Compte-rendu de la dégustation du 27 janvier 2017 - Bières & Vins
Bières & Vins
La Cave à Bulles
45 rue Quincampoix - 75004 Paris
Vendredi 27 janvier 2017 à 20h00
Avouons-le, il fallait un peu d’audace pour se lancer sur un programme de dégustation croisée, à la recherche d’accords entre bière et vin. Mais les 5 rencontres proposées aux esprits curieux qui se sont réunis à la Cave à bulles ce soir de janvier ont démontré à l’envi que le défi pouvait être relevé, et de belle manière !
Simon Thillou, notre hôte pour cette soirée, nous a tout d’abord proposé de débarrasser nos papilles de toutes les informations de la journée avec une « saison », bière houblonnée, amère et légèrement fruitée, qu’il a lui-même brassée avec quelques amis : la Train to Mars. Une manière effectivement idéale de nous mettre en bouche, tout en commençant agréablement les échanges : comment on brasse une bière, ce qu’est le houblon (comme le raisin a ses cépages, celui-ci compte de nombreuses variétés…) où en est le secteur de la brasserie artisanale, etc…
Le programme proprement dit nous amène pour commencer du côté de l’Italie. L’Equilibrista de la brasserie Del Borgo, dans un millésime 2012 (oui, les bières aussi peuvent être millésimées) est probablement l’une des bières les plus proches de l’univers viticole, puisqu’elle est brassée avec environ 40 % de moût de Sangiovese. Où finit la bière, où commence le vin ? A l’aveugle, certains auraient cru à un vin rouge effervescent. La bouche est ronde, finement pétillante, pleine de petits fruits rouges, d’un peu de miel et d’épices. En accord, nous sommes allés chercher un vin jeune et lui aussi sur le fruit, un cabernet de Loire : le Bourgueil du Domaine Guion, dans son millésime 2015. L’accord fonctionne : deux approches du fruit se parlent, l’une toute en gourmandise et l’autre plus fougueuse.
Sur le second match, il n’est pas question de bière brassée avec du raisin, ou même de vieillissement en fûts de vin. Ce sont les arômes naturels d’une bière « classique », conçue dans une optique uniquement brassicole, qu’il faut aller chercher pour montrer que deux produits très différents peuvent apporter des saveurs proches. A l’Ouest, de la brasserie du Grand Paris, développe un nez richement fruité, le houblon évoquant, selon les dégustateurs, tout-à-la-fois le pamplemousse, l’ananas, le fruit de la passion ou encore la pêche. C’est donc vers un vin blanc flamboyant que nous nous tournons. Un grand Condrieu de chez André Perret, dans son millésime 2015, explosant lui aussi de fruité. Cette fois, c’est le vin qui est plus rond, le houblon ayant la contrepartie d’apporter à la bière une amertume rafraîchissante mais marquée.
C’est déjà la troisième étape de notre périple. Le lambic de la mythique brasserie Cantillon, à Bruxelles, est parfois appelé le « vin de la bière ». Issue d’une fermentation spontanée (elle est ensemencée par les levures naturellement présentes dans l’air), élevée 3 ans en fût, presque plate et apte à la garde (jusqu’à 20 environ), cette bière se déguste comme un vin. Ici aussi, à l’aveugle tout le monde n’aurait pas pensé déguster une bière. Sa fine structure boisée s’appuie sur un corps puissant, moins amer (on utilise pour la brasser des houblons vieillis) qu’acide. On pourrait penser à un cidre fermier, ou à un savagnin non ouillé (l’élevage du lambic se pratiquant d’ailleurs précisément sans ouillage). Mais pour brouiller les pistes, c’est vers la Loire que nous retournons, pour un chenin « naturel » du Domaine de la Grapperie, les Dorrées. Il répond à l’acidité du lambic par sa structure très terrienne, presque fermière.
Nous restons pour la suite du côté de chez Cantillon. Mais il est désormais question d’une gueuze, c’est-à-dire d’un assemblage de lambics jeunes et vieux. La bière a donc gardé plus de pétillance. Surtout il s’agit ici d’une production très particulière et confidentielle, issue d’une collaboration avec Stéphane Tissot, l’un des grands noms d’Arbois : la bière a été élevée dans des fûts de vin jaune. Le résultat est magnifique, la gueuze gagnant en complexité, notamment avec des saveurs de noix et d’épices (curry et curcuma). Pour rendre hommage à cette bouteille exceptionnelle et introuvable, mise à notre disposition par Cantillon uniquement pour cette dégustation, nous nous tournons vers un vin jaune de grande tradition, issu des caves du Domaine Labet, l’un des plus beaux du Jura. Un double sommet.
Pour clore cette soirée déjà mémorable, nous ouvrons un « barley wine », un « vin d’orge » : une bière d’un style très rond et alcoolisée, à déguster par petites gorgées. Celui que nous servons est une production de la brasserie de la Pleine Lune et a été élevé dans des fûts qui ont contenu de l’Hermitage blanc, ce qui lui confère un peu plus de souplesse et de fraîcheur. Mais la puissance est toujours là. Une bière de dessert, idéale sur du chocolat noir. Le vin en regard est un vin doux naturel, un Rasteau de chez Bressy Masson. Sur la sélection de macarons, à chacun de tester les accords en constatant que le mariage mets & bières offre autant de perspectives que celui entre mets & vins.
Un grand merci à Simon pour son accueil, et à notre camarade Pierre-Benoît qui est allé dénicher les vins !
Les bières et vins dégustés
Train to Mars, Brasserie Thiriez / Get Radical
Equilibrista, Brasserie Del Borgo, 2012
Bourgueil, Cuvée Prestige, Domaine Guion, 2015
A l’Ouest, Les Brasseurs du Grand Paris
Condrieu, André Perret, 2015
Grand Cru Brucsoella, Brasserie Cantillon, 2014
Vin de France, Les Dorrées, Domaine de la Grapperie, 2014
La Vie est Belge, Brasserie Cantillon
Côtes-du-Jura, Vin Jaune, Domaine Labet, 2008
De deux choses Lune (Hermitage #2), Brasserie de la Pleine Lune
Rasteau, Ambré, Domaine Bressy-Masson
Domaine André et Lucas Rieffel, 2011
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