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Édito de Pascal Perrineau, Président de Sciences Po Alumni

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04.29.2021

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Éditorial du Président de Sciences Po Alumni dans Émile, avril 2021.


Sciences Po traverse une période difficile. L’affaire Duhamel, la démission de Frédéric Mion, le long et insaisissable accouchement des titulaires qui auront la lourde charge de leur succéder sont, au-delà des dimensions des personnes, révélateurs d’une institution qui a besoin de réfléchir sur elle-même. Aussi, par-delà les personnes qui sont en concurrence, il est temps de parler des projets pour une Fondation nationale des sciences politiques dont la vocation est, selon ses statuts, de « favoriser le progrès et la diffusion, en France et à l’étranger, des sciences politiques, économiques et sociales » et de fixer le « cadre général » de l’Institut d’études politiques de Paris, dont la fonction principale est la formation des étudiants destinés à devenir les cadres privés et publics du pays. Pour cela, Sciences Po a besoin des multiples communautés qui permettent à ces jeunes d’être formés dans les meilleures conditions : 250 enseignants et chercheurs permanents, 1 100 personnels administratifs, 4 500 enseignants vacataires, 90 000 alumni qui, au national et à l’international, sont des décideurs dans le monde de l’entreprise, de l’administration ou de la politique et dont beaucoup aident et soutiennent leur alma mater. Sciences Po, ce sont tous ces « Sciences Po » et non pas tel ou tel sous-ensemble qui y contribuent. Le président de la FNSP doit parler au nom de toutes ces communautés et avoir un projet qui les articule et les met au service d’une formation d’excellence pour nos étudiants.

L’abondant courrier d’anciens de Sciences Po que je reçois, depuis plusieurs semaines, en tant que Président des alumni, témoigne du fait que les interrogations sont nombreuses. Pour n’aller pas tous dans le même sens, ces courriers partagent en revanche une préoccupation commune sur certaines évolutions de Sciences Po telles que les perçoivent les alumni. Bien sûr, unanimement, ceux-ci aimeraient que leur alma mater quitte durablement la rubrique des faits divers et des articles de presse mettant au jour les clivages réels ou supposés qui traversent l’institution. Lutte contre les violences sexuelles, exigence d’une déontologie claire, gouvernance moins opaque de l’institution font consensus. Mais au-delà, des interrogations sont souvent émises sur le climat intellectuel qui peut parfois y régner. La manière de céder aux modes intellectuelles les plus contestables, les ambiguïtés sur de grandes questions de société, les entraves au principe du pluralisme et de la liberté de penser qui sont au cœur du patrimoine de la maison, l’introversion sur des « tout petits mondes » coupés de la société réelle, le retour du sectarisme, l’indifférence relative aux enjeux locaux, une conception excessivement américano-centrée de la globalisation… sont autant de thèmes évoqués qui nécessitent un examen collectif de conscience au sein même de l’institution dans ses diverses composantes. C’est ce travail que j’ai cherché à porter en étant candidat à la présidence de la FNSP.

Pour le mener à bien, il faut d’abord restaurer l’image de Sciences Po dans son écosystème français et international. Les comportements indignes de tel ou tel ne sont pas le reflet de l’institution et les violences sexistes et sexuelles qui traversent toutes les communautés éducatives doivent faire l’objet de contre-feux efficaces pour libérer la parole des victimes et les assister dans leurs démarches. Ensuite, pour une institution dont le budget est à 65 % privé et à 35 % public, ce qui fait la force et l’agilité de l’institution, c’est-à-dire le lien de confiance avec nos bailleurs de fonds privés et publics, est un élément fondamental de l’avenir de Sciences Po. Les obscures querelles de clochers ou l’exacerbation des passions idéologiques n’intéressent guère toutes celles et ceux qui font vivre Sciences Po (l’État et les ministères, les donateurs privés, les étudiants et leurs familles, les anciens…).

Les problèmes de gouvernance de Sciences Po sont aussi souvent évoqués même si la maison du 27, rue Saint-Guillaume a souvent été mieux gérée que bien d’autres établissements universitaires. Les moyens de travail offerts aux étudiants et aux enseignants sont là pour le prouver. Mais Sciences Po peut mieux faire. Les arcanes plus ou moins impénétrables des processus de choix des candidats pour la présidence de la FNSP montrent qu’il y une réelle marge de progression pour sortir des mécanismes de l’entre-soi et des groupes de pression occultes. La Fondation gagnerait à s’inspirer des institutions universitaires qui marchent dans le monde et qui, dans la quasi-totalité des cas, sont dirigées par des Boards of Trustees qui comprennent deux tiers et plus d’alumni. Qui peut avoir à cœur de gérer au mieux un établissement universitaire de renom sinon ceux qui y ont fait leurs armes intellectuelles et professionnelles et qui y sont restés attachés ? Tirons-en vite les conséquences afin d’introduire dans notre constitution commune des règles enfin claires, limpides et incontestables sur le choix des hommes et des femmes incarnant la Fondation.

