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25 ans de club littéraire des Alumni : 5000 livres découverts !

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Club Littérature

12.08.2021

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1996, rappelez-vous : on achetait ses livres en librairie, ils sentaient bon le papier et l’encre, et si on voulait en parler, on attendait de se voir, on se téléphonait ou on s’envoyait des lettres.

2021, un quart de siècle plus tard : on achète ses livres d’un clic, on peut les lire sur son téléphone, et on en parle sur les réseaux sociaux.

Entre ces deux dates, il y a eu aussi l’érosion de la lecture, la concurrence des séries… mais le club littéraire a traversé tout cela et reste vivant, rassemblant des fidèles qui forment une petite communauté qui sait aussi se renouveler et attirer de nombreux curieux. Tout en fonctionnant toujours de la même manière immuable : on dîne ensemble, on s’échange des livres, et on parle.

De livres.

J’ai le bonheur d’en être la toute nouvelle présidente, au sein d’un bureau où m’accompagnent Hélène Bermond (ancienne présidente) et Frédérique Trimouille, nouvelle venue comme moi. J’ai eu envie de savoir comment celui et celles qui m’ont précédée ont vécu cette aventure : Bertrand Ginet, qui est resté huit ans aux manettes ; Hélène Bermond, qui lui a succédé pour trois ans et Marie-Paule Charles, qui a pris le relai pour quatorze ans.

Comment ont-ils vécu leurs années de présidence ? C’est en substance la question que je leur ai posée, et je les remercie vivement d’avoir joué le jeu pour m’aider à comprendre ce dans quoi je m’engage.

Marceline Bodier

 

« Le Club des Dîners Littéraires a été lancé à la rentrée de septembre 1996 », se souvient Bertrand Ginet. « Une époque où les mails n'existaient pas encore et où les invitations partaient par la voie postale. J'avais proposé à Hermine de Labriffe, qui était la responsable de l’Association Boulevard Saint-Germain, de lancer de façon régulière ce type de dîners. Via le journal de Sciences Po, le lancement s'est effectué et rapidement nous avons tourné avec un fonds d'une trentaine de fidèles. »


Bertrand Ginet, fondateur du club et président de 1996 à 2004Bertrand Ginet, fondateur du club et président de 1996 à 2004

Au bout de neuf ans, Hélène Bermond, convive régulière, a pris sa succession. « J’ai pris le relais de Bertrand quand il a souhaité passer la main », explique-t-elle. « Il y avait peu de candidats, à l’époque j’avais peu de disponibilité. Mais j’aimais trop ce club pour imaginer que personne ne le reprenne. Et je me suis lancée.

Au bout de trois ans j’ai passé la main à Marie-Paule et après quelques mois où je me suis mise un peu en retrait car j’avais besoin je pense d’un sas de transition, j’ai repris avec plaisir le chemin de Paris où cette fois le club m’a permis de découvrir une multitude de restaurants. Une expérience que je ne regrette pas du tout. »


Hélène Bermond, présidente du club de 2004 à 2007Hélène Bermond, présidente du club de 2004 à 2007

Pour Marie-Paule Charles, ça s’est passé de manière un peu similaire au départ : « J'ai pris la suite d'Hélène (j'étais l'unique postulante !!!) alors que j'avais pris l'habitude d'assister aux dîners depuis déjà quelques années, disons trois-quatre ans. Les raisons : j'aime lire, au rythme, disons d'un livre par semaine ; une activité professionnelle moins prenante en temps et intellectuellement ; le plaisir de faire partager mon engouement pour un livre (quand j'étais petite, disons huit-dix ans, je réunissais des copines pour leur raconter le livre que je venais de lire) ; participer à la présentation, par nos camarades, d'œuvres que je ne connaissais pas forcément a été source d'enrichissement et/ou de découvertes. »


Marie-Paule Charles, présidente du club de 2007 à 2021Marie-Paule Charles, présidente du club de 2007 à 2021

Le concept du club est original par rapport aux cercles de lecture, où tous les participants lisent le même livre et en discutent : seul le thème est commun, mais chaque participant amène son livre. C’est Bertrand qui a tout de suite instauré cette façon de faire. C’était « une idée simple : se réunir dans un restaurant par petites tables et discuter chacun d'un livre dans un temps imparti mais de façon spontanée. Et repartir avec l'un des livres présentés à la fin de la soirée ».

