute particulière, tant sur le plat que sur l’accord.
Le dialogue terre/mer se prolonge sur le premier plat. C’est un merlu, accompagné côté jardin d’artichauts, de fèves, d’olives de Kalamata et d’une émulsion persil et ail des ours. La bière en accord, la N° 40 de la collaboration entre The White Hag (Irlande) et Brew By Numbers (Londres), est une bière « de table » (Table Saison), très légère (2,9 %). On y trouve du végétal et de l’amertume, mais aussi de l’agrume (citron, pamplemousse), dans un ensemble très fluide. Où l’on voit que les accords classiques du monde du vin (Riesling…) peuvent aussi trouver leur pendant côté brasserie.
La terre, franchement, prend le dessus sur le second plat. Le paleron de bœuf, maturé, se traite à la poêle, avec confit d’échalote, poireaux, pommes de terre grenaille et condiment noix/parmesan. Pour l’accord, direction les portes des Highlands, à la brasserie Harviestoun. L’Ola Dubh 12 ans est une bière noire, passée par des fûts qui ont contenu du Highland Park 12 Year Old Single Malt Whisky. Arômes boisés et grillés sont au rendez-vous, avec un peu de vanille et de la rondeur (mélasse, caramel). Une bière puissante sans être lourde, qui répond à une viande goûteuse.
Le premier dessert est une très gourmande panna cotta à la pistache, accompagnée pour la fraîcheur de pamplemousse et grenade. Elle est proposée avec une India Pale Ale forte (10,5 %) de Northern Monk (Leeds). Très houblonnée, c’est une bière qui joue franchement la carte de l’amertume et de l’agrume. L’amertume et la grenade permettent aux papilles de se recaler après l’Ola Dubh, puis le pamplemousse trouve ici sa réponse, tandis que l’alcool équilibre l’ensemble face à la gourmandise du dessert.
Pour conclure, une crème au chocolat, semée de kumquat et amandes. Un chocolat plus en douceur qu’en amertume. Dans le verre, nous traversons la Mer du Nord en direction de Copenhague, au Danemark, dans le sens inverse du chemin emprunté par les Angles au Vème siècle. La Jule Mælk de To Øl est un Imperial Milk Stout travaillé en infusion de copeaux de fûts d’Islay Whisky (second clin d’œil aux îles britanniques), titrant 15 %. Au nez comme en bouche, l’impression est presque celle d’un sucre pétillant, vif, mêlé aux notes torréfiées que le lactose arrondit (comme sur la première bière). Un feu d’artifice.
Un grand merci à Bianca, Victor et Simon pour la réussite de cette soirée.
Les bières dégustées
Flat White, ABC Brewing Co.
Export Stout London 1840, The Kernel
N° 40, The White Hag / Brew By Numbers
Ola Dubh 12 ans, Harviestoun
Honour, Northern Monk
Jule Mælk, To Øl
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