L'Opéra au salon: Hommage à Puccini au Met (programme du 13 au 19 juillet 2021)
« Héritier » de Verdi, Giacomo Puccini (1858-1924) est régulièrement cité dans le trio de tête des compositeurs d’opéras (avec Mozart et Verdi). Son nom évoque irrésistiblement trois des plus grandes œuvres du répertoire lyrique La Bohème (1896), Tosca (1900) et Madame Butterfly (1904), trois références dans l’histoire de cet art.
La sélection du Met nous propose de revoir les œuvres les plus caractéristiques de ce compositeur du XXè siècle, qu’elles aient été tirées du monde littéraire, Manon Lescaut (1893) d’après le roman éponyme de l’abbé Prévost ou La Bohème d’après l’œuvre littéraire d’Henry Murger, ou de pièces de théâtre, Tosca (1900), Madama Butterfly (1904), La Fanciulla del West (1910), Turandot (création posthume en 1926).
On verra également trois opéras qui illustrent la curiosité et l'intérêt de Puccini pour les univers musicaux et artistiques non européens, orientaux (Madama Butterfly et Turandot, Japon et Chine) ou américain (La Fanciulla del West). Le Met nous offre enfin de voir une œuvre rarement jouée qui hésite entre les différents genres, buffo, serio, opérette, opéra : la Rondine.
Cette programmation permettra, sur ce que l'on peut appeler des « standards », de comparer mises en scène et chanteurs, d’entendre quelques-unes des belles voix des dernières décennies (Verrett, Scotto, Georghiu, Stemme, Pavarotti, Domingo, Alagna,…) et de découvrir de nouvelles nuances dans des œuvres musicalement et dramatiquement si riches que le grand chef Arturo Toscanini s'en était fait le promoteur zélé.
Pour approfondir: Marcel MARNAT, Giacomo Puccini, Fayard, 2005
Mardi 13 Juillet
Manon Lescaut
Avec Karita Mattila (Manon), Marcello Giordani (chevalier des Grieux) et Dwayne Croft (Lescaut), sous la direction de James Levine. Représentation du 16 février 2008.
Sur la place d’Amiens, au milieu des rires et des chants, le chevalier des Grieux reste mélancolique. Arrive la diligence d’Arras dont descendent un riche bourgeois, Géronte, une jeune fille destinée par son père au couvent, Manon, et son frère, Lescaut, chargée de l’y accompagner. Les deux jeunes gens tombent passionnément amoureux alors que le fermier général cherche à enlever la jeune fille …
La version italienne de l’adaptation du roman de l’abbé Provost (à comparer avec Manon de Jules Massenet, la version française plus connue chez nous) n'est peut-être pas le plus célèbre des opéras de Puccini mais c’est celui qui lui a donné sa consécration, l’a mis à l’abri du besoin et surtout a initié la collaboration si fructueuse avec les librettistes Luigi Illica et Giuseppe Giacosa. Ensemble, ils écriront ses trois grands chefs-d’œuvre: La Bohème (1896), Tosca (1900) et Madame Butterfly (1904)..
Avec un orchestre superlatif, une fulgurante transformation, physique et psychologique, de Manon par Karita Mattila, se dénouant dans une prodigieuse scène finale (notamment avec la superbe aria finale « Sola, perdida, abbandonata »), un très bon plateau, des décors et costumes somptueux , cette production offre un très bel écrin à la richesse et à la vivacité de la partition et un bonheur d’émotion pour le spectateur.
Mercredi 14 Juillet
La Bohème
Avec Renata Scotto (Mimi), Maralin Niska (Musetta), Luciano Pavarotti (Rodolfo), Ingvar Wixell (Marcello) et Paul Plishka (Colline), sous la direction de James Levine. Production de Fabrizio Melano. Représentation du 15 mars 1977.
Avec trois autres jeunes bohèmes (peintre, philosophe et musicien), le poète Rodolfo vit dans un atelier-mansarde sous les toits de Paris. Un jour Mimi, sa voisine qui vit seule, frappe à sa porte, sa chandelle est morte et elle n'est pas très bien. Ils ont le coup de foudre et commencent leur histoire tandis que le peintre Marcello retrouve Musetta et les deux couples se constituent. La santé de Mimi se détériore et l'amitié vient au secours …
Une des œuvres les plus représentées du répertoire, la Bohème continue à enthousiasmer des générations d'amateurs par son scénario parfait, une gradation intelligente dans l'intrigue, son intuition psychologique et une partition poignante qui accompagne à merveille les différents tableaux de ces scènes de bohème où chacun peut s'identifier et vivre ou revivre son expérience, grande ou petite. Sans oublier de célébrissimes airs (Che gelida manina !) A chaque nouvelle audition /vision de cette histoire d'amours et d'amitiés, on trouve de nouvelles richesses.
