Cornelia Woll, directrice des études et de la scolarité à Sciences Po, détaille les nouveautés entrées en vigueur à la rentrée 2017, qui sont l’aboutissement de la stratégie pédagogique portée par la direction de l’école depuis plusieurs années.
De nombreux changements sont entrés en vigueur à la rentrée 2017. Quelle était la volonté, la stratégie derrière ces évolutions de l’offre pédagogique de Sciences Po ?
Lorsque Frédéric Mion est devenu directeur, l’orientation stratégique a été d’organiser de manière plus lisible l’offre de formation de Sciences Po. Nous avons voulu clarifier le projet pédagogique, mais aussi y apporter des éléments nouveaux, en renforçant notamment les humanités, qui sont un de nos points forts. D’un côté, nous avons réalisé une refonte du premier cycle, notre collège universitaire sur sept campus ; de l’autre, nous avons parachevé la structuration du deuxième cycle en écoles et réformé la procédure d’admission en masters.
En quoi consiste la réforme du premier cycle ?
L’enjeu pour le Collège universitaire était de restructurer la formation du premier cycle pour clarifier « le parcours Sciences Po » et que l’ensemble des années d’études soit construites dans une logique académique de sciences sociales.
La première année est consacrée à l’apprentissage des enseignements fondamentaux – droit, économie, histoire, science politique, sociologie –, avec un renforcement des humanités (création d’une conférence de lecture). En deuxième année, nous avons mis en place des majeures pluridisciplinaires : « Économie et sociétés », « Politique et gouvernement » et « Humanités politiques ». Chaque étudiant devra en choisir une. Cette formation commune à l’ensemble des campus pourra être assortie d’une spécialité géographique, qui, elle, variera en fonction des zones géographiques couvertes par le campus.
Autre innovation introduite cette année : la troisième année à l’étranger devra désormais s’articuler davantage avec le parcours pédagogique de Sciences Po. La majeure choisie en deuxième année devra être poursuivie lors de la troisième année, dans l’une des 470 universités partenaires. Un système d’accompagnement pédagogique est également mis en place, avec des référents de troisième année. Nous voulons ainsi renforcer la cohérence de notre parcours pédagogique afin de finaliser une démarche entamée de longue date pour rendre le Collège universitaire davantage autonome et obtenir la reconnaissance du grade de licence au niveau national.
Vous évoquiez un renforcement des humanités, comment se concrétise-t-il ?
Les humanités ont toujours été présentes à Sciences Po, avec des ateliers artistiques au Collège universitaire, des cours dédiés dans l’ensemble des parcours et des professeurs permanents reconnus en pensée politique ou philosophie. Mais nous avons voulu aller plus loin avec la création d’une conférence de lecture en première année et de la majeure « Humanités politiques », en deuxième année. Nous avons aussi recruté de nouveaux professeurs, comme par exemple les philosophes Frédéric Gros et Julie Saada, qui enseignent les humanités politiques cette année.
Enfin, un parcours civique a été mis en place, pour amener les étudiants à un engagement plus fort. Ils devront porter un projet personnel tout au long de leurs trois années d’études en premier cycle, qui sera récompensé par des crédits. Ce parcours civique découle d’une conviction qui a toujours existé à Sciences Po, à laquelle nous avons souhaité donné un cadre de reconnaissance plus visible dans la scolarité du premier cycle, mais aussi d’une volonté nationale de faire de l’engagement étudiant une partie entière de l’expérience étudiante.
Et quelles sont les nouveautés au niveau master ?
Un premier changement est la réforme des admissions pour des étudiants avec un cursus antérieur en France, afin de permettre une plus grande diversité de recrutement. L’épreuve écrite est supprimée et remplacée par une évaluation de dossier. Deux personnes différentes étudieront chaque dossier avant de prononcer l’admissibilité du candidat, qui sera ensuite convoqué à un entretien. Le premier objectif est d’éviter des phénomènes d’autocensure, notamment de la part de profils plus techniques et moins littéraires, tels que des ingénieurs, qui se sentent peut-être moins à l’aise pour passer un examen écrit. L’excellence académique du dossier sera bien évidemment étudiée de près et on s’assurera que toutes les capacités attendues à Sciences Po – expression écrite et orale – sont bien présentes. Le second objectif est d’apporter plus de cohérence entre la voie d’admission internationale et la voie d’admission nationale, au niveau master. La procédure internationale passe déjà par une double évaluation de dossier, mais sans entretien.