Enfin, la Fondation nationale des sciences politiques n’est pas et ne doit pas être une fondation parisienne ou francilienne. Elle est « nationale » et la nation française est aux confins d’un local ravivé par la problématique des territoires et d’un international omniprésent du fait de la globalisation. La stratégie de la Fondation doit être à la fois globale et locale (« glocal », comme le dit le néologisme anglais). Sur le premier terrain du global, Sciences Po a déjà beaucoup fait : plus de 470 partenariats avec des établissements universitaires dans le monde entier, près de 50 % d’étudiants étrangers de 150 nationalités différentes, une diversification internationale de son corps enseignant, une troisième année à l’étranger pour tous nos étudiants, une recherche reconnue au plan international… En revanche, sur le second terrain du local, beaucoup reste à faire. Sciences Po a la chance d’avoir six campus en région. Ces derniers, situés aux quatre points cardinaux du territoire, doivent devenir, au-delà de la formation de collège thématisée par grande région du monde qu’ils assurent, des pôles structurants de formation civique et de formation professionnelle. Les jeunes et moins jeunes Français ont besoin de redécouvrir ce qu’est l’engagement civique et social, base d’une communauté nationale cohésive. Les six campus de région doivent devenir les plateformes avancées de cette mission. Au-delà de la formation citoyenne, la formation professionnelle tout au long de la vie est un enjeu dont ces campus doivent se saisir, en particulier vis-à-vis des élus locaux et des forces vives des territoires. Des pas ont déjà été accomplis par Sciences Po au travers des conventions d’éducation prioritaire et des initiatives du type Premier campus, afin de lutter contre les inégalités sociales et territoriales. Nous devons aller plus loin pour réduire les fractures territoriales qui minent la cohésion nationale et montrer l’inanité de l’image d’une école productrice d’élites centralistes, éloignées des réalités territoriales.

Le comité de recherche créé ex nihilo en dehors de toute référence statutaire, sous la houlette de Louis Schweitzer, a décidé d’écarter ma candidature à la présidence de la FNSP. J’en suis marri, mais je suis sûr que les alumni préoccupés par l’avenir de leur alma mater reprendront le flambeau pour interpeller une Fondation qui obéit à des règles de cooptation d’un autre âge en ignorant que les universités qui marchent dans le monde sont des universités dans lesquelles les Boards of Trustees laissent une large place (65 % à 75 %) aux alumni. Utilisez le site que nous avons ouvert le lundi 12 avril pour faire part de vos propositions.


Pascal Perrineau,
Président de Sciences Po Alumni




Ces 46 personnes ont soutenu le projet que Pascal Perrineau a présenté pour la Fondation nationale des sciences politiques. Qu’elles en soient vivement remerciées.


David Abiker, Journaliste et chroniqueur à Radio Classique et enseignant à Sciences Po ; Nathalie  Azoulay, Romancière et ancienne enseignante à Sciences Po ; Stefan Behringer, Enseignant à Sciences Po ; Arnaud Benedetti, Rédacteur en chef de la Revue politique et parlementaire ; Geneviève Brice, Enseignant à Sciences Po ;Thierry Chopin, Professeur de science politique European School of Political and Social Sciences (ESPOL) ; Frederic Dabi, Directeur général adjoint de l’IFOP, intervenant à Sciences Po ; Juliette Dablanc, Enseignant à Sciences Po ; Sebastien Dartois, Avocat et maître de conférences à Sciences Po ; Alexandre Duval-Stalla, Enseignant à Sciences Po ; Alexandre Escudier, Chercheur FNSP au CEVIPOF ; Luc Ferry, Professeur des Universités, ancien Ministre de l’Education nationale ; Vanessa Flambard-Lemor, Enseignant à Sciences Po ; André Gattolin, Sénateur LREM ; Marcel Gauchet, Philosophe et historien, directeur d'études à l'EHESS ; François Giannesini, Ancien Senior Partner et Directeur Europe du groupe international de conseil Fleishman-Hillard, Fondateur et PDG de la société de conseil Sherpa 21 ; Jean Glavany, Ancien Ministre de l’Agriculture et de la Pêche, Enseignant ; David Hanley, Professeur de science politique à l’Université de Cardiff ; Catherine Hartog, Fondatrice et PDG de la société de conseil CHP Consult ; Jolyon Howorth, Professeur de science politique à Harvard University ; Jean-Paul Huchon, Ancien directeur de cabinet de Michel Rocard (1988-1991) et ancien président du Conseil Régional d'Île-de-France ; Piero Ignazi, Professeur de science politique à l'Université de Bologne Italie, Nathalie Janson, Enseignant à Sciences Po ; Lucien Jaume, Directeur de recherches CNRS à Sciences Po, Gilles Kepel, Professeur des Universités à Paris Sciences Lettres, directeur de la Chaire Moyen Orient à l’ENS ; Dominique Kerouedan, Enseignant à Sciences Po ; Guillaume  Labbez, Enseignant à Sciences Po ; Mathieu Laine, Enseignant à Sciences Po ; François-Xavier Lanfranchi, Enseignant à Sciences Po ; Erwan Le Noan, Associé du cabinet de conseil Altermind, ancien Maitre de conférence ; Christian Lequesne, Directeur de recherche FNSP et professeur à Sciences Po ; Philippe Méchet, Directeur des programmes d’intelligence collective EDF, maître de conférence à Sciences Po ; Corinne Mellul, Enseignant à Sciences Po ; Arnaud Mercier, Professeur des Universités ; Jean-Philippe Moinet, Fondateur de la revue Civique ; Henri Mougenot, Enseignant à Sciences Po ; Marc  Patard, Maître de Conférence, ancien directeur de cabinet du Président du Loiret ; Philippe Raynaud , Professeur de science politique à Paris II ; Myriam Revault d'Allones, Philosophe, enseignante à Sciences Po et chercheur associé au CEVIPOF ; Luc Rouban, Directeur de recherches CNRS au CEVIPOF ; Stéphane Rozes, Président de Conseils, Analyses et Perspectives, maître de conférences à Sciences Po ; Vivian Schmidt, Professeur de science politique à Boston University ; Perrine Simon Nahum, Directrice de recherches CNRS, Professeure attachée à l’ENS ; Jean Sudzinska, Enseignant à Sciences Po ; Pierre-Henri Tavoillot, Philosophe, maître de conférences à l’Université Paris Sorbonne Paris IV ; Pierre Voïta, Enseignant à Sciences Po.

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