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L'Opéra au salon : Changement de décor pour des classiques! (programme du Met 8-15 juin 2021)

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06/06/2021

La sélection de la semaine nous entraîne d’un casino de Las Vegas dans les sixties à un parc d'attractions à Coney Island et à l’Angleterre des fifties en passant par une Maison d’opéra du XVIII ème transformée en île, une salle de répétition, un laboratoire atomique … pour donner un autre décor et une autre vision, restant toujours peu conceptuelle, à de grands classiques anciens ou modernes du répertoire. 

On trouvera donc ici un intéressant échantillon des productions de quelques-uns des metteurs en scène à succès de la scène nord-américaine (Robert Lepage, Robert Carsen, Mary Zimmerman, Michael Mayer et trois grands « Mc » : McAnuff, McDermott et McVicar) où le plaisir, et le rire, sont souvent présents.

 

Mardi 8 Juin 2021
Verdi Rigoletto
Avec Diana Damrau (Gilda), Oksana Volkova (Maddalena), Piotr Beczała (duc de Mantoue), Željko Lučić (Rigoletto) et Štefan Kocán (Sparafucile), sous la direction de Michele Mariotti. Création à Venise en mars 1851. Production de Michael Mayer. Captation du 16 février 2013.

Complice des escapades amoureuses de son maître, le duc de Mantoue, Rigoletto, son bouffon bossu, s'est attiré la malédiction d'un noble et l'inimitié d'une grande partie de la cour. Son seul trésor est sa fille Gilda qu'il protège jalousement … 

Transposition, adaptée pour cause de censure, de la tragédie Le Roi s'amuse de Victor HugoRigoletto est, depuis sa création en 1851, un des opéras les plus populaires du répertoire (assimilé à La donna e mobile) et  a attiré les plus grands chanteurs de toutes les époques.  

Le rendu musical des personnages (le bossu), une véritable intrigue, un personnage principal dense (le plus beau rôle de baryton), des airs mémorables ou superbes (Caro nome de Gilda, Cortiggiani de Rigoletto, duo père-fille du IIème acte, quatuor du dernier acte, …), un parfait équilibre entre éléments lyriques et dramatiques, un extraordinaire sens des proportions, une richesse d'idées bien arrangées font que, au-delà du succès populaire, il est aussi un opéra pour musiciens.

En parallèle à l’univers décadent de la cour de Mantoue du livret, cette production d’un metteur en scène réputé de Broadway propose une transposition, dans le monde interlope du Las Vegas des sixties avec ses paillettes et néons, qui aura ses défenseurs (dont je suis) et ses détracteurs. Dans tous les cas, « Rigoletto est une œuvre forte qui résiste à tout » (Alain Duault). La distribution est de grande qualité dans le chant (une Gilda sans mièvrerie, un « duc » / patron de casino- cf photo en bas à droite- aux aigus acérés, Rigoletto, Sparafucile) et la direction d’orchestre de bonne tenue.

Une vision décalée de ce chef d’œuvre absolu du répertoire !

 

Mercredi 9 Juin 2021
Gounod Faust
Avec Marina Poplavskaya (Marguerite), Jonas Kaufmann (Faust), Russell Braun (Valentin) et René Pape (Méfistophélès), sous la direction de Yannick Nézet-Séguin. Création à Paris en mars 1859. Production de Des McAnuff. Captation du 10 décembre 2011.

Au soir d’une vie d’études dont il sent la vanité, Faust s’apprête à boire une fiole de poison quand des chants joyeux l’amène à demander l’aide de Satan. En échange d’une signature, la jeunesse qu’il désire lui est promise avec une vision de Marguerite. Accompagné de Méfistophélès et de ses artifices, le jeune Faust ira à sa conquête sans savoir le prix à payer …

Ses nombreuses scènes (scène des épées, valse), ses airs célèbres (airs des bijoux, O nuit d'amour, Le veau d'or, Vous qui faites l'endormie, ...), ses rythmes infectieux, son thème éternel d'aspiration aux passions de la jeunesse expliquent en grande partie le triomphe séculaire de cet opéra inspiré de Goethe.

Cette représentation par le producteur de Jesus Christ Superstar et deux fois vainqueurs des Tony Awards, riche en idées (transposition durant la 2ème guerre mondiale où Faust est un chercheur dans un laboratoire atomique, utilisation de vidéos et d'images en noir et blanc), peut se montrer parfois un peu trop clinique même si globalement efficace. Les voix sont, elles, superbes (Kaufmann et Pape en particulier) comme l'est la direction musicale de Nézet-Séguin. Poplavskaya chante et joue merveilleusement et laisse une impression durable dans le rôle d'une Marguerite timide et troublée (cf photo en haut au centre).

Un bijou classique renouvelé aux voix admirables.

