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L'Opéra au salon : les Pères à l'honneur au Met (programme 15-21 Juin 2021)

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13/06/2021

Fête des pères aidant, le Met a choisi cette semaine des captations mettant en illustrant des relations père- fille (Simon Boccanegra, Walkyrie, Rigoletto, Luisa Miller) et père-fils (Traviata, Idomeneo, Don Carlo). Ces grandes œuvres du répertoire sont données  par de superbes chanteurs (Te Kanawa, Scotto, Goerke, Dessay, Domingo, Pavarotti, Alagna, Milnes, …) et dans des mises en scène qui permettent de constater l'évolution des formes de 1979 à 2019 du classicisme historique au dépouillement mécanique.

Mardi 15 Juin
Verdi Simon Boccanegra
Avec Kiri Te Kanawa (Amelia), Plácido Domingo (Gabriele Adorno), Vladimir Chernov (Simon Boccanegra) et Robert Lloyd (Fiesco), sous la direction de James Levine. Création à Venise (La Fenice) en mars 1857. Production de Giancarlo Del Monaco. Représentation du 26 Janvier 1995.

Suite à une cabale fomentée par Paolo, chef plébéien, le corsaire Simon Boccanegra est élu comme premier doge plébéien de Gènes succédant au patricien Fiesco. Celui-ci lui voue une haine tenace pour avoir donné un enfant (Amélia) à sa fille,  et il n'est prêt à envisager une réconciliation qu'en voyant sa petite-fille … 

A partir de cet argument, Verdi a bâti, avec le personnage principal, une de ses plus grandes créations et, grâce à une fine caractérisation musicale de la psychologie et de l'évolution du personnage, un des plus riches (et astreignants) rôles de baryton du répertoire. II crée aussi, avant la référence Iago (Otello), un "méchant" parfaitement caractérisé dans le personnage du traître Paolo … 

Histoires d'amour et de jalousie, de cape et d’épée, de traîtres, d’empoisonnement, de manipulation électorale, d’harangue politique (formidable scène du Conseil à la fin de l'acte I) et de noble sacrifice : tous les ressorts d'une parfaite intrigue politico-personnelle se retrouvent dans ce sommet de la tragédie verdienne. 

Dans un décor où la Gênes du XIVè siècle est minutieusement restituée, et avec une mise en scène dans la veine réaliste habituelle au Met, cette captation bénéficie d’une très belle distribution : la grande Te Kanawa dans un de ses "rôles", un Chernov superbe, notamment dans la scène de la reconnaissance (photo en haut à droite), un Domingo au sommet de sa voix de ténor …

Une très belle occasion de voir ou revoir cette "concrétisation () de science du gouvernement" (Kobbé) et surtout un sommet de l'opéra verdien.

 

Mercredi 16 Juin
Wagner Die Walküre
Avec Christine Goerke Brünnhilde), Eva-Maria Westbroek (Sieglinde), Jamie Barton (Fricka), Stuart Skelton (Siegmund), Greer Grimsley (Wotan) et Günther Groissböck (Hunding), sous la direction de Philippe Jordan. Création à Munich en juin 1870. Production de Robert Lepage. Représentation du 30 Mars 2019.

Un étranger demande l’hospitalité et un verre à la maîtresse des lieux, leurs mains se touchent et leur soif n’est pas totalement éteinte… Ils se révèlent être deux jumeaux séparés dans leur enfance. Leur amour transgressif va susciter de réels conflits  …

La Walkyrie est généralement le plus apprécié des opéras de la tétralogie du Ring. En magnifiant les nuances psychologiques, il est celui dans lequel le spectateur peut le plus facilement reconnaître des éléments qui lui parlent d'autant que Wagner y introduit, au côté du monde des dieux et des demi-dieux de l’Or du Rhin, celui des humains, de leurs amours et de leurs sentiments. Musicalement, on y trouve moult motifs et thèmes qui s'entremêlent pour signifier personnages, situations, pensées ou sentiments.

Christine Goerke est ici une Brünnhilde superbe (photo en bas à droite avec Wotan) tant dans les parties « forte » du célébrissime « Hojotoho » que dans celles où sa compassion apparaît. Elle est très bien entourée dans une plateau de haut niveau et sans réelle faiblesse et soutenue par un orchestre voluptueusement mené par Philippe Jordan. La mise en scène et les décors de Robert Lepage, épurés et utilisant une machinerie élaborée donnant de très beaux plans visuels mais limitant parfois la liberté de mouvement des chanteurs, généreront sans doute des commentaires divergents.

Une belle distribution et direction dans une version simple et visuelle 

 

Jeudi 17 Juin
Verdi La Traviata
 
Avec Natalie Dessay (Violetta), Matthew Polenzani (Alfredo Germont) et Dmitri Hvorostovsky (Giorgio Germont), sous la direction de Fabio Luisi. Création à Venise (La Fenice) en mars 1853. Production de Willy Decker. Représentation du 14 Avril 2012.

Faut-il résumer cet opéra si connu s'inspirant de la vie de Marie du Plessis (la Dame aux camélias d'Alexandre Dumas fils)? 