Cette captation est la première à avoir été diffusée au public avec une introduction très années 70s. On y trouve deux superstars du chant (Scotto, Pavarotti) en grande forme et bien entourées (Tajo, Plishka notamment) dans de sobres décors de Pier Luigi Pizzi qui apparaît bien vide comparé à la célébrissime et quasi-universelle version de Zeffirelli.
Oldie but goodie
Jeudi 15 Juillet
Tosca
Avec Shirley Verrett (Flora Tosca), Luciano Pavarotti (Mario Cavaradossi) et Cornell MacNeil (baron Scarpia), sous la direction de James Conlon. Production de Tito Gobbi. Représentation du 19 décembre 1978.
En juin 1800 à Rome, le peintre Mario Cavaradossi, amant de la cantatrice Flora Tosca, recueille un prisonnier républicain enfui de la forteresse de Saint-Ange. Le chef de la police, le Baron Scarpia est sur ses traces …
Adaptation d’un drame conçu par Victorien Sardou, maître de la « pièce bien faite », pour Sarah Bernhardt, Tosca est, depuis longtemps, une des œuvres les plus populaires du répertoire, signe de ses qualités dramatiques et musicales qu’ont illustré les plus grands chanteurs, Maria Callas et Tito Gobbi en tête.
La captation propose ici dans les rôles principaux trois immenses chanteurs des années 70 au meilleur de leur forme (dont les prises de rôle au Met de Verrett et de Pavarotti (photo en haut à droite) pour qui Cavaradossi deviendra un rôle fétiche), une production, très fidèle aux didascalies de Puccini de Tito Gobbi, lui-même un légendaire Scarpia, et une direction d’orchestre très à l’écoute des chanteurs.
Tosca étant un des opéras les plus joués au monde, les comparaisons de mise en scène et de chanteurs ne manquent pas :le Met en a proposé plusieurs de même que d'autres grandes (Vienne, Aix) ou moins célèbres (Helsinki) scènes. Certaines sont disponibles sur YouTube.
Des très grandes voix pour une version classique d’un des opéras les plus populaires du répertoire
Vendredi 16 Juillet
Madama Butterfly
Avec Hui He (Cio-Cio san), Elizabeth DeShong (Suzuki), Bruce Sledge (Pinkerton) et Paulo Szot (Sharpless), sous la direction de Pier Giorgio Morandi. Production d'Anthony Minghella. Représentation du 9 novembre 2019.
Lieutenant de la marine américaine en poste à Nagasaki, FB Pinkerton se voit proposer un domicile et une jeune épouse japonaise. S'il prend ce "mariage" (photo en bas à gauche) à la légère, Cio-Cio-San, rejetée par sa famille, le prend, elle, très au sérieux. Le beau lieutenant part et elle attend son retour, refusant tous les prétendants … Trois ans plus tard, il revient …
Drame culturel, Mme Butterfly est aussi un hommage poignant à l'amour maternel. Puccini y a déployé ses somptueux talents orchestraux, de superbes mélodies et un long travail de compréhension du Japon et de sa culture qui se reflètent dans l'utilisation de thèmes originaux et de l'échelle pentatonique.
Servie par une superbe mise en scène très esthétisante utilisant les arts japonais (poupée, origami, …), des éclairages somptueux créant des tableaux empreints de poésie, de splendides costumes, de très bons chanteurs (He, DeShong notamment) et un chef qui apporte la tension et la passion requises, cette production et sa prise de vue permettent de voir ou de revoir ce grand et beau classique du répertoire dans d'excellentes conditions.
Un spectacle envoûtant dans une mise en scène à connaître absolument
Samedi 17 Juillet
La Fanciulla del West
Avec Barbara Daniels (Minnie), Plácido Domingo (Dick Johnson) et Sherrill Milnes (Jack Rance), sous la direction de Leonard Slatkin. Production de Giancarlo Del Monaco. Représentation du 8 avril 1992.
