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L'Opéra au salon : Autorité morale dans l'opéra (Met 20 au 26 avril 2021)

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17/04/2021

Vertu, sacrifice, magnanimité, amour conjugal, dévouement aux autres, non violence sont au programme de cette semaine. 

Cette sélection permettra de voir et d'entendre des œuvres créées de 1791 (la Clémence) à 1980 (Satyagraha), de compositeurs autrichien (Mozart), allemand (Beethoven), italiens (Puccini et Verdi), français (Poulenc) et américain (Glass) et dans des représentations et mises en scène qui s'échelonnent de 1986 à 2019 avec quelques-unes des grandes voix de leur époque!  

Chacun devrait donc y trouver matière à découverte ou redécouverte !


Mardi 20 avril 2021
Wagner Lohengrin
Avec Eva Marton (Elsa de Brabant), Leonie Rysanek (Ortrud), Peter Hofmann (Lohengrin), Leif Roar (Friedrich von Terramund) et John Macurdy (roi Henri l’Oiseleur), sous la direction de James Levine. Création en 1850. Production d’August Everding.  Représentation du 10 janvier 1986.

«Le genre (de production) qui peut faire  aimer Wagner à un amateur exclusif de Desperate Housewives ! (…) Musicalement, c’est à couper le souffle » **** Sylvain Fort (Forum Opera) 

Une distribution de rêve avec les plus grands wagnériens de leur époque !

Accusée d'avoir tué son frère pour obtenir le duché de Brabant, Elsa est sauvée par l'arrivée du chevalier inconnu, qu'elle avait vu en rêve, et qui arrive, tiré par un cygne, défendre son honneur contre ses accusateurs et l'épouser. A une seule condition : jamais elle ne doit l'interroger sur son nom ou sur ses origines … 

Sur cet argument, tiré d'une mythologie allemande qu'il connaissait bien, Wagner composera son opéra le plus populaire, le plus représenté et, à l'exception de Parsifal, le plus délicieusement lyrique (avec un des plus beaux duos d'amour du répertoire).


Mercredi 21 avril 2021
Mozart La Clemenza di Tito  (la Clémence de Titus)
Avec Lucy Crowe (Servilia), Barbara Frittoli (Vitellia), Elina Garanča (Sesto), Kate Lindsey (Annio), Giuseppe Filianoti (Titus) et Oren Gradus (Publio), sous la direction de Harry Bicket. Création en 1791. Production de Jean-Pierre Ponnelle.  Représentation du 1er décembre 2012. 

L'empereur Titus, qui aime Bérénice, est la cible d'un complot fomenté par Vitellia, fille d'un ancien empereur, qui veut l'épouser. Pour arriver à ses fins, elle profite de l'amour que lui porte Sesto pour le pousser à trahir l'empereur son ami. Magnanime, Titus pardonnera à tous les conspirateurs.

Une très belle distribution (Sesto totalement convaincant de Garanca, Fritolli en Vitellia!) servie par une production visuellement superbe combinant décors romains et costumes XVIIIè, de belles trouvailles de mise en scène (ouverture par exemple), des coupes judicieuses dans les récitatifs, une direction d’orchestre appropriée, et un superbe solo de clarinette, font de cette diffusion une des meilleures façons de découvrir ou de revoir l'avant-dernier opéra de Mozart. Ce dernier y renouvelle sa vision de l'opera seria, un genre qui privilégie la musique noble et les virtuosités vocales aux intrigues bien ficelées.

Caveat : les paroles n’étant pas toujours bien traduites et l’intrigue étant un peu complexe (en ajoutant une intrigue secondaire, Titus se propose d'épouser successivement trois femmes et y renonce … ), il est suggéré de lire le livret ou l’histoire avant.


