Compte-rendu de la dégustation du 19 octobre 2017 - Vin de table pour grande table
Restaurant David Toutain
29 Rue Surcouf 75007 Paris
Mardi 19 octobre 2017 à 20h00
Le repas de fin d’année de Sciences-Po Millésimes combinait, pour ce 2017 finissant, tradition et insolite. La tradition des retrouvailles chez David Toutain ; l’insolite d’un programme composé exclusivement autour de l’appellation Vin de France. Des bouteilles allant de l’original à l’introuvable, pour des histoires uniques : celles de vignerons guidés par leur seule conviction, dans un esprit de pleine liberté ; celles de cuvées impossibles et dont on réussit quand même à faire un vin ; celles de vignes en marge des domaines, qui se prêtent au dérogatoire.
Les festivités s’ouvrent en bulles sur « La Croix Hardie », de Thomas Batardière. Voilà une vraie belle surprise, tant il est difficile de trouver un équilibre dans l’exercice des vins pétillants. D’une bulle très fine, presque évanescente en bouche, le chenin (on est en terres angevines) offre juste ce qu’il faut de gras en bouche sur des notes miellées, et aussi chocolatées, avec la pointe d’amertume qui remet le tout d’aplomb. Un joli compagnon pour les amuse-bouche signés Toutain : les classiques bois de salsifis, à tremper dans une sauce panais / chocolat blanc, et les non moins classiques tubes mousseux, traités cette année sur des saveurs d’huîtres, de framboise et d’échalotes.
On enchaîne avec Guillaume Gros. Nous avions, il y a plus de deux ans, découvert avec bonheur son « A Contre Courant » dans le millésime 2012 (voir le compte-rendu du dîner au restaurant Antoine) ; et très récemment son Luberon rouge (voir le compte-rendu du dîner au restaurant Les Saveurs du Sichuan). Nous remontons à nouveau le courant, cette fois dans le millésime 2014, et retrouvons avec plaisir les parfums du sauvignon qui, associé au grenache gris, l’ont conduit hors du cahier des charges de son appellation. Un vin généreux, gourmand, plein au nez (fruits à noyaux ou à coque, fleurs), sur une bouche plus tendue, évoluant sur l’abricot. La production en plafonne toujours à environ 1200 bouteilles par an…
Il accompagne tout d’abord l’une des entrées signature de David, l’œuf dans sa coquille, traité ici avec une crème de maïs, cumin et ciboulette ; puis des noix de Saint-Jacques contisées à la truffe, avec chou-fleur.
Changement de direction : la bouteille suivante nous mène vers les terroirs de Chablis… et d’ailleurs. Au sortir d’une vendange 2016 catastrophique à cause de la météo des mois précédents, Thomas Pico a fait le pari de reconstituer du volume en remontant du chardonnay de chez ses amis du sud de la France. Vinifié en Bourgogne, voilà un Vin de France, au sens le plus approprié du terme. Frais, fluide, végétal, il s’ouvre progressivement pour offrir des arômes de fruits blancs voire jaunes (mais peu mûrs), et même une pointe de guimauve.
Dégusté frais, on le découvre sur un risotto de céleri, châtaigne et épeautre grillée. Revenu à température, il accompagne un cabillaud parfaitement cuit au beurre blanc, algue, coing caramélisé et guacamole.
Nous attaquons maintenant les rouges. De la première bouteille sort un vin clair, comme un Poulsard ou un Trousseau. Le verre est sur le petit fruit rouge et l’acidité, la fraicheur, avant de s’adoucir, puis de poivrer très légèrement. Il y a de l’ampleur, un potentiel à la garde pour s’épanouir plus encore. Nous sommes avec François Cotat, en sancerrois, avec son « Chavignol » 2014, qui revendique fièrement sur son étiquette la mention Vin de table, pour avoir volontairement refusé la fermentation malolactique. Quelques centaines de bouteilles par an, tout au plus.
David Toutain nous propose sur ce vin des wings de poulet aux topinambours.
Autre terroir, autre millésime ; le vin qui suit est d’un rubis profond. Il sent le soleil, les fruits rouges mûrs, les épices, la garrigue et quelques années de cave. Voici la cuvée Théodore de Franck Avéla, dont nous avons ici le millésime 2005, classé à l’époque en Vin de pays de l’Hérault - aujourd’hui Vin de France - le domaine continuant à refuser de limiter les proportions de cinsault et de carignan telles que plafonnées par le cahier des charges. Le domaine héraultais ne produit que 4000 bouteilles par an, sur 4 hectares.
Il soutient un magnifique pigeon, crosnes, artichauts et sauce marchand de vin.
Le troisième vin rouge se présente en magnum. D’une robe profonde, il présente un nez souple, léger, puis une bouche plus marquée avec du poivre, de la fraise et de la framboise. C’est une syrah, un jeune « Les Plaisirs d’Harys » de 2016, produit par le domaine Jamet. A peine 400 magnums pour chaque millésime.
David Toutain nous sert en accord un agneau aux oignons, crème de genévrier.
La dégustation se clôt sur un moelleux. Du coing relevé par des effluves d’agrumes, de la fraîcheur et de la fluidité. Elle pourrait attendre encore de longues années, cette Méjanne du Mas Jullien. Mais nous sommes heureux de n’avoir pas trop attendu pour croiser sa route. Car la belle languedocienne ressemble de plus en plus à l’arlésienne. On n’a jamais su précisément quels cépages se cachaient derrière l’énigmatique étiquette mentionnant des « Moûts de raisins partiellement fermentés issus de raisins passerillés » ; et le domaine a arrêté d’en produire en 2010.
En guise d’adieu, David Toutain lui offre son emblématique crème chou-fleur / chocolat blanc, puis inaugure avec nous sa nouvelle création, une crème de truffe chocolat / praliné.
Les vins dégustés
En bulles
Vin de France, La Croix Hardie, Domaine Thomas Batardière, 2014
En blanc
Vin de France, A Contre Courant, Domaine Guillaume Gros, 2014
Vin de France, Chardonnay, Thomas Pico
En rouge
Vin de Table, Chavignol, François Cotat, 2014
Vin de Pays de l’Hérault (désormais Vin de France), Théodore, Domaine Avéla, 2005
Vin de France, Les Plaisirs d’Harys, Domaine Jamet, 2016
En moelleux
Moûts de raisins partiellement fermentés issus de raisins passerillés, La Méjanne, Mas Jullien, 2005
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