À la rentrée, nous avons également accueilli la première promotion d’étudiants intégrant l’École du management et de l’innovation. Sa création en 2016 est l’aboutissement d’un processus de structuration du deuxième cycle en écoles. Au début, ce système avait été utilisé pour des domaines spécifiques : le journalisme ou la communication, puis, avait commencé à se généraliser pour éviter une multiplication des masters qui deviendrait illisible. Frédéric Mion a souhaité étendre ce principe d’organisation sous forme d’écoles, qui ont chacune une marque, un projet d’insertion professionnelle et de formation.
Maintenant que la structuration de l’offre est achevée, nous devons faire en sorte qu’elle fonctionne et qu’elle soit attractive. L’idée est qu’en ayant davantage de cohérence pédagogique, on puisse se rendre plus visible au niveau national et international.
Quels sont les défis qui attendent cette toute nouvelle École du management et de l’innovation ?
Les métiers de l’entreprise sont l’une des grandes traditions de Sciences Po ; les sections économiques et financières sont présentes depuis l’origine de l’établissement, elles ont été suivies par de nombreux étudiants. Il faut savoir qu’aujourd’hui, 71 % de nos étudiants se dirigent vers le secteur privé une fois diplômés. Pourtant, bien que nous ayons cette tradition de formation pour les métiers du secteur privé, Sciences Po conserve l’image d’une école qui forme principalement pour la fonction publique.
Le défi de l’École du management et de l’innovation est donc d’incarner nos forces dans les formations qui concernent les métiers de l’entreprise et d’apporter une réponse innovante aux défis et enjeux de ce secteur. Évidemment, nous ne sommes pas une école de commerce classique. Notre positionnement est donc différent, notre particularité est de s’intéresser au bien commun dans l’ensemble des formations, ce qui est d’ailleurs l’ADN de Sciences Po. L’École du management et de l’innovation forme ainsi à une compréhension de la complexité et à la créativité pour repenser le rôle de l’entreprise dans la société.
Un autre grand projet est porté par Sciences Po : Campus 2022 et la réorganisation du campus de Paris autour du bâtiment de l’hôtel de l’Artillerie. Est-ce que cela aura des conséquences sur la répartition des étudiants entre Paris et les régions ?
L’acquisition de l’hôtel de l’Artillerie est une formidable occasion de repenser notre implantation au cœur de Paris, mais la répartition des étudiants du Collège universitaire entre Paris et les campus en région n’est pas liée au projet Campus 2022. La stratégie, débutée à l’époque où Richard Descoings était directeur, a été de déplacer progressivement une partie des étudiants du premier cycle vers les régions. Cette année, 65 % des étudiants admis en Collège universitaire se trouvent sur les campus de région. Reims est celui qui accueille le plus grand nombre d’élèves. En 2019, il en accueillera 1 600. Les campus de région sont un cadre privilégié pour les étudiants ; ils permettent une plus grande proximité entre l’école et le logement, un encadrement universitaire plus individualisé, une expérience étudiante plus riche, des activités culturelles et sportives, etc.
Pour accompagner ce renforcement des effectifs en région, il était nécessaire de clarifier et de structurer le projet pédagogique du premier cycle. Certains avaient tendance à penser que la « vraie » formation Sciences Po se faisait à Paris et que les campus de région avaient des programmes différents, tournés uniquement vers les zones géographiques qui leur sont propres. Or, ce n’est pas le cas. Le nouveau contrat pédagogique du collège universitaire l’affirme très clairement, la formation est la même pour tous.
Enfin, l’ensemble des formations de niveau master resteront à Paris. Le projet de Campus 2022 nous permet de rapprocher nos écoles, nos centres de recherche, notre documentation et nos services sur un site intégré, qui va être réaménagé autour de l’hôtel de l’Artillerie et des bâtiments historiques de Sciences Po.
Photos : Christophe Meireis et la rédaction d'Émile
Propos recueillis par Maïna Marjany
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