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Compte-rendu de la dégustation du 7 octobre 2021 - Domaine Charles Joguet

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Sciences Po Millésimes

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07/10/2021

« Domaine Charles Joguet » chez Sylvain Sendra 

Fleur de Pavé

5 rue Lelong - 75002 Paris
Jeudi 7 octobre 2021 à 20h00

  

Dix-huit mois d’attente, de reports et d’incertitudes. Mais, au bout, une soirée de reprise qui a sonné comme une magnifique récompense. Peut-être d’ailleurs fallait-il voir dans le temps écoulé entre l’annulation de la dégustation des Chinon du domaine Charles Joguet, et sa tardive concrétisation, comme un clin d’œil du destin. Car ce long report a précisément été imposé à des vins de patience, des vins que le connaisseur déguste dans leur pleine maturité et dans la méditation des années écoulées.

Tels sont les clos de tête du domaine piloté par Anne-Charlotte Genet : Varennes du Grand Clos, Chêne Vert et Dioterie. Des vins de grande garde, de terroir et de savoir-faire, qui prouvent tout l’intérêt que mérite le cabernet franc dans une cave d’amateur.

Le cadre est posé par un Varennes du Grand Clos, en 2008. D’emblée, il impose son élégante rigueur janséniste. Les arômes sont riches mais refusent la lourdeur et l’ostentation. Un rouge minéral et terrien, qui sans doute entame une heureuse maturité vers ces notes d’humus que l’on sent poindre derrière le fruit rouge, la framboise légère. Droit, structuré, il a déjà une belle longueur. Réservé pour la suite du dîner, le verre évolue. Les tannins encore présents lors du service se sont évanouis et ont laissé place à des notes de grillé, de fumé, de noisette et de mentholé. En bouche, le vin s’est élargi.

Sylvain Sendra propose en accord une mousse de lentilles vertes du Puy, avec émulsion de lard. Un plat de saveurs terriennes, mais en légèreté, et qui n’omet pas un peu d’acidité, pour un dialogue qui répond pleinement à l’esprit du vin : des arômes riches et automnaux, dans une expression aérienne, marquée encore par une fraîcheur de jeunesse.

Nous poursuivons sur les Varennes du Grand Clos, mais cette fois en 2010. C’est une expression bien différente qui nous attend. L’effet d’un millésime plus solaire. Le nez est d’emblée plus ample, et le fruit plus marqué. On y trouve de la mûre. Mais aussi et surtout, des saveurs végétales, herbacés, jusqu’à ces touches de poivron (rouge) qu’on cite souvent comme des caractéristiques en Chinon et qui restent ici rondes. L’ouverture, là encore, fait évoluer les dimensions du vin. En 2008, un millésime profond s’élargissait. En 2010, un millésime ample gagne peu à peu en profondeur tout en s’assagissant et en se recentrant sur le fruit, la gourmandise.

Sur les arômes végétaux rencontrés au début de la dégustation, nous dégustons une tartelette aux champignons « signature » de Sylvain Sendra. Etonnante alliance entre le léger croustillant de la pâte, le crémeux de la garniture, et la fraîcheur tendre des lamelles qui la recouvrent. Et ça fonctionne ! Le plat apporte la douceur et la texture qui permettent au vin d’exprimer mieux encore son registre végétal.

Nous abordons ensuite le Clos du Chêne Vert, en 2010. Même millésime mais terroir différent, et orienté sud-ouest plutôt que nord-est. Un effet solaire encore plus marqué, mais sur une base stricte. Plus discret au nez que les Varennes, il se révèle en bouche, avec encore plus de fruit et de gourmandise : framboise, cerise, groseille même. Le tout sur un substrat boisé, tannique. L’ouverture renforce ces impressions amples, chaudes, mûres, sans renier cependant la puissance austère qui en fait la trame. Le fruit, et le terroir.

Sylvain Sendra va chercher la vivacité et le volume du vin avec un cabillaud nacré, dans une feuille et poudre de choux, sauce vin rouge. De la texture, de l’acidité, un fruit riche. Le plat se met à la hauteur du verre, dans un esprit qui rappelle les soirées de fin d’été.

La séquence des vins rouges s’achève sur un duo Chêne Vert et Dioterie, en 2011.

On retrouve dans le Chêne Vert cette identité qui allie fruité et boisé, dans une expression ample, qui pourrait par moments évoquer ce que l’on connaît en Sud-Ouest. 2011, par rapport à 2010, développe plus des arômes de cerise noire ; toujours sur ce substrat tannique, qui s’estompe à l’ouverture. On finit sur des impressions de douceur, de simplicité, d’évidence, toujours estivales.

La Dioterie pour sa part propose une approche plus souple, plus accrocheuse, on pourrait presque dire plus épatante par sa puissance aromatique. Des baies noires et rouges mélangées, de la truffe et du sous-bois mais sans aller jusqu’à des expressions racinaires. Rapidement toutefois, cette dimension explosive laisse place à un vin plus posé. La profondeur s’installe. Les arômes végétaux, automnaux, gagnent peu à peu sur le fruit. On boucle la dégustation en retrouvant l’aspect légèrement fumé du Varennes 2008, la garde, la terre et la méditation.

Les deux vins sont proposés sur un pigeon en deux cuissons : la cuisse grillée, et le filet tendre, à l’étuvée. Une julienne de betteraves et cassis l’accompagne, ainsi qu’un condiment chorizo. Vivacité et saveurs terriennes : le diptyque va chercher les deux facettes tant du Chêne Vert que de la Dioterie.

En guise de conclusion, nous quittons le cabernet franc pour le chenin, avec la Plante Martin en 2016. Un chenin généreux, exotique, mais là encore sans lourdeur, avec du tonus. Il évoque irrésistiblement l’ananas, et de manière plus discrète une mangue saisie juste en début de maturité. On y trouve aussi, en bouche, une pointe de citron vert. Et c’est justement une tarte tatin d’ananas, avec glace douce à la vanille, qui l’accompagne.

Un projet fou clôt la soirée : revivre l’événement avec les mêmes bouteilles, sur ces mêmes millésimes, en se retrouvant dans dix ans.

Les vins dégustés

Chinon, Les Varennes du Grand Clos, 2008 (rouge) 

Chinon, Les Varennes du Grand Clos, 2010 (rouge) 

Chinon, Clos du Chêne Vert, 2010 (rouge)

Chinon, Clos du Chêne Vert, 2011 (rouge) 

Chinon, Clos de la Dioterie, 2011 (rouge) 

Chinon, La Plante Martin, 2016 (blanc)


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