Minnie, tenancière du saloon d'une ville de mineurs auxquels elle sert de mère, sœur et institutrice est aimée du sheriff mais le rejette rêvant d'un grand amour comme celui qu'ont connu ses parents. Arrive un étranger pendant que le détective de la Wells Fargo déclare avoir trouvé la cache d'un chef de bande mexicain …
Créé au Met de NY en 1910, ce western chanté se déroule en Californie au moment de la ruée vers l’or (1849-1850), avec des ingrédients classiques du western hollywoodien (mineurs, tenancière de saloon, parties de poker (photo en haut au centre), chef de bande mexicain, sheriff, détective de la Wells Fargo, …) et de l'opéra (amour et jalousie dans le traditionnel trio soprano-ténor-baryton).
Une musique novatrice, coloriste et évocatrice, un beau livret avec un scénario simple et efficace, une mise en scène de type John Ford ou "Johnny Guitar", une très belle distribution (un des rôles fétiches de Domingo), une direction d’orchestre qui apporte une couche de nostalgie font de l’opéra préféré de son auteur un plaisir à voir ou revoir !
Dimanche 18 Juillet
La Rondine
Avec Angela Gheorghiu (Magda de Civry), Lisette Oropesa (Lisette), Roberto Alagna (Ruggero), Marius Brenciu (le poète Prunier) et Samuel Ramey (le banquier Rambaldo), sous la direction de Marco Armiliato. Production de Nicolas Joël. Représentation du 10 janvier 2009.
Dans le salon de Magda de Civry, le poète Prunier commente la dernière mode: l'amour romantique. Seule Magda, bien qu'entretenue par le banquier Rambaldo, semble s'y intéresser. Arrive Ruggero, le fils d'un ami du banquier de passage à Paris, qui ne connaît pas Paris …
Rarement donné en Europe, ce qui devait, aux regards de ses commanditaires, devenir une opérette dans le style de Léhar est devenu le plus léger des opéras pucciniens. Le métier musical du maître se retrouve dans cette œuvre séduisante, fluide et pleine de charme, de danses et de mélodies compensant un livret assez faible.
Alagna et Georghiu, couple chéri de l'opéra de 1996 à 2012 (photo en haut à gauche), porte cette œuvre tout au long dans une interprétation insurpassée. Le reste de la distribution est de très bon niveau (Ramey, Oropesa). La mise en scène art déco est efficace et la direction d'orchestre pleine de style.
Une rareté romantique dans une belle interprétation
Lundi 19 Juillet
Turandot
Avec Nina Stemme (Turandot), Anita Hartig (Liu), Marco Berti (Calaf) et Alexander Tsymbalyuk (Timur), sous la direction de Paolo Carignani. Production de Franco Zeffirelli. Représentation du 30 janvier 2016.
Légendaire beauté, la princesse Turandot soumet à trois énigmes ses nombreux prétendants avec sa main et le trône de Chine en récompense ou la mort en cas d'échec. Un nouveau candidat inconnu se déclare …
Inspiré d'un conte de fées ancien, revu et corrigé par le grand dramaturge vénitien Carlo Gozzi pour en faire une de ses dix comédies fiabesques, le dernier opéra de Puccini, est, bien qu'inachevé, considéré comme le sommet de sa production et un des grands chefs d’œuvre du répertoire, démontrant son extraordinaire capacité à se transformer.
Fidèle aux racines XIXè siècle du compositeur, la musique, organisée en blocs basés sur des motifs, intègre aussi de nombreux éléments modernes (bitonalité, harmonie modale et pentatonique, …) permettant d'obtenir une plus grande expressivité (Liu et son Signore ascolta par exemple). Cette variété de styles musicaux portée par une grande inventivité porte une superbe dramaturgie et des personnages bien campés et tous utiles. On ne peut dès lors que regretter que Puccini n’ait pu achever le dernier acte et créer le duo final prévu …
Cette production opulente et monumentale (photo en bas à droite), excessive pour certains, vaudrait à elle seule le spectacle si l’opéra n’était pas également servi par une très belle distribution (excellentes Stemme et Hartig), un orchestre souplement mené par son chef et des chœurs remarquables.
Une très belle version d'une des grandes œuvres du début du XXè siècle !
Les spectacles sont normalement accessibles en cliquant, le jour indiqué, sur le titre de l’œuvre, à l'heure de votre choix.
Bonne semaine lyrique
Jean-François Bourdeaux
Président du Club Opéra
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