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Note de présentation - Werther

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20/03/2025

Werther

Nous nous retrouvons samedi 22 mars au Théâtre des Champs Elysées à 19h30 pour écouter/voir un des incontestables chefs d’œuvre du répertoire lyrique et du maître de la IIIè République, Jules Massenet, le compositeur aux vingt-six opéras qui a dominé la création lyrique française de son temps. 


Le compositeur (1842-1912)

Né le 12 mai 1842 à Saint Etienne, Jules Massenet est le douzième et dernier enfant d’une famille de la bonne bourgeoisie, d’un père polytechnicien, et de sa seconde épouse et mère des quatre derniers enfants, pianiste. Dans sa famille, les hommes sont ingénieurs ou militaires (un de ses frères deviendra général et sera père d’un autre général et d’un amiral) et les femmes cultivent les arts.  En 1848, mère et enfants s’installent à Paris, en 1853 Jules est admis au conservatoire mais la santé de son père oblige la famille à s’installer à Chambéry un an après. Jules, désespéré, fugue pour retourner à Paris, est découvert mais obtient l’autorisation de réintégrer le conservatoire parisien, en logeant chez sa sœur Julie, femme du peintre Cavaillé et elle-même portraitiste, et dont il restera très proche. 

Pianiste prodige, il joue dans les cafés et exerce, comme timbalier, au Théâtre-Lyrique. Il y participe à la création du Faust de Gounod, qui le marquera, et y reçoit les félicitations de Berlioz. Très actif, il accompagne aussi un des grands ténors de son temps, obtient le premier prix de piano en 1859, découvre et s’enthousiasme pour Wagner qui le prendra comme timbalier pour les trois concerts qui permettront à Paris, en 1860, de découvrir le wagnérisme. Aimant également Gounod et les compositeurs français, Massenet suit les cours de composition d’Ambroise Thomas, le compositeur de Mignon et d’Hamlet, dont il sera proche, et obtient en 1863 le Prix de Rome. A la Villa Médicis, Franz Liszt lui présente une potentielle élève, Louise Constance « Ninon » de Gressy, qu’il épouse en 1866.

De retour à Paris, il fait des débuts prometteurs sur la scène et, avec Le Roi de Lahore (1877), se trouve propulsé, à 35 ans, à la tête de la jeune école française. L’année suivante, il est nommé professeur de composition au conservatoire avant d’être élu plus jeune académicien (Beaux-Arts) au nez et à la barbe de son aîné Saint-Saens ! Il enchaîne ensuite les succès lyriques en France et à l’étranger, le consacrant comme le plus grand compositeur d’opéras français de son temps avec un quasi-monopole sur les théâtres lyriques, agaçant plus d’un compositeur. Après une période de doutes au début des années 1890, il revient au théâtre, avec une série de six opéras à Monaco, qu’il arrive à finir, avec trois autres, bien que très affaibli par le cancer qui l’emporte dans une clinique rue de la Chaise (!), le 13 août 1912.

Comblé d’honneurs, il est adulé par les uns et honni par les autres : « Il est difficile de parler de M. Massenet sans passion. De tous les musiciens d’aujourd’hui, il est celui qui aura connu les plus hyperboliques louanges et les plus acerbes dénigrements » (Octave Séré). Pudique et mondain, superstitieux, à la fois fragile et doté d’un fort tempérament, il inspire des personnages romanesques à Maupassant, Feydeau ou Proust. Fin pédagogue, beaucoup de ses élèves remportent le prix de Rome, il exerce une influence considérable sur de nombreux musiciens, de Gustave Charpentier, Claude Debussy, Reynaldo Hahn, Tchaïkovski, Cilea, Mascagni, jusqu’à Giacomo Puccini, qui l’« admire et estime plus que tous les autres compositeurs d’opéras vivants » ou Francis Poulenc. 

