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L'Opéra au salon : Paris, Ville Lumière au Met (Programme du 27 avril au 3 mai 2021)

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Club Opéra

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27/04/2021

April in Paris est, depuis 1932, une chanson favorite des Américains et un réflexe quasi pavlovien.  

Il était donc naturel que le Met veuille célébrer ce mois-ci ce Paris souvent vu comme une fête (Hemingway). 

La sélection de la semaine mêle ainsi femmes du demi-monde (comédiennes ou courtisanes), diplomates, banquiers, étudiants et poètes et hauts lieux de la vie parisienne (Maxims, Bal Bullier, Café Momus, café Hottot, …) dans la vision d'une Ville Lumière brillante par Puccini, Lehar, Verdi, Massenet, …  

C'est l'occasion de voir ou de revoir quelques grands classiques de l'opéra dans de très belles interprétations mais aussi des œuvres moins connues qui permettent de passer d'agréables moments.


Mardi 27 avril 2021
Puccini La Bohème
Avec Sonya Yoncheva (Mimi), Susanna Phillips (Musetta), Michael Fabiano (Rodolfo), Lucas Meachem (Marcello) et Matthew Rose (Colline), sous la direction de Marco Armiliato. Création en 1896. Production de Franco Zeffirelli. Représentation du 24 février 2018. 

Une des  œuvres les plus représentées du répertoire, la Bohème continue à enthousiasmer des générations d'amateurs par son scénario parfait, une gradation intelligente dans l'intrigue, son intuition psychologique et une partition poignante qui accompagne à merveille les différents tableaux de ces scènes de bohème où chacun peut s'identifier et vivre ou revivre son expérience, grande ou petite. Sans oublier de célébrissimes airs (Che gelida manina !) A chaque nouvelle audition /vision de cette histoire d'amours et d'amitiés, on trouve de nouvelles richesses. La version filmée ici est tout à fait digne du 7ème art.

Avec trois autres jeunes bohèmes (peintre, philosophe et musicien), le poète Rodolfo vit dans un atelier-mansarde sous les toits de Paris. Un jour Mimi, sa voisine qui vit seule, frappe à sa porte, sa chandelle est morte et elle n'est pas très bien. Ils ont le coup de foudre et commencent leur histoire tandis que le peintre Marcello retrouve Musetta et les deux couples se constituent. La santé de Mimi se détériore et l'amitié vient au secours …

La production de Zeffirelli, de 1981, est un classique qui a fait ses preuves sur les grandes scènes internationales. Elle donne à voir le Paris de 1830, avec des décors spectaculaires, une reconstitution de fête (plus de deux cents figurants) et du célèbre café Momus, lieu de rendez-vous du monde littéraire (Chateaubriand, Sainte-Beuve, Baudelaire, Murger,...) et de la bohème et réputé pour ses prix raisonnables.  

Yoncheva triomphe dans le rôle de Mimi où elle égale les meilleures interprètes du rôle. Elle est soutenue par une distribution de très bon niveau jusque dans les rôles secondaires et par  les tempi lents et la  direction sobre que le chef donne à l'orchestre. 

A voir et revoir


Mercredi 28 avril 2021
Lehár The Merry Widow (la Veuve Joyeuse) v. angl
Avec Renée Fleming (Hanna Glawari), Kelli O’Hara (Valencienne), Nathan Gunn (Comte Danilovitch), Alek Shrader (Camille) et Sir Thomas Allen (baron Zeta), sous la direction de Sir Andrew Davis. Création en 1905. Production de Susan Stroman.  Représentation du 17 janvier 2015.

Hanna, veuve d'un riche banquier, a hérité de sa colossale fortune qui ferait bien les affaires de son pays au bord de la faillite. Pour cela, il est essentiel qu'elle épouse un Pontévédrin et non un étranger. Le baron Zeta, l'ambassadeur à Paris durant la Belle Epoque, et dont la "respectable" épouse est par ailleurs activement courtisée par un jeune français, ordonne donc au comte Danilo de servir enfin sa patrie et d'épouser la veuve. Or, l'ayant connu plus jeune, il refuse de le faire et la fortune semble vouloir passer aux mains des Français malgré l'intérêt du pays et celui que porte Hanna à Danilo …

C'est sur cet argument que Léhar, sur fond de fortes "activités diplomatiques" (réceptions, danses, fréquentation de la population locale chez Maxims, QG de Danilo) et de brillance, a bâti, sur un livret bien construit, cette œuvre pleine de gaîté et d'esprit qui connut un triomphe planétaire et fit, et fait toujours, la gloire de son compositeur.