Au cours d’une brillante réception qu’elle donne, Violetta Valéry, une demi-mondaine très en vue, est confrontée par le jeune et séduisant Alfredo Germont qui l'incite à quitter sa vie parisienne dissolue. Les amoureux s'installent à la campagne où ils vivent grâce aux ventes des biens de Violetta. Giorgio Germont, profitant de l'absence de son fils, vient lui demander de renoncer à Alfredo pour l'honneur de sa fille …  

Peu de personnages sont aussi attachants que Violetta, courtisane sauvée et sacrifiée, femme au grand cœur préférant un véritable et simple amour à une vie d'amusements et de richesses. Profitant d'un texte quasi-parfait, Verdi réalise une des plus belles partitions d'amour, admirablement construite dans ses effets et truffée d'airs devenus à juste titre célèbres : brindisi du premier acte, duos de Violetta avec Alfredo ou avec son père (photo en haut au milieu), Dite alla giovine, Amami Alfredo et Addio del passato, Parigi o cara, …

Avec ses deux partenaires masculins en grande forme vocale, Natalie Dessay joue (et chante) une Violetta déchirante dans un décor très dépouillé. Les duos (Violetta/ Alfredo, Germont fils et père, Germont et Violetta) et le trio final sont de grands moments d’intense émotion. 

Une belle Traviata à ne pas rater

 

Vendredi 18 Juin
Mozart Idomeneo
Avec Elza van den Heever (Elettra), Nadine Sierra (Illia), Alice Coote (Idamante), Matthew Polenzani (Idoménée) et Alan Opie (Arbace), sous la direction de James Levine. Création à Munich en janvier 1781. Production de Jean-Pierre Ponnelle. Représentation du 25 Mars 2017.

De retour en Crète après la guerre de Troie, Idoménée, pris dans une tempête en mer, ne doit son salut qu’au vœu qu’il fait à Neptune de lui sacrifier la première personne qu’il rencontrera sur le rivage. Ce sera son fils Idamante … 

Premier chef d’œuvre incontestable de Mozart « une de ces œuvres que même un génie de tout premier ordre comme Mozart ne réussit qu’une fois dans sa vie » (Alfred Einstein), Idoménée est, malgré la nature statique inhérente à l’opera seria, intensément dramatique, un « chaudron de passion » (Duault) qui contient quelques-unes des plus belles pages du compositeur. 

Sertie dans la célèbre et élégante production de Jean-Pierre Ponnelle, la distribution, dominée par un excellent Polenzani (cf photo en bas à gauche avec Alice Coote-Idamante) et une éblouissante van den Heever et un chef d’orchestre physiquement diminué par la maladie mais suprême dans sa direction font de cette version de ce très bel opéra un plaisir pour les sens …

Une version classique dans son élégance, superbement chantée et accompagnée, d’un chef d’œuvre mozartien !

 

Samedi 19 Juin
Verdi Rigoletto
Avec Christiane Eda-Pierre (Gilda), Isola Jones (Maddalena), Luciano Pavarotti (duc de Mantoue), Louis Quilico (Rigoletto) et Ara Berberian (Sparafucile), sous la direction de James Levine. Création à Venise en mars 1851. Production de John Dexter. Représentation du 15 Décembre 1981.

Complice des escapades amoureuses de son maître, le duc de Mantoue, Rigoletto, son bouffon bossu, s'est attiré la malédiction d'un noble et l'inimitié d'une grande partie de la cour. Son seul trésor est sa fille Gilda, qu'il protège jalousement, … 

Transposition, adaptée pour cause de censure, de la tragédie Le Roi s'amuse de Victor HugoRigoletto est, depuis sa création en 1851, un des opéras les plus populaires du répertoire (souvent assimilé à La donna e mobile) et  qui a attiré les plus grands chanteurs de toutes les époques.  

Le rendu musical des personnages (le bossu), une véritable intrigue, un personnage principal dense (le plus beau rôle de baryton),  des airs mémorables ou superbes (Caro nome de Gilda, Cortiggiani de Rigoletto, duo père -fille du IIème acte, quatuor du dernier acte,...), un parfait équilibre entre éléments lyriques et dramatiques, un extraordinaire sens des proportions, une richesse d'idées bien arrangées font que, au-delà du succès populaire, il est aussi un opéra pour musicien.

Cette diffusion permet de voir et d'entendre la regrettée soprano martiniquaise Christiane Eda-Pierre (décédée en septembre 2020) dont les enregistrements DVD sont si rares, Luciano Pavarotti (suivi d'innombrables applaudissements), Louis Quilico en belle forme vocale et un fougueux jeune James Levine à la baguette. Cette version « historique » dans son décor et ses costumes, et d'une époque où les chanteurs en général ne jouaient ni ne bougeaient beaucoup, vaut pour la beauté pure des voix.