Jeudi 22 avril 2021
Puccini La Fanciulla del West  (la Fille du Far West)
Avec Deborah Voigt (Minnie), Marcello Giordani (Dick Johnson) et Lucio Gallo (Jack Rance), sous la direction de Nicola Luisotti. Création en 1910. Production de Giancarlo Del Monaco. Représentation du 8 janvier 2011. 

Créé au Met de NY en 1910, ce western chanté se déroule en Californie au moment de la ruée vers l’or (1849-1850), avec des ingrédients classiques du western hollywoodien (mineurs, tenancière de saloon, parties de poker, chef de bande mexicain, sheriff, détective de la Wells Fargo, …) et de l'opéra (amour et jalousie dans le traditionnel trio soprano-ténor-baryton). 

Minnie, tenancière du saloon d'une ville de mineurs auxquels elle sert de mère, sœur et institutrice est aimée du sheriff mais le rejette rêvant d'un grand amour comme celui qu'ont connu ses parents. Arrive un étranger pendant que le détective de la Wells Fargo déclare avoir trouvé la cache d'un chef de bande mexicain …

Une musique novatrice, coloriste et évocatrice, un beau livret avec un scénario simple et efficace, une mise en scène "Ruée vers l'Or", une très belle distribution (Voigt en Minnie notamment), une excellente direction d’orchestre font de l’opéra préféré par son auteur un plaisir à voir ou revoir !


Vendredi 23 avril 2021
Verdi  Simon Boccanegra
Avec Anna Tomowa-Sintow (Amelia Grimaldi), Vasile Moldoveanu (Gabriele Adorno), Sherrill Milnes (Simon Boccanegra) et Paul Plishka (Jacopo Fiesco), sous la direction de James Levine. Création en 1857. Production de Tito Capobianco.  Représentation du 29 décembre 1984.

Suite à une cabale, le corsaire Simon Boccanegra  est élu comme premier doge plébéien de Gènes succédant au patricien Fiesco. Celui-ci lui voue une haine tenace pour avoir donné un enfant (Amélia) à sa fille, qui vient juste de décéder, et il n'est prêt à envisager une réconciliation qu'en voyant sa petite-fille. Celle-ci a malheureusement disparu et Simon ne sait où elle est. Vingt cinq années plus tard, la rivalité entre les deux ne s'est pas apaisée, les difficultés entre patriciens et plébéiens se sont exacerbées, la jeune fille est retrouvée et Simon doit gérer ses conflits privés et publics, et  gouverner face à une rébellion se transformant progressivement en homme d'Etat …

A partir de ce argument, Verdi a bâti, avec le personnage principal, une de ses plus grandes créations et, grâce à une fine caractérisation musicale de la psychologie et de l'évolution du personnage,  un des plus riches (et astreignant)rôles de baryton du répertoire. II crée aussi, avant la référence Iago (Otello), un "méchant" parfaitement caractérisé dans le personnage du traître Paolo … 

Histoires d'amour et de jalousie, cape et épée, traîtres, empoisonnement, manipulation électorale, harangue politique (formidable scène du Conseil à la fin de l'acte I), noble sacrifice : tous les ressorts d'une parfaite intrigue politico-personnelle se retrouvent dans ce sommet de la tragédie verdienne. 

Si la mise en scène est un peu terne, les principaux rôles sont bien servis par les chanteurs (Milnes, Tomowa-Sintow, Plishka particulièrement) et une direction d'orchestre intelligente.

Une occasion de voir ou revoir cette "concrétisation (...)  de science du gouvernement" (Kobbé) et surtout un sommet de l'opéra verdien.


Samedi 24 avril 2021
Philip Glass Satyagraha
Avec Richard Croft (Gandhi), Rachelle Durkin (Miss Schlesen), Kim Josephson (Mr Kallenbach) et Alfred Walker (Parsi Rustomji), sous la direction de Dante Anzolini. Création en 1980. Production de Phelim McDermott. Représentation du 19 novembre 2011.