Cela n’empêche pas que les dîners se rapprochent du club de lecture lorsque deux convives viennent avec le même livre, ou lorsqu’on en écoute un présenter un livre que l’on connaît bien. « Ainsi ai-je présenté le même soir à la même table Un goût de cannelle et d'espoir de Sarah McCoy », se souvient Marie-Paule. « En un sens, nous n'avions pas lu "le" même livre. A noter, et c'est dommage, que les participants souhaitent ne pas présenter le même livre à la même table le même soir. Nous lisons souvent le même livre avec un ressenti différent ou une analyse autre !!! »

 

Mais alors, de quoi parle-t-on, pendant ces dîners ?

« Le choix des thèmes était simple au début », explique Bertrand, « pour ratisser large et permettre de toucher tous les passionnés : littérature russe, littérature italienne, le livre de votre été, les prix littéraires, le livre de votre vie. On a fait aussi des auteurs : l'entre-deux guerres, écrivains catholiques, Mauriac/Sartre/Camus, etc. »

De fait, comme j’ai pu le vérifier moi aussi dans ma courte expérience, ce sont bien des passionnés que ces soirées réunissent. Ils se laissent facilement emporter par leur désir de convaincre la terre entière de lire un livre qu’ils ont aimé, si bien que Bertrand ajoute avec malice « pour canaliser les bavards, j'avais pendant quelques dîners institué un sablier… » Dont acte !!!

Statistiquement, les lecteurs sont avant tout des lectrices, et les dîners littéraires n’y échappent pas : ils sont massivement féminins. Pour autant, c’est un homme qui a créé le club, et cela a eu des conséquences : « pour attirer des lecteurs hommes (car on n'aime pas préparer) je proposai pas mal de soirées libres. » Et dans tous les cas, « les soirées que j'organisais devaient être relativement ouvertes et libres pour ne pas trop contraindre les participants !!! Nous avions aussi « les mauvais élèves » qui essayaient à tout prix de faire entrer un livre hors-sujet dans le thème de la soirée. » Hélène le confirme : « comme le dit Bertrand, un thème pointu est perçu comme une contrainte. »

 

Être Alumni de Sciences Po et s’intéresser à la littérature : qu’est-ce que cela change ?

Une spécificité importante tient évidemment à un certain goût pour les sciences politiques. Pour Bertrand, « on est des Sciences Po, des personnes je dirais s'intéressant à la culture et à l'actualité. Pour ce qui ressort des mes souvenirs, les livres présentés restaient dans le domaine des classiques de la littérature et des dernières sorties de livres tout au long de l'année. Donc oui nos soirées collaient aussi autour des derniers thèmes à la mode, des derniers livres parus, des prix littéraires. »

Marie-Paule évoque d’ailleurs le fait que ses goûts la portent vers « les œuvres dans lesquelles les personnages sont confrontés à un univers socio-économico-affectif et/ou sentimental !!! ». Elle cite, « à titre d'exemples : L'hiver du mécontentement de Thomas B. Reverdy ou encore Leurs enfants après eux de Nicolas Mathieu ». Mais finalement, « il y a eu tant et tant de dîners que je ne me rappelle plus si un ou des auteurs m'ont frappée », ajoute-t-elle. Quoique… « Cependant », son souvenir le plus marquant est récent : « je peux en citer un avec certitude : Joseph Ponthus, auteur de À la ligne, livre qui m'a beaucoup impressionnée. Durant le premier confinement, j'ai eu le plaisir de l'écouter interviewé à la radio. Hélas ! Il est mort (jeune à 42 ans) en février dernier ». Joseph Ponthus avait également reçu le premier prix littéraire des étudiants de Sciences Po.

Ce que ma propre fréquentation des dîners (récente et vite interrompue par les confinements successifs) m’a montré, c’est que les découvertes qu’on y fait sont très éclectiques. Ainsi, j’ai été extrêmement marquée par la découverte des Disparus de Daniel Mendelsohn, lors d’un dîner sur la littérature du Moyen-Orient (comme quoi chaque convive s’empare bel et bien du thème à sa manière) : depuis, je le cite souvent, j’en parle autour de moi, j’ai incité d’autres personnes à le lire. J’ai également écouté avec plaisir un convive parler des Misérables et je me suis dit que j’étais peut-être passée à côté à l’adolescence… je le relirai, c’est sûr !

