Journée du foulard islamique
-Lettre ouverte de Frédéric Mion, directeur de Sciences Po-
Chers Alumni,
Chers Amis,
Un certain nombre d’entre vous nous ont fait part de leur surprise et de leur inquiétude, de leur colère parfois, relatives à l’initiative de quelques-unes de nos étudiantes qui ont organisé dans nos locaux un débat sur le foulard islamique en suggérant, de manière assez provocatrice, à leurs camarades hommes et femmes de s’essayer à le porter.
Sciences Po n’a en aucune manière encouragé cette initiative étudiante, dont la forme est en effet sujette à caution. Mais il ne nous appartenait pas davantage de chercher à l’interdire : à la différence des établissements d’enseignement primaire et secondaire, l’Université est par essence un lieu de débat, où des adultes, jeunes ou moins jeunes, sont libres de manifester — y compris de manière visible — leurs convictions et de confronter leurs positions sur tous les sujets. Seuls sont prohibés les propos réprimés par la loi ou ceux qui sont susceptibles de porter atteinte à l’ordre public, et nous veillons scrupuleusement au respect de ces lignes rouges.
S’il suscite des prises de positions très tranchées, le débat sur le foulard ne tombe pas sous le coup de la loi, pas plus qu’il ne remet en cause la laïcité, principe auquel notre école est fermement et indéfectiblement attachée. Notre responsabilité d’établissement d’enseignement supérieur est de ne pas empêcher le débat, y compris sur des sujets polémiques. Je crois que c’est par la discussion et la confrontation des arguments que nous avons les meilleures chances de construire une société plus apaisée, plutôt que par la mise sous silence des sujets sensibles.
Dans les faits, la sur-réaction médiatique et politique que cet événement a suscitée a formé un singulier contraste avec le calme et la curiosité qui ont caractérisé son déroulement réel. Les critiques et les débats étaient présents, la contradiction a pu s’exprimer, toujours dans le respect.
Il convient enfin de rappeler, si d’aucuns l’oubliaient, que notre école se réjouit d’accueillir un très grand nombre d’événements qui promeuvent la place des femmes dans notre société – et dans toutes les sociétés – et le respect de l’intégralité de leurs droits. Surtout, membre du réseau HeForShe soutenu par l’ONU pour l’égalité femmes-hommes, nous conduisons un plan d’action très concret en faveur de l’égalité entre femmes et hommes et avons créé un parcours qui permet à nos étudiants de se confronter aux questions d'égalité tout au long de leur cursus : information de tous les nouveaux étudiants dès la pré-rentrée, lors de sessions d'accueil, enseignements sur les relations entre femmes et hommes, sensibilisation des responsables associatifs, accompagnement pour l'orientation et pour l'insertion professionnelle, au travers de rencontres et d’ateliers pratiques.
Puisque Sciences Po a la chance de former d’excellentes étudiantes et d’excellents étudiants de chaque génération, je trouve matière à se réjouir dans la vigueur et dans la diversité des débats qui les animent. Je me félicite également que notre communauté Alumni se saisisse du sujet et participe à ces débats. Cela témoigne de l’intérêt que vous portez à notre école et, pour cela, je vous remercie. Nous le croyons fermement : si nous voulons surpasser nos différences pour bâtir, ensemble, un avenir à la fois plus serein et plus juste que notre présent, la porte du débat doit rester grande ouverte, et celle de Sciences Po le demeurera.
Frédéric MION
Directeur de Sciences Po
Photo: L'entrée du site de Sciences Po, 27 rue Saint Guillaume, à Paris
Crédits @Martin Argyrolo/Sciences Po
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