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"Les femmes, même à Sciences Po, sous-estiment leur chance de réussite"

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18/10/2016

Une étude de l'INSEE de 2015 montre que l'écart salarial hommes-femmes reste important en France, autour de 19% en moyenne. Une partie de cet écart est dû au fait que les femmes et les hommes ont des occupations différentes et travaillent dans des secteurs d’activité diversifiés. Même constat à Sciences Po : l’écart salarial observé après la diplomation, d’environ 16 %, est en partie dû au fait que les femmes et les hommes n’ont pas les mêmes choix d’orientation au cours de leur scolarité : les femmes choisissent majoritairement des masters débouchant sur des professions aux rémunérations plus faibles, alors que les hommes sont proportionnellement plus nombreux dans des masters proposant des débouchés aux rémunérations élevées (ex : économie et finance). Par ailleurs, les femmes choisissent davantage des emplois dans des secteurs d’activité moins rémunérateurs. La seule exception est en droit : des masters menant à des emplois plutôt mieux rémunérés et où les étudiantes sont majoritaires.

La recherche académique se penche depuis de nombreuses années sur les raisons qui font que les femmes s'engagent moins souvent dans des filières d'enseignement supérieur débouchant sur des carrières fortement rémunératrices ou considérées comme prestigieuses. Des différences de préférences entre hommes et femmes expliquent en partie ces choix. Par exemple, les hommes et les femmes peuvent, en moyenne, valoriser différemment le fait de gagner beaucoup d’argent ou de travailler dans l’humanitaire, pour diverses raisons. La recherche académique, notamment en psychologie et en économie, explore des explications complémentaires. Les choix en matière d’orientation peuvent être liés aux croyances que les individus forment quant à leurs chances de réussite. Ainsi, les femmes pourraient choisir de ne pas s’orienter dans certaines filières car elles anticiperaient le fait qu’elles ne pourraient pas y réussir. Nous touchons là aux fondements de la motivation : les individus ne décident d’entreprendre une tâche nécessitant des efforts que s’ils pensent qu’ils ont des chances de l’accomplir avec succès. Nicole M. Else-Quest, Janet Shibley Hyde et Marcia C. Linn, dans leur étude montrant que la réussite des femmes en mathématiques varie selon les pays et donc des contextes culturels, précisent que les anticipations de réussite à une activité dépendent notamment de la propre perception que l’individu a de sa compétence. Or, les femmes peuvent sous-estimer leur niveau de compétence dans des domaines où le stéréotype de réussite est plutôt masculin, par exemple les mathématiques en France.

La confiance en ses chances de réussite a donc son importance dans les choix d'études. Or, la recherche académique a plutôt tendance à montrer que les femmes sous-estiment leurs chances de réussite, quand les hommes les surestiment. Avec Jen Brown, professeure à la UBC, j’étudie les différents vœux que les étudiantes et les étudiants de Sciences Po formulent pour leur troisième année à l’étranger. Nous trouvons que les femmes qui ont de très bonnes notes, et qui pourraient donc prétendre à étudier dans les universités partenaires les plus prestigieuses, les demandent moins souvent que les hommes. Peut-être que les femmes accordent en moyenne moins d’importance au prestige académique que les hommes et cela expliquerait leur choix. Mais il est bien plus probable que les femmes demandent des universités d’un rang inférieur à leur niveau académique parce qu’elles pensent, à tort, qu’elles ont moins de chances de les obtenir. 


 

Anne Boring est chercheuse en économie à Sciences Po (OFCE) où elle a travaillé notamment sur le projet de recherche européen EGERA (Effective Gender Equality in Research and Academia), dont Sciences Po est le coordinateur via le programme PRESAGE. À Sciences Po, elle enseigne plusieurs cours en économie, ainsi qu’un atelier pour les étudiantes intitulé Advice for women entering the professional world. Elle est par ailleurs investie sur plusieurs projets en innovation pédagogique, ainsi que sur l’entrepreneuriat des femmes.

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