Alors que Wagner domine la vie dramatique et musicale, et que l’influence de l’école italienne, et notamment de Verdi, l’autre grande personnalité de l’art lyrique qu’il admire, continue à se faire sentir, Massenet, constamment à la recherche de la vérité, se crée rapidement un style propre, celui de la voie française du juste milieu et d’un art musical cultivant « la clarté et la précision, ses deux principales qualités » (Mes Souvenirs). « Les maîtres italiens (…) sacrifient trop aux voix sans se préoccuper (…) de l’atmosphère dramatique », Wagner pour lui c’est le contraire. « L’idéal serait dans la fusion harmonique des deux systèmes, dans leur juste pondération. Et c’est là l’idéal que je recherche ». En cela Massenet reste dans l’esprit de Victor Cousin et de sa philosophie, l’éclectisme, le propre de la France, terre de synthèses.  

Sa conception musicale évolue ainsi en fonction du livret et d’un sens aigu de la scène : style wagnérien pour Esclamonde, langage du XVIIIè pour Manon, médiéval pour Le Jongleur de Notre-Dame par exemple, voire, si le livret ou la situation le justifient, juxtaposition de styles a priori opposés à l’intérieur d’une même œuvre.  Respectueux de la tradition, Massenet n’hésite pas à citer les maîtres de l’histoire de la musique (Beethoven, Halévy, Gluck, Méhul, …) et, en compositeur curieux, à s’intéresser à tous les genres lyriques, qu’il veut renouveler, et tout particulièrement deux, éminemment français, l’opéra-comique et le grand opéra. Doté d’une plume féconde et travailleur acharné, tout est matière pour lui à création pour satisfaire le public cultivé auquel il veut plaire : Antiquité (Hérodiade, Thaïs, Ariane, …), Espagne (Don Cesar de Bazan, Le Cid, La Navarraise, Don Quichotte, …), Merveilleux (Le Roi de Lahore, Le Mage, Esclarmonde, Cendrillon, …) ou encore le XVIIIè siècle (Manon, Werther, Cendrillon, …). 

Enfin, dans un XIXè siècle misogyne, ce musicien de la séduction apporte une autre vision de la femme, associant féminité et détermination, dans un corpus opératique où les personnages féminins dominent, lui valant la réputation, excessive car limitative, de « Peintre de l’éternel féminin ».


La genèse de l’œuvre 


Premier roman, sous forme de lettres, en grande partie autobiographique et cathartique, de Johann Wolfgang von Goethe, Les souffrances du jeune Werther, a assuré sa notoriété dans toute l’Allemagne puis en Europe par son style, par la mise en scène du suicide d’un héros dont les actions sont déterminées par les sentiments et par l’invocation panthéiste de la nature. Il constitue, dans sa première version (1774), une des œuvres majeures du romantisme allemand (Sturm und Drang) et exercera une influence considérable sur la jeunesse (fièvre de Werther) et sur la littérature y compris française (madame de Staël, Benjamin Constant, Lamartine, Musset, Sand, Sainte-Beuve …). Sa version révisée (1787) s’inscrit davantage dans la veine du classicisme de Weimar.  

Pour Massenet, le projet de Werther remonte à 1879 lorsqu’à Milan son éditeur, Georges Hartmann, lui propose une autre œuvre de Goethe (Hermann et Dorothée) mais à qui son librettiste Paul Milliet préfère Werther. En septembre 1880, ayant terminé l’orchestration d’Hérodiade, il indique à son correspondant qu’il voudrait écrire Werther « un ouvrage tout spécial destiné à me satisfaire d’abord ».

Paul Milliet consacrera quatre années de travail à transposer en livret un roman, base de travail plus difficile qu’une pièce de théâtre. Las des « coupures et annexes arbitraires » de Hartmann, il finit par jeter l’éponge, remplacé par Edouard Blau, librettiste du Cid. Le livret est prêt pour la musique au printemps 1885. 

Massenet commence à esquisser la partition à l’été à Etretat. L’inspiration ne venant pas, son éditeur lui fait faire en août 1886 un passage à Wetzlar pour visiter la maison où Goethe avait conçu son roman, stratagème qui avait fonctionné à merveille pour Manon. De mars à juillet 1887, Massenet travaille sur l’orchestration mais reste en quête de théâtre…

Le livret diffère sur presque tout du roman, écrit à la première personne sous forme de lettres dont certaines, très brèves, sont comme des fulgurances du cœur. 

Surdoué, le héros du roman, en recherche perpétuelle de perfection et de parfaite harmonie, rêve trop, oublie de vivre et, allant d’échecs en désagréments, finit dégoûté par l’action et par la vie. Dans le livret, cette richesse de sentiments ne se retrouve plus, le personnage étant nécessairement simplifié. 