La production très "Broadway" (avec certaines de ses stars comme l'extraordinaire Kelli O'Hara et de superbes chorégraphies) inclut quelques grands chanteurs d'opéra notamment Renée Fleming en veuve, Nathan Gunn en comte Danilo et Sir Thomas Allen en baron Zeta et rend bien le caractère brillant de cet opéra/ opérette où le texte est roi (plus de substance qu'une véritable opérette, plus de récitatifs qu'un opéra moderne) et où l'orchestration est subtile. Les puristes préféreront sans doute la version originale en allemand (Schwartzkopf ayant été la grande référence audio) voire la version française.

Une belle matinée / soirée de gaieté et d'esprit 


Giordano Andrea Chénier
Avec Maria Guleghina (Madeleine de Coigny), Wendy White (Bersi), Stephanie Blythe (Madelon), Luciano Pavarotti (Andrea Chénier) et Juan Pons (Gérard), sous la direction de James Levine. Production de Nicolas Joël. Création en 1896. Représentation du 15 octobre 1996.

Lors d'une réception chez la comtesse de Coigny, le poète André Chénier réprimande sa fille Madeleine qui méprise le sentiment amoureux. Ils se retrouveront plus tard en pleine Terreur et découvriront leur amour. Gérard, l'ancien majordome de la famille, et aimant en secret Madeleine, est entre-temps devenu un des responsables du mouvement et dénonce Chénier à la justice révolutionnaire. Sa famille ayant été décimée (célébrissime la mamma morta), Madeleine s'offre à lui pour sauver son amant …

Une distribution de haut niveau, pour le trio de tête (Pavarotti  un modèle de diction et de précision) mais aussi dans les rôles secondaires (Sénéchal, Blythe, …), et une production sobrement riche de Nicolas Joel font de cet opéra "historique" (la fin du poète André Chénier sous la Terreur deux jours avant Robespierre) et in situ (le Paris des Tuileries et du café Hottot avec ses Me'veilleuses et Inc'oyables et son Tribunal révolutionnaire) servi par l'invention musicale de son compositeur et des airs mémorables, un spectacle à voir et entendre avec plaisir. 


Vendredi 30 avril 2021
Massenet Manon
Avec Lisette Oropesa (Manon), Michael Fabiano (chevalier des Grieux), Artur Ruciński (Lescaut) et Kwangchul Youn (comte des Grieux), sous la direction de Maurizio Benini. Création en 1884. Production de Laurent Pelly. Représentation du 26 octobre 2019.

Arrivant à Amiens pour se faire conduire par son cousin au couvent, Manon, jeune et  ingénue, admire trois actrices et leur protecteur attablés dans une auberge.  Elle rencontre aussi le chevalier des Grieux. Ils tombent amoureux et décident de "vivre à Paris tous les deux". Devenue cependant irrésistible pour les hommes qui l'entourent, Manon se lance dans la vie de demi-mondaine, objet des surenchères de ses admirateurs et reine de fêtes somptueuses. Manon arrache des Grieux du séminaire de saint Sulpice où il était allé. S'étant ruiné pour assurer le train de vie de la belle, le chevalier se résout à jouer et gagne mais sera arrêté pour triche et Manon pour prostitution  …

Version la plus proche du chef d'œuvre de l'abbé Prévost, l'opéra de Massenet offre le meilleur de l'opéra-comique et un des plus beaux et séduisants rôles pour soprano du répertoire. La musique, inventive et variée dans ses styles, accompagne merveilleusement l'évolution des personnages.

Cette production récente propose une superbe distribution autour d'une Oropesa pétillante et incarnant parfaitement le rôle dans ses différentes facettes, une mise en scène efficace et épurée de Laurent Pelly, par ailleurs excellent directeur d'acteurs, un orchestre et des chœurs pleins d'énergie. Le tout se conclue par un triomphe mérité aux saluts.


Samedi 1er mai 2021
Verdi La Traviata 
Avec Ileana Cotrubas (Violetta), Plácido Domingo (Alfredo Germont) et Cornell MacNeil (Giorgio Germont), sous la direction de James Levine. Création en 1853. Production de Colin Graham.  Représentation du 28 mars 1981. 

Faut-il résumer cet opéra si connu s'inspirant de la vie de Marie du Plessis (la Dame aux camélias d'Alexandre Dumas fils )? 

