« Domaine Françoise André » chez Christophe Saintagne 

Papillon

8 rue Meissonier - 75017 Paris
Mercredi 8 juin 2016 à 20h00

La rencontre était évidente.

Christophe Saintagne, aux commandes de son Papillon, appartient à cette nouvelle génération de chefs qui cherchent à exalter le produit, par des accords judicieusement dosés, en évitant l’emphase qui brouille la lecture du plat.

Lauriane André et Jérôme Després (régisseur) sont, eux, de cette nouvelle génération de vignerons qui veulent que chacun de leurs vins soit l’expression la plus juste de leur parcelle, dans toute son unicité (en l’occurrence, 17 appellations pour 9 hectares…). Ils se sont engagés pour cela dans une démarche de culture biologique afin de revivifier les sols où puisent leurs vignes. Ce travail, entamé en 2010 avec la reprise du domaine Françoise André (jusqu’alors domaine des Terregelesses) en gestion familiale, porte aujourd’hui ses fruits.

Le repas est précédé d’un hommage à la maison Paul et Marie Jacqueson (établie à Rully, dont est originaire Jérôme Després). Sec, le crémant de Bourgogne développe des arômes de fruits jaunes avec une pointe d’amertume. La bulle est particulièrement fine, et pétille sur la pointe de la langue avant de laisser le vin se développer en bouche. Quelques gros radis, accompagnés de beurre et de saucisson, plantent le décor côté table : ici, on joue l’authenticité.

Nous abordons le domaine Françoise André par un Chorey-les-Beaune « Tue-Bœuf » de 2013. La maison a été la première à proposer cette appellation en blanc, et c’est donc une relative rareté que nous découvrons ; a fortiori dans une production qui ne dépasse pas les 900 bouteilles par an, sur une parcelle argileuse de 20 ares… Le plaisir de la dégustation est à la hauteur de la curiosité : c’est un vin riche et généreux, qui part sur le végétal (céléri) avec un léger côté épicé (muscade) ; puis évolue en revenant à température vers le pamplemousse, avant d’exprimer des pointes de vanille et de fruits blancs. Comme pour l’ensemble des blancs du domaine, la sensation au « toucher » en bouche n’est pas beurrée : c’est la tension qui est recherchée. Cette palette laisse deviner un vin propre à accompagner beaucoup de plats, presque un vin de copain mais sans compromis sur la qualité. Christophe Saintagne nous propose pour sa part quelques bouchées de tourteau à la pomme (accord avec le céléri, la vanille, les fruits blancs…) et à l’hibiscus (on enveloppe les pointes d’épices et d’agrumes).

La dégustation se poursuit avec le Pernand Vergelesses 1^er cru « Sous Frétille » de 2011. On est désormais sur une parcelle argilo-calcaire, en coteau. L’évolution est sensible en bouche, avec cette fois de la minéralité, presque de la pierre à fusil. Le fruit est présent avec un petit peu de poire, une pointe citronnée, mais surtout du fruit sec (amende amère). Ce sont ces pointes qui s’expriment de plus en plus au fur et à mesure que le vin s’ouvre. Le côté boisé est quant à lui limité par les méthodes de travail du domaine, qui privilégie les gros fûts (d’où moins de surface de contact) et une limitation des fûts neuf (un tiers).

Ce vin trouve un compagnon idéal dans le Saint-Pierre que Christophe Saintagne propose avec de l’épinard et quelques oignons rouges.

Vient ensuite le cœur du domaine, avec la parcelle des Vergelesses, 1^er cru de Savigny-les-Beaune, lui aussi en coteau argilo-calcaire.

Le rouge dans un premier temps, en 2013. Vin très évolutif. Au début, se succèdent une attaque très représentative des vins jeunes en culture biologique (framboise fraîche, en douceur) et un étonnant fond de bouche un peu poivré, qui laisserait penser à de la syrah. Le nez serait presque herbacé en revanche. Puis le vin se fond, se rassemble et offre un arôme de fruit plus mûr, mais avec encore de l’acidité. L’assiette est, sur ce vin, plus corsée. Il s’agit de lamelles d’une volaille jaune marinée au sumac, accompagnées d’aubergines. L’épice se marie au côté poivré rencontré au début de la dégustation, tandis que le légume apporte en bouche la sensation un peu grasse qui équilibre la fraîcheur du verre.

Le second temps nous permet de découvrir le même vin en blanc (ce qui est, là encore, un choix peu courant du domaine sur une appellation plutôt dédiée au rouge), sur le millésime 2011. C’est le retour aux saveurs déjà abordées sur la parcelle « Sous Frétille » : minéralité, fruits blancs, citron, avec cette fois un peu plus de rondeur et une évolution vers l’endive. Ces dernières touches justifient le choix de Christophe Saintagne d’un camembert volontairement « plâtreux » (un fromage en retenue, très bien marié avec le légume), sur une salade au pralin (dont la rondeur forme un équilibre, comme dans le verre, avec les pointes herbacées).

Le repas se clôt sur une fraîcheur d’agrumes, qui maintient les papilles éveillées (le Papillon de Christophe Saintagne, ce sont des papilles qui volètent en liberté…) pour affronter l’étonnante Hechicera rapportée de Colombie par notre camarade et président Federico. Un long vieillissement en solera (jusqu’à 21 ans dans l’assemblage) confère à ce rhum à la fois une forte structure boisée et une douceur qui tromperait presque sur son titrage de 40°.

Ainsi se conclut une très belle soirée conviviale sous le signe de l’authenticité.

Les vins

Crémant de Bourgogne Sélection Paul et Marie Jacqueson

Chorey-les-Beaune « Tue-Bœuf » 2013, Domaine Françoise André

Pernand Vergelesses 1^er cru « Sous Frétille » 2011, Domaine Françoise André

Savigny-les-Beaune 1^er cru « Les Vergelesses » (rouge) 2013, Domaine Françoise André

Savigny-les-Beaune 1^er cru « Les Vergelesses » (blanc) 2011, Domaine Françoise André

La Hechicera (rhum)