Retour aux actualités
Article suivant
Article précédent

Compte-rendu de la dégustation du 5 avril 2019 - Quel avenir pour le champagne ?

-

Sciences Po Millésimes

Entités

-

05/04/2019

Compte-rendu de la dégustation “Quel avenir pour le champagne ?”

Caves Legrand (salon Lucien Legrand)
Galerie Vivienne - 75002 Paris
Vendredi 5 avril 2019 à 20h00
 

 

Pour la première fois depuis la visite que nous avait rendue, il y a quelques années, Olivier Horiot, Sciences-Po Millésimes avait choisi en ce début de printemps de mettre à l’honneur l’appellation la plus associée, traditionnellement, aux célébrations : le Champagne.

 

Il ne s’agissait pas cependant d’une dégustation classique. Pour revenir à cette grande région viticole, notre camarade Martin Cubertafond (95), maître de conférences à Sciences-Po et auteur du récent Stratégie et Marketing du Champagne (éditions Eyrolles), avait accepté d’animer deux heures d’échanges sur les grands équilibres qui l’ont caractérisée ces dernières décennies, et sur les mutations en cours. Avec, au soutien, une sélection illustrative de huit bulles.

 

Le modèle champenois repose largement, on le sait, sur le travail des « maisons », dont les chefs de cave assemblent des vins issus pour partie de leurs vignes et pour partie du négoce, afin de proposer des bouteilles constamment fidèles à un style qui les caractérise.

 

Parmi ces maisons, Bollinger se distingue par son travail de vigneron : vins issus principalement de parcelles détenues et travaillées en propre - essentiellement sur des premiers et grands crus – élevage volontairement prolongé et nombreuses manipulations… Le Special Cuvée, qui nous accueille, est le témoin de cette exigence portée dès l’entrée dans la collection proposée par la maison. Avec une présence majoritaire du pinot noir, élevé en partie sous bois, il propose derrière une bulle très fine une structure aromatique complexe, douce, vineuse : fruits blancs mûrs (pomme, poire), épices, brioché… Un Champagne capable d’accompagner tout un repas, sur des poissons en sauce ou des viandes blanches gourmandes, et qui se marie aussi pour des dégustations plus informelles à des copeaux de fromages à pâte dure (parmesan, grands brebis pyrénéens) ou des lamelles de grande charcuterie (pata negra…).

 

D’autres maisons reposent plus sur un savoir-faire de négoce et sur la mise en place d’un équipement de production optimisé. Dans ce cas, la montée en gamme reposera sur la mise en avant et le développement d’une offre de bouteilles « premium », et notamment de cuvées millésimées. Moët & Chandon, première marque mondiale, l’illustre par exemple avec un millésime 2012, sur lequel nous enchaînons. Typé chardonnay, le vin présente un pétillant marqué et joue sur la fraîcheur et l’acidité, autour des fruits blancs. Un champagne qui accompagnerait volontiers un grand plateau de fruits de mer.

 

Cette recherche d’une montée en gamme s’explique en particulier par la concurrence que le Champagne subit, sur l’entrée de gamme, de la part de vins concurrents au premier rang desquels les Prosecco italiens, dont les coûts de production sont extrêmement compétitifs et qui répondent à une demande croissante de consommation informelle, facile, notamment en cocktail. Le Prosecco Riccadonna montre la différence qui sépare ce produit du Champagne. A la tension, à l’acidité (renforcée par une tendance à la baisse des liqueurs de dosage), complétée par une complexité aromatique plus ou moins marquée, s’oppose un vin centré sur le fruit (blanc, jaune) et une sensation sucrée.

 

Pour les viticulteurs champenois, l’une des réponses passe par une adhésion à des coopératives fortes, afin d’atteindre les volumes de production nécessaires au développement de marques très identifiées, capables de se défendre face aux distributeurs et aux grandes maisons. L’exemple le plus emblématique est la marque coopérative Nicolas Feuillatte, troisième du marché derrière Moët & Chandon et Veuve Cliquot. Le Grande Réserve est un assemblage classique, équilibré et en rondeur : dosé en brut, structuré essentiellement autour du pinot noir et du pinot meunier, et développant principalement des arômes de fruits jaunes.

