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Le jour où j’ai accueilli Hillary Clinton dans mon canton

L'Association

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07/06/2016

Notre entretien avec Bernadette Chirac a débuté avec une question portant sur Hillary Clinton. Pendant une demi-heure, l’ex-première dame nous a alors raconté la visite de Madame Clinton dans son canton de Corrèze. Un récit que nous avons souhaité mettre en avant, tant il reflète la personnalité de celle qui brigue aujourd’hui la présidence des États-Unis.

Extrait de l'article paru dans Emile N°5.

Hillary et moi étions premières dames toutes les deux : elle m’avait demandé de l’inviter dans mon canton une journée, pour voir comment nous nous organisions. Elle s’est posée à Limoges avec Air Force One : toute une affaire ! Imaginez qu’une délégation de sécurité américaine était en effet arrivée trois semaines plus tôt afin de baliser la petite ville de Corrèze, chef-lieu de mon canton. Imaginez aussi qu’un deuxième avion avait été envoyé spécialement par Washington pour transporter une voiture blindée…

Je suis donc allée la chercher à Limoges, vers 9 h 30 du matin. La cheffe de cabinet d’Hillary Clinton (une femme !) nous a installées face à face sur les banquettes de cette immense berline. Évidemment, ce que j’avais prévu est arrivé : j’avais en effet prévenu l’entourage de la première dame que les routes du Limousin ressemblent à des lacets et sont accidentées – sans compter les collines ! –, et donc Hillary s’est retrouvée, sur la route, dans les virages, trimballée d’un côté à l’autre de la voiture. Mais il n’y avait rien eu à faire contre le protocole américain !… Mais nous sommes arrivées à Tulles, au conseil général, avec deux heures de retard !

Le temps était magnifique. La voiture est entrée dans le jardin du conseil général, installé dans un ancien monastère. Tous les élus sont sortis en voyant Hillary arriver. Nous avions tout préparé, bien évidemment : nous avions notamment mis un gigantesque drapeau américain, puis d’autres encore dans les tribunes… on avait beaucoup pavoisé !

À l’intérieur, le président du conseil général a assis la première dame à côté de moi. Tous les présidents de groupe ont alors pris la parole. Hillary s’est levée la dernière, a prononcé un discours de remerciements. Sans une note, naturellement. Bien sûr, il y avait un interprète, car « les paysans ne parlent pas l’américain » [Bernadette le dit en mimant l’accent du limousin]. Puis nous avons pris congé, car j’avais invité Hillary à déjeuner à Corrèze, un peu plus haut dans la montagne.

Quand nous sommes arrivées, tous mes collègues du conseil municipal de Corrèze étaient sur la terrasse, droits comme des piquets, dans des costumes bleu marine magnifiques. Même les communistes ! Vu l’heure, je leur ai dit : « Ce n’est plus un déjeuner, c’est un goûter. » Nous sommes passés à table. J’avais invité le président du conseil général, quelques parlementaires et fait venir du personnel de l’Élysée pour tout préparer.

La conversation s’est alors focalisée autour de la région, ses possibilités économiques, sa situation agricole, déjà très difficile.

Le déjeuner terminé, nous avons visité, comme le prévoyait le programme officiel, l’école maternelle. Tout ce qui avait un lien avec le social intéressait beaucoup Hillary Clinton. Elle a été extrêmement bien accueillie. Certains enfants ont chanté en son honneur un très bel hymne, grâce à un excellent professeur de musique. Ensuite, Hillary est rentrée dans l’école. Le temps d’une petite heure, elle a dialogué un peu, grâce à une interprète, avec les maîtresses et a joué avec les enfants.

Ensuite, nous sommes allées sur la place de l’église : une église fortifiée quand même ! Très belle ! Entourée de maisons type Renaissance rurale. Nous en avons fait, comme prévu, le tour à pieds.

La police a commencé à s’énerver car les photographes voulaient nous suivre, chose qui n’était pas prévue par le protocole. De fureur, ils ont alors planté leurs appareils par terre : Hillary et moi avons fait comme si nous n’avions rien vu. Je lui ai dit : « Puisque l’on a trois minutes, montons à l’intérieur, bien que cela ne soit pas prévu. Je veux vous montrer l’église. »

Elle a beaucoup aimé, même si nous ne sommes pas restées longtemps. Nous avons continué d’entendre les photographes qui claquaient leurs appareils par terre. Et les policiers énervés.

Les habitants, eux, étaient aux fenêtres ; au bord de la place, je me souviens en particulier d’une vieille dame qui avait cru devoir mettre un chapeau pour accueillir la femme du président des États-Unis. Elle avait dû aller le chercher au grenier : il avait bien 50 ou 60 ans ! Et elle avait des jumelles qu’elle gardait fixées sur ses yeux. TF1, je crois, ou une autre antenne célèbre de chez nous, s’approche d’elle et lui demande :

« Bonjour Madame, vous habitez Corrèze ?

– Oui, oui Monsieur !

– Alors vous êtes heureuse de la visite d’Hillary Clinton ?

– Oui Monsieur.

– Vous vous êtes préparée pour cette visite ? Vous vous êtes habillée spécialement ?

– Oh bah ! Monsieur, j’ai mis mon habit du dimanche.

– Vous êtes heureuse ? Vous avez vu Madame Chirac aussi ?

– Oui Monsieur.

Elle parlait avec ses jumelles toujours collées à ses yeux !

– Mais Hillary est déjà passée ! Pourquoi gardez-vous vos jumelles ?

– Parce que si jamais elle repassait, je ne veux pas la rater ! »

Et ça, c’est authentique ! J’ai les images. Il y avait une ambiance de joie et de bonheur pour tous ces Français, ces Limousins qui accueillaient la première dame des États-Unis. Et pas n’importe quelle première dame, cela se ressentait déjà à l’époque ! C’est une femme fascinante, extrêmement intelligente, très cultivée. Elle ne parle pas français mais ça, c’est autre chose…

Après notre passage à l’église, nous sommes remontées dans notre voiture pour nous diriger vers une maison de pays. Vous savez ce qu’est une maison de pays ? C’était une vieille bâtisse du village que j’avais achetée : l’une des nombreuses choses que j’ai faites pour le canton ! Nous nous en servions pour organiser des expositions et il y avait également une salle polyvalente. J’y avais réuni toutes les femmes du canton : attention, pas les petites jeunes filles, mais les femmes mariées. Pour la plupart, elles étaient agricultrices, femmes d’éleveurs ou de paysans.

Je les ai toutes présentées à Hillary : c’est là que j’ai compris que cette femme-là n’était pas n’importe qui. Elle s’est arrêtée devant chacune. Vous vous rendez compte : des petites paysannes du canton de Corrèze ! Elle a voulu connaître l’histoire et la vie de chacune, ce qu’elle faisait, si elle était agricultrice, si elle avait des enfants… Toujours avec l’interprète à côté, et moi derrière. Les femmes du canton ont toutes raconté leur vie. Certaines étaient très intimidées, ce qui est normal.

Moi, je ne sais pas si j’aurais pu faire ça ! À ce moment-là, je me suis dit : « Toi, tu veux aller plus loin. » Et je ne m’étais pas trompée.

Article complet.

Propos recueillis par Anne-Sophie Beauvais (P 01) et Claire Bauchart (P 10).

Crédits photo : Jacky Naegelen/AFP

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