De même, les événements sont comprimés (coup de foudre plutôt que sentiments mûrissant sur la durée) voire inventés (scène du clair de lune au retour du bal). « L’espace de temps qui sépare le 1er et le 2ème actes de l’opéra correspond dans le roman aux deux-tiers de sa longueur » (Jean-Michel Brèque). Le suicide est préparé longtemps en avance dans le roman, l’inadaptation au monde et les motivations affectives conduisent progressivement à l’insatisfaction après que les issues de la folie ou de la violence meurtrière aient été explorées et rejetées. Les motivations sont plus banales dans le livret.  

L’héroïne n’a de réalité dans le roman que le regard de Werther, d’où un certain mystère. On peut néanmoins deviner de sa part plus une tendre amitié qu’un amour menant à une banale vie commune. Dans le livret au contraire, Charlotte avoue son amour dès la scène du clair de lune. Elle fait aussi de la « recommandation » d’Albert par sa mère un « serment », nouant le drame et la conduisant ainsi au double échec de son amour et de son mariage. Dans le roman, Werther meurt seul, ici, l’œuvre s’achève par un duo final. Ainsi au rebours de la plupart des opéras qui voit la mort du rôle-titre, c’est ici un personnage masculin qui meurt… Sophie est une création des librettistes.

Enfin, Albert est dans le roman un adulte actif, équilibré et bon qui ne comprend pas les motivations morbides de Werther et le rôle des pistolets. Dans l’opéra, c’est un frère virant au mari jaloux qui, sadiquement, ordonne à sa femme de remettre à l’homme qu’elle aime les instruments de sa mort, ce qui de fait la dégage de son devoir et l’amène à se précipiter à son chevet... 

Musicalement, Werther est une œuvre fortement structurée, chaque scène reposant sur des « motifs » qui s’attache aux sentiments ou au personnage dominant, présent ou absent, et présenté en accord avec la situation. Chaque épisode se concentre autour d’un thème dans lequel l’orchestre, très présent, apporte cohérence particulière et générale. Le souci, classique dans l’opéra français, de s’approcher de la diction du comédien amène Massenet à « assortir la ligne vocale d’indications de nuance, de phrasé, d’accent, inconnues avant lui » (Gérard Condé). Le style des parties chantées ne vise pas au brillant mais plutôt à favoriser le dialogue et le jeu scénique.

L’orchestre (deux flûtes, deux clarinettes, deux hautbois, un saxophone alto, deux bassons, quatre cors chromatiques, trois trombones, un tuba, une harpe, …), joué d’une manière chambriste, avec le cor anglais, instrument classique de la mélancolie, bien présent, est conçu pour des salles de dimensions modestes permettant ainsi d’être produit hors des capitales. De même et pour éviter de voir ses intentions trahies, Massenet s’est gardé d’apporter de la difficulté aux voix ou aux instruments et en l’espèce a conçu, fait rare, un opéra sans réel chœur (sauf les six enfants aux extrémités de l’œuvre).

Même s’il travaille rapidement et sûrement, chez Massenet, l’« instrumentation est toujours au service de la pensée musicale, elle répond à ce souci d’évidence, de clarté et d’efficacité qui est l’un des traits distinctifs de son style » (Gérard Condé). On ne peut être qu’« être frappé par la justesse de tel ou tel détail, par l’économie des moyens, par la netteté de l’ordonnancement, en un mot par la Maîtrise mise au service de l’expression » (Gérard Condé).

Si le livret n’est pas le reflet exact du roman, « le sentimentalisme du musicien donne une sorte d’équivalent du romantisme goethéen » (René Dumesnil). 