Cet opéra de 1980 de Philip Glass, un des compositeurs les plus influents de la fin du XXè siècle et représentant de l'école répétitive de la musique minimaliste, s'inscrit dans sa trilogie des "hommes qui ont changé le monde dans lequel ils vivent par le pouvoir de leurs idées".  

Satyagraha ("Force de la Véritéen sanscrit) est  inspiré par Gandhi et son principe de contestation et de résistance à l'oppression par la non-violence et la désobéissance civile. Ce concept de Vérité, fort et holistique, inclue les aspects socio-économiques, politiques et religieux et la nécessité du respect des autres, quels que soient leur race, ethnicité, genre ou religion. 

Assemblage de textes en sanscrit de la Bhagavad Gita, un des écrits fondamentaux de l'hindouisme, cet "opéra" juxtapose vignettes historiques, philosophiques et politiques en une série de méditations comme une célébration rituelle (comme le Messie de Haendel) en rebalançant les différentes composantes habituelles du genre : texte, mouvement, image, musique. Partant de l'idée que la vie du Mahatma était bien connue, Glass a conçu son œuvre comme un album de photos que l'on feuillette sans ordre plutôt que comme une séquence linéaire.

Une production extrêmement créative (acrobates, marionnettes) et visuellement superbe et des chanteurs engagés (Croft impressionnant) soutiennent une musique et des paroles hypnotiques qui ont fait de ce spectacle un des grands succès du Met, notamment auprès des jeunes.


Dimanche 25 avril 2021
Beethoven Fidelio
Avec Karita Mattila (Leonore), Ben Heppner (Florestan), Falk Struckmann (Pizarro) et René Pape (Rocco), sous la direction de James Levine. Création en 1814. Production de Jürgen Flimm.  Représentation du 28 octobre 2000.

Florestan est un prisonnier politique. Habillée en homme et sous le nom de Fidelio, son épouse, Léonore, trouve, pour le délivrer, un emploi auprès du geôlier de la forteresse où il est retenu et dont le gouverneur est un son plus grand ennemi …

Une distribution au sommet (Mattila intense et totalement habitée, Heppner superbe dans un des rôles de ténor les plus difficiles du répertoire, Pape), soutenue par un orchestre admirablement dirigé, et une transposition neutre dans un régime concentrationnaire indéterminé du XXè siècle servent au mieux la musique inspirante de l'ode à la liberté, à la fraternité et à l'amour conjugal que représente l'unique opéra complet de Beethoven, un des monuments du genre.


Lundi 26 avril 2021
Poulenc Dialogues des Carmélites
Avec Isabel Leonard (Blanche), Adrianne Pieczonka (Madame Lidoine) et Karita Mattila (Mme de Croissy), sous la direction de Yannick Nézet-Séguin. Création en 1957. Production de John Dexter. Représentation du 11 mai 2019.

Inspiré, comme Fidelio, d'un épisode de la Terreur, l'exécution de seize Carmélites de Compiègne dix jours avant la chute de Robespierre, le chef d'œuvre  de Poulenc d'après un drame de Bernanos continue à émouvoir notamment sa bouleversante scène finale, une des plus poignantes du répertoire. 

Au-delà du cadre et du message religieux, il interroge sur des sujets clés de la condition humaine : l'attitude de chacun face à la mort ou  aux circonstances extrêmes, la peur, l'espoir, le salut, …

Une distribution superbe (Mattila impressionnante en Prieure) même pour les rôles les plus courts, un décor très épuré (gigantesque sol en forme de croix), une mise en lumière douce qui souligne l'atmosphère de recueillement, une direction d'acteurs retenue, la superbe direction d'orchestre de Nézet-Séguin rendent particulièrement intense cette tragédie.

Un opéra difficile à oublier !



Les spectacles sont accessibles en cliquant, le jour indiqué, sur le titre de l’œuvre, à l'heure de votre choix.


Belles soirées (ou matinées) lyriques


Jean-François Bourdeaux
Président du Club Opéra

 


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