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L'Opéra au salon : mythes et légendes au Met (programme du 23 au 29 mars 2021)

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23/03/2021

De la mythologie et de la tragédie grecque aux mythes romantiques, le programme de cette semaine donne à voir et à attendre de vrais chefs d'œuvre dans des mises en scène classiques ou très modernes. 

De quoi contenter les visuels, les auditifs et les passionnés de la direction d'acteurs, sans oublier les amateurs de vêtement ou de danse. Un art total !


Mardi 23 mars
Gluck Orfeo ed Euridice
Avec Danielle de Niese (Euridice), Heidi Grant (Amour) et Stephanie Blythe (Orfeo), sous la direction de James Levine. Production de Mark Morris. Représentation du 24 janvier 2009.

La légende d'Orphée et sa descente aux Enfers pour ramener sur terre son épouse Eurydice est un des grands classiques de l'Antiquité et le sujet de plus de 250 œuvres musicales (et d'un des tout premiers opéras, celui de Monteverdi).

Gluck y a introduit, pour la première fois dans l'opéra, une expression dramatique mêlant beauté des voix et équilibre avec les instruments, ce qui a fait de ce chef d'œuvre un des opéras les plus régulièrement joués au cours des siècles avec son immortel "Che faro senza Euridice" (J'ai perdu mon Eurydice).

"Orfeo ed Euridice marqua une date ... dans toute l'histoire de l'opéra... une œuvre si intimement liée à son livret qu'elle était unique et n'aurait pu être réécrite" Alfred Einstein

La production du Met, pensée et réalisée par un chorégraphe avec des costumes d’Isaac Mizrahi, a voulu souligner l’importance historique de l’œuvre (chœur représentant des personnages historiques de Cléopâtre à Lady Diana…) et intégrer, comme dans le projet initial, danse et pantomime à la narration. La mezzo Blythe, avec sa voix puissante, riche et superbe, incarne à merveille Orphée face à la belle Eurydice de la colorature Danielle de Niese, à la voix chatoyante et claire.  La direction articulée et majestueuse de James Levine fait de cette production continue de 90 mn un régal pour les oreilles.


Mercredi 24 mars

Berlioz  La Damnation de Faust

Avec Susan Graham (Marguerite), Marcello Giordani (Faust) et John Relyea (Méphistophélès), sous la direction de James Levine. Production de Robert Lepage. Représentation du 22 novembre 2008.

Inspiré, comme Gounod 30 ans plus tard, par la traduction par Nerval de la pièce de Goethe, Berlioz crée sa « Légende dramatique » non comme une transposition musicale de celle-ci mais  sous forme de rêves en pièces de concert. Elle reste son œuvre dramatique la plus populaire par la qualité de la dramaturgie musicale et la richesse des tensions, couleurs et contrastes. Elle a de fait attiré les plus grands chanteurs avec ses airs célébrissimes dont le pathétique et sublime « D’amour l’ardente flamme » de Marguerite et est fréquemment donnée, comme ici, sous la forme opératique. Contrairement à la version plus connue de Gounod, c’est à la fin, et pour sauver Marguerite condamnée à mort, et non au début pour retrouver sa jeunesse, que Faust signe son pacte avec Méphistophélès. 

La production très innovante de Robert Lepage utilise abondamment la vidéo pour accompagner les mouvements et les airs, à la satisfaction apparente du public new-yorkais. Comme souvent, la direction d’orchestre est magnifique dans sa richesse de couleurs et sa subtilité, les chœurs ne le sont pas moins. Susan Graham campe une Marguerite quasi-idéale et Relyea un très bon Méphistophélès.


Jeudi 25 mars
Gluck Iphigénie en Tauride
 
Avec Susan Graham (Iphigénie), Plácido Domingo (Oreste), Paul Groves (Pylade) et Gordon Hawkins (le Roi Thoas), sous la direction de Patrick Summers. Production de Stephen Wadsworth. Représentation 26 février 2011.

Fille d'Agamemnon, sœur d'Electre (cf 26 mars) et d'Oreste, Iphigénie, prêtresse de Diane doit procéder à un sacrifice humain pour écarter le danger prédit au roi Thoas. Deux étrangers inconnus (Oreste et son ami Pylade) récemment capturés sont des victimes naturelles. Lequel des deux sera sacrifié ? 

De cette trame, Gluck a fait le couronnement de son œuvre (1779), représentant parfaitement, en chant et en musique, celle-ci exprimant la pensée parfois à l’opposé des mots, et chaque détail étant subordonné à l’ensemble, l’univers fataliste et les profondeurs psychologiques de la tragédie d’Euripide.

La production proposée par le Met rend pleinement justice à ce chef d’œuvre avec une mise en scène spectaculaire, d’excellents chœurs et un superbe plateau de chanteurs (Graham, Groves, et Domingo en acteur chanteur consommé pour son 125è rôle !).


Vendredi 26 mars
Strauss Elektra
Avec Nina Stemme (Electre), Adrianne Pieczonka (Chrysothemis), Waltraud Meier (Clytemnestre) et Eric Owens (Oreste), sous la direction d’Esa-Pekka Salonen. Production de Patrice Chéreau. Représentation du 30 avril 2016. 