La création et le devenir


Considérant le sujet trop triste, le directeur de l’Opéra-Comique, Léon Carvalho, qui attendait une autre Manon, refusa de monter ce sujet « sans intérêt » et « condamné d’avance ». Le lendemain, 25 mai 1887, la salle Favart était anéantie par un incendie meurtrier…

Manon ayant triomphé à Vienne en novembre 1890, c’est à la Hofoper que sera créée, en version allemande, le 16 février 1892, cinq ans après son achèvement ce drame lyrique en quatre actes et cinq tableaux. L’Opéra-Comique (dans la salle du Châtelet) crée la version originale française onze mois plus tard le 16 janvier 1893. Le succès critique ne se trouvera cependant auprès du public français que dix ans plus tard, à partir d’avril 1903, salle Favart où, en 35 ans, le drame atteindra sa 1000è représentation. Les scènes étrangères seront plus promptes à reconnaître l’œuvre (Genève, Bruxelles en 1892, Chicago, New York, Saint-Pétersbourg, Londres et Milan en 1894). 

Les plus grands ténors et mezzo ont incarné les deux rôles principaux et l’œuvre est toujours un des incontournables du répertoire lyrique. Pour contenter le grand baryton Mattia Battistini, Massenet produisit également une version pour cette tessiture, elle n’a pas connu une grande diffusion.

 

L’Argument 


La description qui suit correspond aux didascalies de Massenet et ne prend pas en compte les choix du metteur en scène.

L’action se passe à Walheim près de Francfort et à Wetzlar « de juillet à décembre 178. ».

Les personnages sont présentés au 1er acte, le 2ème affirme le drame, le 3ème cristallise les caractères avant le dénouement tragique du 4ème et dernier acte. L’opéra progresse avec les saisons.


Acte I La Maison du Bailli en juillet

Le Bailli s’efforce de calmer ses six enfants, à qui il fait répéter un cantique pour Noël, et qui s’amusent bruyamment sur la terrasse (Assez, assez). Ses amis Johann et Schmidt viennent le saluer, et Sophie, sa fille cadette, se joint à eux. Charlotte, sa sœur aînée, qui s’occupe avec elle des enfants, leur mère étant décédée, se prépare pour le bal que l’on donne à Wetzlar le soir même. Ils évoquent un des invités qui se distingue par ses bonnes manières et sa mélancolie, Werther, favori du prince et le retour d’Albert qui serait, selon les amis, un mari modèle pour Charlotte. 

Tout le monde à peine parti, arrive Werther, rêveur devant la grâce du lieu et de la nature (Je ne sais si je veille (…) Ô, nature). Il est venu chercher Charlotte pour l’accompagner au bal et la découvre distribuant maternellement du pain aux enfants. 

Après le départ du couple, puis celui de son père qu’elle pousse à aller retrouver ses amis à la taverne, Sophie reste seule pour s’occuper des enfants. Arrive alors Albert, à qui la mère de Charlotte avait promis, sur son lit de mort, la main de sa fille. Inquiet de savoir s’il n’a pas été oublié après ses six mois d’absence, il est rassuré par Sophie qui évoque son prochain mariage (Albert Elle m’aime) avant qu’il ne s’éloigne. 

Charlotte et Werther reviennent du bal au clair de lune, le jeune homme, enflammé, avoue son amour à cet « ange du devoir » (Werther Rêve! Extase ! ). Le Bailli annonce alors à Charlotte le retour d’Albert. Défaillant, elle explique à Werther le serment demandé par sa mère. Bouleversé, il lui demande d’honorer son serment, devrait-il en mourir.


Acte II Les Tilleuls à Waldheim en septembre

Ce dimanche, c’est jour des noces d’or du pasteur. Schmidt et Johann, attablés, sacrifient déjà à Bacchus (Vivat Bacchus), et imaginent la même longévité pour Charlotte et Albert qui s’installent sur un banc. Trois mois après leur mariage, Albert est clairement heureux, Charlotte élude sa question, insistant sur les qualités de son mari.  Werther les aperçoit entrant au temple avec douleur (Un autre est son époux). 

Le voyant à la sortie du temple, Albert, magnanime, tente de réconforter Werther tandis que Sophie, toute joyeuse, cherche à l’égayer. Albert la regardant partir parle à Werther du bonheur qui passe « en nos chemins, un sourire à la lèvre et des fleurs à la main ».

Charlotte approche, Werther lui rappelle leur passé, elle lui répond qu’elle est désormais mariée « Albert m’aime et je suis sa femme », et le prie donc fermement de s’éloigner, acceptant finalement qu’il revienne à Noël.  Accablé, Werther, implorant le pardon de Dieu, évoque le repos de la mort. (« Oui, ce qu’elle m’ordonne »).