 

Jeudi 10 Juin 2021
Bellini La Sonnambula
Avec Natalie Dessay (Amina), Juan Diego Flórez (Elvino) et Michele Pertusi (comte Rodolfo), sous la direction d’Evelino Pidò. Création à Milan en mars 1831. Production de Mary Zimmerman. Captation du 21 mars 2009.

Au village, on fête le contrat de mariage de l’orpheline Amina avec le jeune propriétaire Elvino. Le comte Rodolfo, seigneur du lieu, de retour après une très longue absence, en séducteur impénitent complimente la jeune femme et pique la jalousie du fiancé. La nuit, Lisa, qui aime également Elvino, rend visite au séduisant comte mais, entendant un bruit, s’enfuit en laissant tomber un mouchoir … 

Deux extraordinaires chanteurs belcantistes (une Natalie Dessay totalement immergée dans son rôle, un des plus attachants du répertoire bellinien, et un Juan Diego Florez au sommet, emporté par sa fougue et trompé par les apparences, cf photo en bas à gauche), un orchestre au service d’une mélodie virtuose et légère et d’airs superbes (dont la cabalette d’Amina : « Ah, non credea mirarti », un des plus beaux airs du répertoire) et une mise en scène créative (opéra dans l’opéra), déplacée de Suisse à New York sans que cela nuise à l’histoire, sont les gages d’une belle et gaie soirée! 

Un plaisir garanti pour cette œuvre exquise du bel canto dans un décor new yorkais original mais efficace !

 

Vendredi 11 Juin 2021
Handel Agrippina
Avec Brenda Rae (Poppée), Joyce DiDonato (Agrippine), Kate Lindsey (Néron), Iestyn Davies (Othon), Duncan Rock (Pallante) et Matthew Rose (empereur Claude), sous la direction d’Harry Bicket. Création à Venise en décembre 1709. Production de Sir David McVicar. Captation du 29 février 2020.

Agrippine pousse son fils Néron pour succéder à l'empereur Claude alors que celui-ci avait choisi Othon qui lui s'intéresse plutôt à Poppée courtisée par Claude et par Néron !!! 

L'ambition d'Agrippine est vraiment l'ambition du pouvoir et celle d'une mère pour son fils pour lequel elle fera tout ce qu’elle peut.

Un soap opera avant la lettre, merveilleusement caractérisé par la magnifique musique de Haendel qui y montre tout son génie dramaturgique, ici mis en scène dans un cadre résolument moderne et d'une grande efficacité scénique et dramatique.

Des chanteurs de haut niveau (DiDonato, cf photo en bas à gauche) avec une vraie et très vivante direction d'acteurs (Lindsey phénoménale en Néron adolescent; il faut voir l'entretien back stage qui suit et sa photo "normale"), une transposition efficace à notre époque et un chef qui, depuis le clavecin, guide habilement un orchestre dans le monde du baroque, ont assuré le triomphe de cette production enlevée qui fait à merveille ressortir la veine comique de cet opéra vénitien et de sa partition scintillante.

Du pur plaisir !

 

Samedi 12 Juin 2021
Thomas Adès The Tempest
Avec Audrey Luna (Ariel), Isabel Leonard (Miranda), Iestyn Davies (Trinculo), Alek Shrader (Ferdinand), Alan Oke (Caliban), William Burden (roi de Naples), Tode Spence (Antonio) et Simon Keenlyside (Prospero), sous la direction de Thomas Adès. Production de Robert Lepage. Captation du 10 novembre 2012. 

Prospero vit avec sa fille Miranda sur une île après avoir pu s’échapper suite à un coup d’Etat. Utilisant ses pouvoirs magiques, il génère, pour se venger, une énorme tempête au cours de laquelle le navire transportant son frère, usurpateur de son titre de duc de Milan et le roi et la cour de Naples est détruit. Il commande cependant à Ariel, un esprit en son pouvoir pour 12 ans, de les amener tous sains et saufs sur l’île …

Créé en 2004 sur une commande du Royal Opera House (Londres-Covent Garden), the Tempest est devenu un des opéras les plus célébrés et les plus produits du début de notre siècle. Le livret clarifie la pièce de Shakespeare en la réduisant en trois actes concis avec ses principaux protagonistes et en modernise les vers pour les rendre chantables et intelligibles. Thomas Adès, compositeur protéiforme britannique né en 1971 est un des grands de la scène internationale contemporaine (cf www.francemusique.fr/emissions/carrefour-de-la-creation/thomas-ades-en-son-royaume-un-documentaire-immersif-87349). Utilisant l’orchestre de manière souvent brillante, Il a fait ici de la pièce de théâtre un opéra presque classique dans sa forme avec des structures musicales facilement identifiables (duos, ensembles, airs) et une musique qui s’adapte parfaitement à chaque personnage, parfois dissonante et souvent plus lyrique que d’autres œuvres contemporaines. 

La production proposée est fabuleuse dans tous les sens du mot et, avec une distribution hors pair (Audrey Luna bluffante -cf photo avec Keenlyside lui aussi superbe en haut à droite), offre un spectacle total de grande qualité sous la direction, évidemment experte, du compositeur. 