Elektra (1909) adresse une autre partie de la tragédie des Atrides :  la folie vengeresse d'Electre à l'égard de sa mère Clytemnestre, meurtrière de son père, et sa réalisation par son frère Oreste revenu "incognito". Un épisode qui "précède" Iphigénie.

Tout ceci se traduit par une atmosphère de violence et de musique sombre servi par un très grand orchestre.  "Rien ne va plus loin qu'Elektra" en disait Ernestine Schumann-Heink, grande spécialiste de Wagner et créatrice du rôle de Clytemnestre ! 

Cette diffusion reprend la dernière mise en scène créée en 2013 au festival d'Aix en Provence par Patrice Chéreau, trois mois avant sa mort. Une vision crépusculaire au plus près du livret et de la musique qu'elle transcende.

Les abonnés y retrouveront les deux principales protagonistes féminines qui avaient électrisé la Philharmonie de Paris en décembre 2017 : Nina Stemme et Waltraud Meier, sans conteste les deux meilleures interprètes actuelles de ses rôles d'une extrême exigence.

Un classique moderne !


Samedi 27 mars
Mozart Idomeneo
 
Avec Hildegard Behrens (Elettra), Ileana Cotrubas (Ilia), Frederica von Stade (Idamante), Luciano Pavarotti (Idomeneo) et John Alexander (Arbace), sous la direction de James Levine. Production de Jean-Pierre Ponnelle. Représentation du 6 novembre 1982.

Ilia, princesse troyenne vit à la cour d’Idoménée, un des vainqueurs de sa patrie et aime Idamante, son fils. Elle a pour rivale Electre également réfugiée en Crète. Pris dans une tempête, Idoménée ne doit sa vie qu’à une promesse faite à Neptune : sacrifier la vie du premier humain qu’il rencontrera sur la rive …

Sur ce sujet, Mozart a fait « une de ces œuvres que même un génie de tout premier ordre comme Mozart ne réussit qu’une fois dans sa vie » (Alfred Einstein). Une grande inventivité musicale (remarquable palette créée par les vents, cordes traitées avec ingéniosité), des arias superbement expressives justifient amplement ce jugement et le statut de cette œuvre au panthéon mozartien…

Cette production du Met, traditionnelle (pré « baroque »), réunit la fine fleur de l’opéra de cette grande époque dans une représentation superlative tant en chant (Pavarotti, von Stade) qu’en dramaturgie (Behrens, Cotrubas). Elle est servie par une excellente direction d’acteurs, des décors simples mais efficaces (à la Piranèse) et des costumes somptueux.

Oldies but goodies !


Dimanche 28 mars
Mozart Don Giovanni
Avec Renée Fleming (Donna Anna), Solveig Kringelborn (Donna Elvira), Hei-Kyung Hong (Zerlina), Paul Groves (Don Ottavio), Bryn Terfel (Don Giovanni), Ferruccio Furlanetto (Leporello) et Sergei Koptchak (Le Commandeur), sous la direction de James Levine. Production de Franco Zeffirelli. Représentation du 14 octobre 2000.

La fascination qu’exerce le personnage du libertin Don Giovanni, la richesse des airs et de la musique et la superbe synthèse d’éléments tragiques (Donna Anna, sextuor, duo avec le Commandeur) et comiques (Leporello) que Mozart a su créer font de Don Giovanni le plus apprécié de ses opéras dont l’interprétation est constamment renouvelée.

La version proposée ici par le Met est parmi les toutes meilleures tant par la qualité exceptionnelle du plateau vocal (Donna Anna idéale, Don Giovanni magnétique et les autres à l’avenant) que par des décors et des costumes somptueux, une belle direction d’acteurs, …

Une référence !  


Lundi 29 mars
Wagner Der Fliegende Holländer (Le Vaisseau Fantôme)
Avec Anja Kampe (Senta), Mihoko Fujimura, Sergey Skorokhodov (Erik), David Portillo (le Pilote), Evgeny Nikitin (le Hollandais) et  Franz-Josef Selig (Daland), sous la direction de Valery Gergiev. Production de François Girard. Représentation du 10 mars 2020.

Un capitaine de navire hollandais (le Hollandais Volant de la version allemande) s’était juré d’arriver à franchir le cap de Bonne-Espérance malgré la tempête, dût-il naviguer éternellement. Le diable le condamna alors à errer ainsi jusqu’au jour où une femme serait prête à l’aimer fidèlement jusqu’à la mort. Tous les sept ans il pourra cependant accoster pour la trouver…

Sur cette célèbre légende, Wagner a bâti un opéra autobiographique dans lequel il se révèle comme un jeune maître, portant une grande attention à l’ambiance et à la couleur du drame. Comme il l’affirme lui-même, c’est par ce début d’une synthèse entre texte et musique que débute sa carrière de vrai poète.

Très picturale, avec de superbes jeux d’ombre et de lumières, la mise en scène, sobre et sombre, mais inventive, consacre le caractère surnaturel du personnage principal et quasi-mystique de Senta. Si Kampe ainsi s’impose comme le personnage central, Nikitin (remplaçant Terfel au pied levé) est moins à l’aise dans la durée tandis que les ténors Portillo et Skorokhodov produisent, et encore plus Selig, de très belles prestations. 

***


Les spectacles sont accessibles en cliquant le jour indiqué sur le titre de l’œuvre.


Belles soirées (ou matinées) lyriques


Jean-François Bourdeaux,
Président du Club Opéra





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