 Sophie accourt gaiement le conviant à rejoindre les autres chez le pasteur. Werther lui annonce alors brusquement son départ à jamais et s’enfuit. Sophie, suffoquée, est en larmes. Le cortège s’approche, Charlotte s’enquiert du chagrin de sa sœur. Elle lui annonce que Werther est parti « pour toujours ». Charlotte, frappée, répète ces mots. Albert, sombre, conclue : « il l’aime ». 


Acte III La maison d’Albert le 24 décembre 

Il est cinq heures du soir. Seule et triste, Charlotte relit les lettres que Werther lui a écrites et qu’elle n’arrive pas à détruire (Werther, Werther !). La dernière, qui évoque le suicide, l’effraie particulièrement. 

Sophie entre alors pleine de jouets ; Charlotte s’efforce de cacher les lettres. Sophie lui reproche, alors qu’Albert est absent, de s’isoler et de négliger sa famille. Elle s’aperçoit que sa grande sœur souffre. Evoquant la fuite de Werther, qui a laissé « sans nouvelles tous ceux qui lui sont restés fidèles », Sophie fond en larmes et Charlotte perd sa contenance (Va, laisse-les couler !). Effrayée, Sophie lui fait promettre de venir fêter Noël en famille et la laisse seule.

Désespérée, Charlotte demande à Dieu de soutenir sa faiblesse ; une porte s’ouvre, c’est Werther, pâle presque défaillant qui paraît. Il avait fait le vœu de ne plus revenir mais n’a pu résister à le faire le jour qu’elle avait fixé … à Noël. Cherchant à paraître indifférente, Charlotte lui reproche doucement son souhait de ne plus revenir, chacun l’attendait ici et la maison n’a pas changé… « Ici rien n’a changé … que les cœurs » lui répond-il, regardant, en se remémorant leur bonheur passé, le clavecin, les livres et … la boîte de pistolets qui le fascinait déjà."

Charlotte lui tendant le manuscrit d’une traduction d’Ossian qu’il avait commencée, il la lit avec tristesse (Werther Pourquoi me réveiller, ô souffle du printemps). Le deuil et le désespoir qu’il évoque achève de bouleverser Charlotte. Werther s’en aperçoit et, exalté, lui répète, en se jetant à ses pieds, « tu m’aimes, tu m’aimes … ». Tentant d’abord de repousser cet amour en en appelant au Seigneur, Charlotte finit par tomber dans ses bras, jusqu’à ce qu’affolée, elle se ressaisisse et s’enfuie dans sa chambre après avoir lancé « C’est vous, vous que je fuis, l’âme désespérée ! ». Pour Werther, elle a dicté son arrêt, « ma tombe peut s’ouvrir » dit-il avant de s’enfuir après une dernière invocation à la nature.

Albert revient, préoccupé et sombre, ayant appris le retour de Werther. Il s’étonne que personne ne vienne à sa rencontre alors que la porte est ouverte, appelle sa femme et, terrifiée à sa vue, l’interroge sur son trouble. Un domestique apporte une lettre de Werther qu’Albert lit gravement et à haute voix sans perdre sa femme de vue « Je pars pour un lointain voyage. Voulez-vous me prêter vos pistolets ?»

Devant la réaction de Charlotte se sentant défaillir (Il part !), Albert continue « Dieu vous garde tous les deux » avant de lui demander froidement de donner elle-même les pistolets. Fascinée par le regard de son mari parti vers sa chambre, elle s’exécute et remet la boîte au domestique. Albert froisse la lettre et la jette avec colère. Une fois seule, Charlotte se saisit d’une mante et, désespérée, se précipite au dehors : Dieu ! tu ne voudras pas que j’arrive trop tard !


Acte IV 

1er tableau : La Nuit de Noël-tableau symphonique

2ème tableau : Le cabinet de travail de Werther


Par la fenêtre ouverte sur un clair de lune ‘hiver, on aperçoit la maison du Bailli. Seul au premier plan, Werther est étendu, mortellement blessé.