 

L’autre réponse consiste, à l’inverse, à adopter une démarche de distinction : des terroirs, des cépages, des styles. Il ne s’agit plus d’être consensuel mais au contraire de rechercher une identité, du spécifique voire du dérogatoire, pour un public sensible à une démarche vigneronne, sur l’exemple bourguignon. Quatre vins nous en fournissent une riche illustration.

 

Notre camarade Lucien Collard (71) nous propose ainsi un vin issu de quelques hectares classés grand cru, plantés en pinot noir (majoritaire) et chardonnay, dont il est propriétaire à Bouzy, dans le secteur de la Montagne de Reims. Peu dosé (extra brut), vif mais structuré et vineux, entre agrumes, pain grillé, fleurs blanches et fruits blancs mûrs, il pourra une fois ouvert accompagner un repas, en passant de touches marines (carpaccio de Saint-Jacques…) à des saveurs plus terriennes (grenadins de veau…), en suivant la courbe d’aération et de remontée en température.

 

En pinot meunier, nous dégustons ensuite le « Dis Vin Secret » du domaine Françoise Bedel, établi dans le sud de l’Aisne, en limite de Seine-et-Marne, à l’extrémité ouest de la zone d’appellation. Très rarement mis en avant, ce cépage produit un Champagne souple, rond, sur les fruits du verger mûrs, que l’on pourra notamment valoriser sur des plats exotiques, sucrés-salés, comme une alternative littéralement pétillante aux pinots gris d’Alsace.

 

Nous poursuivons sur un cépage encore plus confidentiel : le pinot blanc. Qui plus est issu d’un terroir aubois, sur le domaine Fleury. Ce Champagne est un brut « nature » ; c’est-à-dire qu’il n’a reçu aucun dosage d’expédition. Le contraste est marqué, avec un style sec, légèrement oxydatif, mais très aromatique, associant bergamote, pomme et miellé (acacia). A boire seul, ou tenter sur des fromages à pâte dure (tommes corses ou pyrénéennes).

 

En clôture, la « star » des Champagne vignerons : Anselme Selosse (domaine Jacques Selosse, dans la Côte des Blancs), ici dans sa cuvée Initial, un pur chardonnay, sans filtrage ni collage. Robe au jaune soutenu, notes oxydatives maitrisées, agrumes confits, amers, boisé, matière, minéralité : un champagne de gastronomie, ouvert à une grande palette d’accords.

 

Un grand merci à notre camarade Martin pour cette belle soirée, ainsi qu’à Odran Achard (Bollinger) et Auriane Denis (Lucien Collard) pour leur soutien et leur amicale participation à nos échanges.

 

 

Les vins dégustés

 

Champagne, Bollinger, Special Cuvée

Champagne, Moët & Chandon, Grand Vintage 2012

Prosecco, Riccadonna, Extra Dry

Champagne, Nicolas Feuillatte, Brut Grande Réserve

Champagne, Lucien Collard, Extra Brut

Champagne, Françoise Bedel, Dis Vin Secret, 2010

Champagne, Fleury, Notes Blanches, 2013

Champagne, Jacques Selosse, Initial

J'aime
109 vues Visites
Partager sur

Commentaires0

Vous n'avez pas les droits pour lire ou ajouter un commentaire.

Articles suggérés

Entités

Présentation du programme de journées de chasse de la saison 2024/2025

JR

Julie Rousseau

24 avril

Entités

Note de présentation de Médée de Marc-Antoine Charpentier

photo de profil d'un membre

Julia MARTINEZ TOME

18 avril

Entités

Sciences Po Alumni | 60 years Franco China, 1 Story | Épisode 2 : Sylvie Bermann

photo de profil d'un membre

Thomas Vandenschrick

10 avril