Violetta Valéry, courtisane de haut rang, reçoit des invités parmi lesquels le jeune et séduisant Alfredo Germont. Celui-ci l'incite à quitter sa vie parisienne dissolue. Ils tombent amoureux et s'installent à la campagne où ils vivent grâce aux ventes des biens de Violetta. Giorgio Germont, profitant de l'absence de son fils parti négocier un emprunt pour payer les dépenses, finit par la convaincre de renoncer à Alfredo pour l'honneur de sa fille.  Lors d'une fête chez des amis de Violetta, Alfredo fait un esclandre après avoir gagné au jeu. Violetta, déjà malade au début de l'opéra, s'éteint lentement en lisant la lettre de Germont père disant qu'il a tout révélé à son fils qui viendra implorer son pardon …

Peu de personnages sont aussi attachants que Violetta, courtisane sauvée et sacrifiée, femme au grand cœur préférant un véritable et simple amour à une vie d'amusements et de richesses. Profitant d'un texte quasi-parfait, Verdi réalise une des plus belles partitions d'amour, admirablement construite dans ses effets et truffée d'airs devenus à juste titre célèbres (brindisi du premier acte, duos de Violetta avec Alfredo ou avec son père, Dite alla giovine, Amami Alfredo et Addio del passato, Parigi o cara, …).

La diffusion proposée par le Met est de très haut vol, avec une des meilleures Violetta du XXè siècle (Cotrubas), un Alfredo idéal (Domingo) et un superbe Germont père dans une mise en scène traditionnelle et efficace et sous la direction d'un James Levine qui, jouant l'œuvre pour la première fois, en a profité pour restaurer des morceaux souvent coupés.

Un grand moment d'opéra à ne pas rater.


Dimanche 2 mai 2021
Cilea Adriana Lecouvreur
Avec Anna Netrebko (Adrienne), Anita Rachvelishvili (Princesse de Bouillon), Piotr Beczała (Maurice de Saxe) et Ambrogio Maestri (Michonnet), sous la direction de Gianandrea Noseda. Production de David McVicar. Création en 1902. Représentation du 12 janvier 2019.

Le chef d’œuvre de Cilea illustre la rivalité amoureuse entre la célèbre actrice Adrienne Lecouvreur de la Comédie-Française et la duchesse de Bouillon pour Maurice de Saxe (rôle créé par Caruso) dans le Paris de 1720.

Il est ici servi par une distribution électrisante (Netrebko au sommet de son art,  et Rachvelishvili actrice accomplie à la voix opulente, leur duo de l'acte II est une merveille d'imbrication;  Beczala idéal dans le rôle) et une superbe production de McVicar qui respecte la temporalité historique avec de somptueux costumes et des décors riches.  La direction musicale de Noseda est à l'unisson, magnifiant une partition pleine d'imagination harmonique et des chanteurs superlatifs.

Une soirée brillante incontournable !


Lundi 3 mai 2021
Puccini La Rondine  (l'Hirondelle)
Avec Angela Gheorghiu (Magda de Civry), Roberto Alagna (Ruggero), Lisette Oropesa (Lisette),  Marius Brenciu (Prunier) et Samuel Ramey (Rambaldo), sous la direction de Marco Armiliato. Création en 1917. Production de Nicolas Joël. Représentation du 10 janvier 2009.

Dans le salon de Magda de Civry, le poète Prunier commente la dernière mode: l'amour romantique. Seule Magda, bien qu'entretenue par le banquier Rambaldo, semble s'y intéresser. Elle finira par le rencontrer en la personne de Ruggero, le fils d'un ami du banquier de passage à Paris, qu'elle décide de retrouver au Bal Bullier et avec qui elle va partir vivre sur la Côte d'azur. La mère de Ruggero, pressée par son fils, consent au mariage mais Magda ne l'acceptera finalement pas. Elle retournera, comme une hirondelle, auprès de Rambaldo prêt à tout pardonner.

Rarement donné en Europe, ce qui devait, aux regards de ses commanditaires, devenir une opérette dans le style de Léhar est devenu le plus léger et un des plus émouvants opéras pucciniens. Le métier musical du maître se retrouve dans cette œuvre séduisante, fluide et pleine de charme, de danses et de mélodies. 

Alagna et Georghiu, couple chéri de l'opéra de 1996 à 2012, porte cette œuvre tout au long dans une interprétation insurpassée. Le reste de la distribution est de très bon niveau (Ramey, Oropesa). La mise en scène art déco est efficace et la direction d'orchestre pleine de style.

Une rareté romantique dans une merveilleuse interprétation 


Les spectacles sont accessibles en cliquant, le jour indiqué, sur le titre de l’œuvre, à l'heure de votre choix.


Belles soirées (ou matinées) lyriques


Jean-François Bourdeaux
Président du Club Opéra


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