Compte-rendu de la conférence Sciences Po Alumni Tokyo du 1er mars 2018
« Pourquoi sommes-nous toujours Charlie ? »
Liberté d’expression, liberté de conscience et démocratie
Conférence à la Maison franco-japonaise – Tokyo 1er mars 2018
Le titre de la conférence qu’a donnée Marc Horwitz, co-Directeur du « Dictionnaire de la laïcité » (Armand Colin, 2016) à la Maison franco-japonaise de Tokyo le 1er mars dernier, ne doit pas cacher la réalité de son propos : c’est de laïcité que le conférencier a voulu parler, de cette laïcité que l’on dit française, mais qui est, à bien des égards, universelle.
Au-delà de l’attaque contre Charlie, au-delà des morts de ce 7 janvier 2015, c’est bien autre chose que les Frères Kouachi ont exécuté. C’est d’abord la liberté de conscience, c’est aussi la liberté d’expression, c’est enfin la démocratie qu’ils ont mise à mal.
Ce qui s’est passé le 7 janvier 2015 marque un retour à la barbarie dans un monde occidental qui est en guerre, en guerre contre un ennemi qui n’a rien de commun avec l’ennemi d’hier.
Dépassons nos frontières et... restons toujours Charlie. La défense de la liberté de conscience comme la défense de la liberté d’expression se doivent d’être universelles. Difficile dans un monde où les religions d’Etat restent majoritaires.
Question : la séparation des Églises et de l’Etat est-elle à elle seule suffisante pour que s’installe la démocratie ? Sans doute pas, mais quand les Églises interviennent dans les affaires publiques, le dogme l’emporte sur la raison et pourtant, pour le dire comme Spinoza, la loi des Hommes ne saurait être marquée du sceau de la transcendance qui est incompatible aussi avec la souveraineté des peuples.
La République française est bien un modèle de démocratie et même de démocratie laïque depuis qu’elle a fait le choix de la loi de 1905 de séparation des Églises et de l’Etat. Elle garantit le droit à une critique libre et adogmatique, émancipatrice. Mais comment parvenir à ce que chaque citoyen puisse se déterminer en fonction de son libre arbitre ? Par l’éducation et la formation, en s’appuyant sur une culture politique ancrée dans une mémoire partagée et attachée à l’idée de Nation et de citoyenneté, sans exclure personne de la communauté politique parce que « l’intégrité de chacun dans son altérité mérite une égale considération » (Habermas).
Cette communauté du « vivre ensemble » ne saurait exister et progresser sans que s’impose la laïcité pour laquelle les temps sont durs, « non à cause du retour du religieux (…) mais de l’effondrement du social [qui favorise] l’émergence du sectarisme ». « Être laïque aujourd’hui », disait Bernard Maris, journaliste de Charlie Hebdo assassiné, « est plus qu’un devoir moral : une question de survie ».
Et c’est pourquoi nous sommes toujours Charlie.
Les questions ont été nombreuses parmi la trentaine de participants.
Après la conférence, nous avons continué les discussions avec Marc Horwitz à une dizaine de personnes dans un petit restaurant du quartier.
Valérie Moschetti
Présidente de la section Japon
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