Mais les dîners sont aussi l’occasion d’explorer les rentrées littéraires successives. Personne ne peut pas tout en lire, mais à chaque dîner, on peut être sûr qu’il y aura à chaque table quelqu’un qui viendra pour défendre une pépite récente. C’est très précieux ! Surtout que, comme le conclut Bertrand, « avec le recul, je m'aperçois que nous avons découvert des auteurs et des écrivains qui, à l'époque, émergeaient et ont, depuis, gagné en notoriété littéraire : Orsenna, Ruffin, Houellebecq, Nothomb, Tesson, Modiano, Pierre Lemaitre, Philippe Claudel, Philippe Delerm, Makine... Pour ne citer que des auteurs français ».

 

Au-delà de la lecture, le monde littéraire

Marie-Paule, qui est également très active dans le club Randonnée, ajoute qu’elle a développé un autre aspect, qui lui a donné envie de rebaptiser le club « Littérature et évasion » : « Je n'ai eu de cesse, notamment épaulée par Claude-Jeanne Collard, de proposer la découverte des liens entre la littérature et les arts en allant, si possible, sur des lieux « symboliques » : Illiers-Combray ou Auvers-sur-Oise ou, tout simplement les "Passages de Paris", ou encore le Paris de Prévert, le Paris de Balzac... C'est ainsi que j'ai remarqué que nous avions deux groupes d'adhérents intéressés par la "littérature" de manières différentes, mais complémentaires : pour certains les livres d'abord, pour d'autres, les lieux de culture : expositions, villes d'auteurs, musées, etc.. »


Marie-Paule Charles lors d'un dîner littéraire au Sénat


Diversifier les activités du club ? De fait, chaque président a organisé d’autres événements littéraires. « Nous avions également organisé une soirée dans la librairie "Les Champs magnétiques", située derrière Nation, au cours de laquelle son érudite propriétaire Marija nous avait expliqué son métier ; à une autre, un auteur fut invité », se rappelle Bertrand. Marie-Paule a également invité des auteurs lors de certains dîners, et testé plusieurs formules : des rencontres avec des auteurs, dont l’une, avec Sara Yalda, a attiré une telle foule qu’elle s’est tenue à la Maison de l’industrie.  Elle a également organisé plusieurs rencontres avec des éditeurs.

 

Au-delà du monde littéraire : les liens entre nous

Ces soirées, mensuelles, ont rythmé les années et parfois, des coïncidences historiques les ont rendues plus marquantes. « L'une de nos soirées est tombée le soir du 11 septembre et fut rapidement abrégée », se souvient Bertrand.

Et chaque président de souligner le fait que le club va bien au-delà de la découverte de livres. Les participants sont aussi des convives qui ont envie de passer une bonne soirée à table : « Un plat peut suffire, par contre il faut des boissons », rappelle Bertrand. « Pas toujours évident d’être à 20h à Paris quand on bosse à Jouy-en-Josas, mais je me suis organisée. Je me suis concentrée sur quelques restaurants pour faciliter l’organisation : la Porte Océane et Les éditeurs notamment », ajoute Hélène.

Car se réunir autour de livres ne signifie pas s’extraire du monde, bien au contraire… C’est un club de lecture, certes, mais ce qui m’a frappée dans ce que m’ont dit les trois présidents successifs, c’est que spontanément, c’est avant tout le réseau amical qu’ils retiennent. « La lecture est une amitié », selon la citation de Proust que Marie-Paule aimait ajouter aux mails du club. Bertrand cite dans l’ordre « de très beaux souvenirs, de belles amitiés, du temps suspendu pendant une soirée, des rencontres enrichissantes et surtout la découverte de centaines d'ouvrages ». Hélène, elle, parle « d’amitiés aussi, toujours fidèles. Et un sentiment d’appartenance renforcé à la communauté Sciences Po ».

Voilà une conclusion qui devrait en convaincre beaucoup de nous rejoindre !

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