Un fabuleux spectacle total !


Dimanche 13 Juin 2021
Verdi Falstaff
Avec Lisette Oropesa (Nannetta), Angela Meade (Alice Ford), Stephanie Blythe (Mrs Quickly), Jennifer Johnson Cano (Meg Page), Paolo Fanale (Fenton), Ambrogio Maestri (sir John Falstaff) et Franco Vassallo (Ford), sous la direction de James Levine. Création à Milan (Scala) en février 1893. Production de Robert Carsen. Captation du 14 décembre 2013.

Adonné à la boisson et à la nourriture mais craignant de devenir impécunieux au point de devoir maigrir, le truculent et gras chevalier Falstaff souhaite se refaire une santé financière en courtisant deux femmes qui tiennent les cordons de la bourse de leurs riches ménages. Il leur adresse à chacune la même lettre galante sans imaginer qu’amies elles s’en parleront …

Sur cet argument tiré des Joyeuses Commères de Windsor de Shakespeare, le librettiste Boito (compositeur de Mefistofele) a offert à un Verdi de 79 ans un des plus beaux livrets d’opéra que le Maître, qui n’avait pas touché à la comédie depuis son échec 50 ans plus tôt, transforme en une des plus belles comédies lyriques du répertoire et en une leçon de vie : « Tutto nel mondo è burla. L’uom è nato burlone » (Tout au monde est une farce. L’homme est né bouffon). Il s’y montre particulièrement créatif offrant une orchestration d’une extraordinaire richesse avec forces idées nouvelles, donnant un rôle de premier plan à un orchestre qui fait jeu égal avec les paroles et les chanteurs et leurs répond ! Chaque nouvelle écoute permet de découvrir de nouveaux aspects de cette foisonnante et fluide partition pleine de vivacité et d’airs irrésistibles et d’étonnants ensembles (dont une superposition d’un quatuor féminin et d’un quintette masculin). 

Loin du Windsor du début du XVème siècle, cette production de Robert Carsen, très acclamée des deux côtés de l’Atlantique, nous transporte dans l’Angleterre d’après-guerre dans laquelle la structure sociale ancienne vacille : les hôtels particuliers de l’aristocratie sont devenus des hôtels ouverts à tous tandis que les nouveaux riches rêvent de modernisme dans leurs intérieurs (grandes cuisines) et les femmes de liberté ... Maestri, en Falstaff accompli (plus de deux cents représentations avant celle-ci !) est fabuleux (cf photo en haut à gauche) et merveilleusement entouré (superbe quatuor de voix féminines). Levine, en grand amateur de l’œuvre, sait faire jouer à l’orchestre sa partie et enchaîner sans heurt les différents éléments. A cela s’ajoute de belles trouvailles de mise en scène et de décors qui rendent cette captation un plaisir à voir et à entendre.

Pour bien rire au 1er degré (et réfléchir au 2ème) !


Lundi 14 Juin 2021
Mozart Così fan tutte
Avec Amanda Majeski (Fiordiligi), Serena Malfi (Dorabella), Kelli O'Hara (Despina), Ben Bliss (Ferrando), Adam Plachetka (Gugliermo) et Christopher Maltman (don Alfonso), sous la direction de David Robertson. Création à Vienne en janvier 1790. Production de Phelim McDermott. Captation du 13 mars 2018.

Deux frères, convaincus de la fidélité des deux sœurs auxquelles ils sont fiancés, font un pari avec un vieux célibataire, sceptique sur le sujet de la constance féminine. Officiellement partis à la guerre, ils reviennent déguisés et tentent de séduire l’autre sœur avec l’aide de leur servante …

Cette intrigue assez mince mais superbement écrite dans le livret de Da Ponte est le prétexte à une des plus belles partitions d’un Mozart au sommet de son art avec, entre autres, de superbes ensembles et de brillantes combinaisons d’instruments notamment à vent.

La mise en scène, principale attraction de cette captation, transpose l’action dans un parc d’attraction de bord de mer (Coney Island fin des années 50 pour les américanophiles) avec sa collection d’avaleurs de sabre, de cracheurs de feu et de femme à barbe, … qui, bien que drôles à voir et suscitant moult applaudissements, distraient un peu de la musique. Kelli O’Hara, vedette de Broadway, joue et chante avec bonheur le rôle de Despina et le reste de la distribution est de très bonne qualité. Le public du Met prend plaisir à regarder cette version « show » au 1er degré efficace, même si Mozart, da Ponte et le message aigre doux de la pièce sont un peu oubliés.

Une version déjantée et hautement joyeuse d’un pilier du répertoire.

 

Les spectacles sont normalement accessibles en cliquant, le jour indiqué, sur le titre de l’œuvre, à l'heure de votre choix.

Bonne semaine lyrique

Jean-François Bourdeaux
Président du Club Opéra


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