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[Club littérature] Théo Bourgeron, Ludwig dans le living (2022)

Chroniques littéraires

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11.17.2022

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« Un livre hilarant, inquiet et profond » : Frédérique Trimouille nous explique pourquoi il faut lire Ludwig dans le living de Théo Bourgeron, paru en octobre 2022 aux Éditions Gallimard, collection Sygne.


Le livre




L’auteur


Théo Bourgeron, photo du site Babelio


Théo Bourgeron est né en 1991. Normalien et diplômé de Sciences Po, il a récemment publié un essai aux éditions Raisons d'Agir, traduit en anglais et néerlandais, des textes de poésie et des nouvelles dans plusieurs revues (Revue Catastrophe, AOC.media) ainsi qu'un roman aux éditions Buchet/Chastel. Ludwig dans le living est son deuxième roman.


Deux extraits choisis par Frédérique


« C’est sur le coup de 12h30, alors que chacun se concentrait sur l’engloutissement des saucisses et des haricots de son assiette, que Ludwig Wittgenstein avait englouti Virginia Woolf. »


« Beaucoup d’employés de manutention du Franprix étaient titulaires d’un doctorat, fréquemment dans des disciplines comme la philosophie ou l’histoire médiévale, seuls un ou deux intérimaires s’étaient arrêtés au master, mais personne ne leur parlait. »


La présentation de l’éditeur


Augustin Barthelme est le spécialiste incontesté du paragraphe 6.1203 du Tractacus logico-philosophicus, l’œuvre majeure de Ludwig Wittgenstein. Il est aussi responsable du rayon produits laitiers du Franprix la Villette. Un soir d’automne 2032, un événement étrange se produit : Ludwig Wittgenstein sonne à la porte du pavillon familial. Plus étrange encore, le philosophe autrichien ne donne aucune explication sur sa présence quatre-vingt-un ans après sa mort et se contente de réclamer des verres de lait. Mais quand bientôt les choses autour de lui se mettent à disparaître mystérieusement, Augustin Barthelme doit se rendre à l’évidence. Ludwig n’est pas revenu que pour boire du lait, il est là pour engloutir le monde.


Polar métaphysique, roman absurde et hilarant, Ludwig dans le living raconte une course contre le néant et la formidable indifférence du monde face à la catastrophe.


L’avis de Frédérique


Les personnages : un héros et son ombre


Nous avons affaire à deux personnages principaux, le « héros » et son ombre.

Augustin Barthelme est l’archétype du vieux garçon, il vit avec sa mère, et entretient un rapport obsessionnel à la philosophie analytique et en particulier à un paragraphe abscons de l’œuvre de Ludwig Wittgenstein auquel il a consacré vingt ans de recherches. C’est un garçon organisé, résigné, un « perdant perdu », un rêveur castré qui promène son existence dans un monde cruel et absurde.

L’ombre est Ludwig Wittgenstein, omniprésente dans la tête d’Augustin et dans sa vraie vie, avec sa veste en tweed et son pantalon de flanelle, sa tignasse désordonnée et son regard fou, inquiet, il apparait et disparait, bafouille, marmonne, exige des quantités astronomiques de lait et dévore tout ce qui passe à sa portée.


Un livre hilarant, inquiet et profond


Ce livre est hilarant, inquiet et profond, c’est une expérience de lecture peu commune.


Il est hilarant donc. L’idée de départ, Ludwig Wittgenstein qui revient d’outre-tombe pour dévorer le monde, est en soi hilarante et elle produit l’effet tragi-comique escompté. La plume de Théo Bourgeron suscite de vrais éclats de rire notamment quand une chute énorme, absurde clôt l’évocation d’un quotidien d’une platitude désespérante.


Il est inquiet, très inquiet car le monde est menacé de disparaître englouti dans l’indifférence générale. L’auteur nous propose d’en rire, faute de mieux. Inquiet aussi dans sa caricature de notre société contemporaine, avec son aveuglement face au cataclysme annoncé, sa misère, son absurdité et sa brutalité : en 2032, on marche le long des voies du RER en ruine, on mange du rutabaga, les plus prestigieux diplômés travaillent au Franprix et les managers utilisent les punitions corporelles...


Il est profond enfin.
Selon le mot de l’éditeur, c’est un « polar métaphysique ». La tension narrative est bien celle d’un polar, le rythme des paragraphes numérotés (comme ceux d’une thèse ou des livres de Wittgenstein) et la succession de catastrophes nous maintiennent en haleine en un curieux suspense. Ludwig bouffe d’abord la télécommande, puis la machine à café de l’Unesco, puis l’ambassadeur de Corée ; la vieille mère d’Augustin, ses voisins, un policier disparaissent, le narrateur est bizarrement épargné, jusqu’à quand ? Car c’est le monde entier qui est menacé d’anéantissement... Dans cet univers absurde, l’histoire fonctionne comme une quête de sens, un poignant combat existentiel contre une angoisse métaphysique, un fantasme commun, celui de l’engloutissement.


Pourquoi ce roman devrait plaire aux Alumni ?


Précipitez-vous donc chers Alumni pour lire ce livre d’un de nos jeunes diplômés : la société de 2032 qu’il évoque avec humour, avec ses pauvres chercheurs rescapés, ses réformes structurelles, ses thèses interminables sur des sujets abscons et ses bibliophiles maniaques mérite le détour pour les anciens étudiants que nous sommes. A l’intérieur d’un cadre dystopique, l’auteur vous contera avec brio l’histoire merveilleuse et absurde d’une passion obsessionnelle pour la philosophie analytique dans une atmosphère cataclysmique et cependant désopilante, une fois n’est pas coutume.

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