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Dissertation: Qu'est-ce qu'une vraie décision politique ?

L'Association

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01/12/2016

Décider, n’est-ce pas le rôle de tout président de la république ? Courage, sens du risque, possibilité d’échec… A l’heure du choix, le philosophe Charles Pépin disserte sur les qualités nécessaires à la prise de décision.

 

Surtout pas un simple choix. Le choix est fondé, rationnel, repose sur des arguments, une logique solide. C’est précisément lorsque ces arguments ne suffisent pas qu’il faut trouver le courage de trancher : de décider. Du latin decisio : action de (re)trancher. La question de la décision se pose donc en univers incertain, quand le savoir ne suffit pas. Ceux qui ne décident pas croient que décider, c’est savoir. Seuls ceux qui décident vraiment savent que décider n’est pas savoir. 

Dans toute décision authentique, il y a une acceptation de la possibilité de l’échec. C’est souvent par peur de l’échec que nous échouons : nous échouons à décider vraiment et donc à trouver le courage de nous engager dans le réel. C’est un mal très français, qui gangrène aussi bien nos entreprises que nos « élites » politiques. Dans les entreprises, la soumission aux « processus » rebaptisés process pour faire passer la pilule permet à la lâcheté de se parer des habits de l’efficacité. En politique, l’invocation du principe de précaution et la recherche du consensus à tout prix justifient tous les renoncements, coupent l’herbe sous le pied de la moindre idée neuve. Ces « décideurs » qui n’en sont plus font alors penser à ces enfants qui, par peur de rater, ne tentent rien. Pourtant, le piano les attend, ils pourraient se lancer. Ils pourraient être imparfaits mais beaux, en équilibre instable mais charismatiques pour cette raison même. Ils restent figés, prétextant qu’ils ne sont pas prêts.

Décider, c’est trouver le courage d’y aller même quand on n’est pas prêts. « Le secret de l’action, c’est de s’y mettre », écrivait Alain. C’est aussi le secret de la décision. Celui qui ose décider donne envie aux autres de s’y risquer aussi. Mieux que tous les discours, un audacieux que j’admire donne des ailes à mon audace. Le sens du risque, qui n’est pas l’amour du risque, est communicatif. L’amour du risque est amour du risque pour lui-même, comme occasion d’ivresse, passion de tête brûlée qui n’aspire qu’à se sentir exister toujours plus. Ce n’est évidemment pas ce qu’on attend d’un chef d’État. Le sens du risque est l’amour du risque qui reste, une fois que tout a été fait pour le réduire. Là est la difficulté : user de son intelligence pour savoir réduire le risque au maximum, savoir aimer le risque qui reste, le prendre en connaissance de cause. Une vraie décision emprunte toujours à ces deux attitudes : le recours à la compétence et à l’expérience d’une part, la capacité à savoir ne pas se laisser enfermer par elles d’autre part. Il faut beaucoup maîtriser pour oser l’immaîtrise. Aller loin au bout du chemin de la compétence pour s’autoriser à faire un pas de plus. À le décider.

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