 

Dimanche 20 Juin
Verdi Don Carlo
Avec Marina Poplavskaya (Elisabeth de Valois), Anna Smirnova (Princesse Eboli), Roberto Alagna (Don Carlo), Simon Keenlyside (Rodrigo, marquis de Posa), Ferruccio Furlanetto (Philippe II) et Eric Halfvarson (Grand Inquisiteur), sous la direction de Yannick Nézet-Séguin. Création à Paris en 1867 (vf), version italienne de 1886. Production de Nicholas Hytner. Représentation du 11 Décembre 2010.

Elisabeth de Valois et l’Infant Don Carlo, son fiancé parti à sa rencontre, tombent amoureux mais c’est finalement le roi Philippe II qu’elle doit épouser pour mettre fin à la guerre …  

Œuvre largement de fiction avec des personnages (Don Carlos, Philippe II, Elisabeth de Valois, princesse Eboli) et des situations (mariage d’Elisabeth à Philippe II suite à la paix de Cateau-Cambrésis en 1559) réels mais totalement transformés, le livret de l’opéra s’inspire directement du drame de Friedrich Schiller. Conçu sous le nom de Don Carlos pour l’opéra de Paris selon les normes du grand opéra fixées par Meyerbeer (cinq actes et un ballet), cet opéra a fait l’objet de diverses versions abrégées italiennes (Don Carlo) dont la version dite de Modène que l’on voit ici.

Quoiqu’il en soit, Don Carlo est un opéra magnifique. 

Sur le plan dramatique, les conflits s’enchaînent : Espagne catholique contre Pays-Bas protestants, le libéral Posa contre l’autorité en place (Etat et Eglise), Elisabeth contre Eboli (au sujet de Don Carlos), Philippe contre Carlos au sujet d’Elisabeth et des Pays-Bas, l’Etat contre l’Eglise, et les personnages ont une réelle dimension voire sont psychologiquement complexes (Philippe II) … 

Sur le plan musical, il comprend le plus grand rôle pour basse écrit par Verdi (Philippe II), l’un des plus grands rôles de mezzo du répertoire (Eboli), un superbe rôle de baryton (Rodrigo) et des airs de toute beauté (sublime aria pour basse « Ella giammai m’amo » (elle ne m’aime pas), extraordinaire duo des basses entre le roi et le Grand Inquisiteur, chant du Voile d’Eboli, duos de Carlos et d’Elisabeth et de Philippe et Rodrigo, …).

La mise en scène, très classique et fluide, associe avec une grande efficacité costumes de la période et décors minimalistes modernes dans une série d’images puissantes (monastère de Yuste, autodafé, …). La distribution, excellente, est portée par un Furlanetto magistral, un Alagna en très grande forme, tout particulièrement lorsqu’il est soutenu par le remarquable acteur chanteur qu’est Keenlyside, une Poplavskaya royale … tandis que le jeune et enthousiaste Nézet-Séguin met l’orchestre sous tension le faisant évoluer rapidement et naturellement d’effusions lyriques en instants dramatiques effrayants.

Un très grand opéra remarquablement servi pour une belle et longue soirée

 

Lundi 21 Juin
Verdi Luisa Miller
Avec Renata Scotto (Luisa), Plácido Domingo (Rodolfo), Sherrill Milnes (Miller père), Bonaldo Giaiotti (comte Walter) et James Morris (Wurm), sous la direction de James Levine. Création à Naples en 1849. Production de Nathaniel Merrill. Représentation du 20 Janvier 1979.

Luisa, la fille d'un vieux soldat, aime et est aimée de Rodolfo dont elle ignore qu'il est le fils du comte Walter. Elle est également aimée par Wurm, favori du comte qui, lui, ambitionne de marier son fils à une duchesse pour asseoir son statut social. Ils sont prêts l’un et l’autre à toutes les manœuvres pour parvenir à leurs fins … 

Créé en 1849, d'après la pièce Intrigue et Amour de Friedrich Schillerce "mélodrame tragique" de Verdi, son 15ème opéra, marque un point de transition entre les opéras épiques du début et ceux plus intimes de la fin de sa carrière. 

Introduit par la plus belle ouverture verdienne de par sa musicalité et son économie de moyens, cet opéra, encore influencé par le bel canto rossinien mais dont la dramaturgie s'approfondit (3ème acte), est un opéra de chanteurs qui requiert de superbes voix et une belle évolution pour le rôle principal (de l'ingénue à la douleur de l'âge adulte).

Cette représentation ancienne (1979), très datée dans sa mise en scène et ses costumes, offre en contrepartie une distribution extraordinaire qui emporte l’enthousiasme dès les premiers airs de Miller / Milnes et se poursuit avec ceux des autres grandes stars de cette constellation de grande classe dont une merveilleuse Scotto (photo en haut à gauche avec Milnes) et un superbe Domingo en Rodolfo aux cheveux blonds sans oublier les autres protagonistes (Giaiotti et Morris deux des plus grandes basses du dernier tiers du XXè siècle !) pour se terminer sur un trio final de rêve … 

La piste aux étoiles pour un classique !

 

 

Les spectacles sont normalement accessibles en cliquant, le jour indiqué, sur le titre de l’œuvre, à l'heure de votre choix.

Bonne semaine lyrique

Jean-François Bourdeaux
Président du Club Opéra


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