Charlotte entre brusquement, se jette sur Werther avant de reculer à la vue du sang. Werther se réveille dans ses bras lui demandant de le pardonner. C’est elle qui se sent coupable (c’est moi qui te frappe). Il la bénit « pour cette mort qui te garde innocente et m’épargne un remords ». Elle veut appeler au secours mais Werther l’arrête « je n’ai besoin d’autre aide que la tienne ! Et puis, il ne faut pas qu’on vienne nous séparer encore ici ».  Charlotte lui avoue alors non seulement son amour mais qu’elle l’aime depuis le jour où « tu parus à mes yeux » et l’embrasse éperdument, oubliant tout.

Dehors les enfants chantent le cantique de Noël, « chant de la délivrance, hymne de pardon » pour Werther. Sophie et les enfants expriment leur joie (Dieu permet d’être heureux !) que reprend Werther avant de retomber, épuisé, et de dicter ses dernières volontés à Charlotte. Suicidé, il sait qu’il ne pourra être enterré au cimetière (Là-bas au fond du cimetière) mais espère qu’« à la dérobée quelque femme viendra visiter le banni (…) et le mort, le pauvre mort, se sentira béni !). Il meurt. 

Charlotte tombe évanouie à ses pieds (Ah ! Tout est fini !), les enfants reprennent le chant de Noël.


Les personnages et leurs voix

•    Charlotte : 20 ans, fille du Bailli, « mère » pour les enfants, promise par sa mère à Albert qu’elle épouse ; aimée par Werther dont elle finit par reconnaître qu’elle l’aime- mezzo-soprano

•    Werther : poète de 23 ans, héros romantique qui communie avec la nature et est moins à l’aise avec les humains- ténor

•    Albert : jeune homme de 25 ans, promis à Charlotte qu’il épouse - baryton

•    Sophie : adolescente de quinze ans, sœur de Charlotte, amoureuse de Werther- soprano

•    Le Bailli : veuf et père de Charlotte et Sophie - baryton

•    Schmidt : ami du Bailli – ténor et Johann : ami du Bailli – baryton


Discographie

•    Elie Cohen (dir) : Georges Thill (Werther), Ninon Vallin (Charlotte), Marcel Roque (Albert), Germaine Féraldy (Sophie) – Orchestre Opéra de Paris 1931 EMI remastérisé et également Naxos (Great Opera recordings): enregistrement « historique », un disque de légende.

•    Michel Plasson (dir) : Alfredo Kraus (Werther), Tatiana Troyanos (Charlotte), Matteo Maneguerra (Albert), Christine Barbaux (Sophie) – London Philharmonic Orchestra EMI 1979 : une des versions classiques de référence, le rôle « signature » de Kraus, remarquable Troyanos

•    Antonio Pappano (dir) : Roberto Alagna (Werther), Angela Gheorghiu (Charlotte), Thomas Hampson (Albert), Patricia Petibon (Sophie) – London Symphonic Orchestra 1999 EMI une belle version moderne avec un superbe Alagna et une remarquable direction.

•    György Vashegyi (dir) : Tassis Christoyannis (Werther), Véronique Gens (Charlotte), Thomas Dolié (Albert), Hélène Carpentier (Sophie) – Orchestre philharmonique de Hongrie 2023 Bru Zane : sans doute la meilleure des versions pour baryton, belles distribution et direction.

Vidéographie

•    Michel Plasson (dir), Benoît Jacquot (mes): Jonas Kaufmann (Werther), Sophie Koch (Charlotte), Ludovic Tézier (Albert), Anne-Catherine Gillet (Sophie) – Opéra Bastille Decca 2010 DVD : superbe version de la production parisienne.


Bibliographie

•    Jean-Christophe Branger : Jules Massenet, une vie au service du théâtre Fayard 2024 : une somme par le meilleur spécialiste actuel de l’œuvre

•    Jules Massenet : Mes Souvenirs et autres écrits Vrin 2017 : enjolivé comme mais intéressant

•    Avant-scène Opéra N° 61 : Werther, 1994 : livret et commentaire (Gérard Condé), diverses analyses (JM Brèque notamment).

•    Johann Wolfgang von Goethe : Les souffrances du jeune Werther Aubier Montaigne (bilingue)


Jean-François Bourdeaux

Club Opéra Sciences Po Alumni

    

 Crédit photo : Vincent Pontet


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