Compte-rendu de la dégustation du 13 décembre 2016 - Eric Morgat et Jean-Yves Bizot
Eric Morgat et Jean-Yves Bizot
Restaurant David Toutain (salon Identi-T)
29 rue Surcouf - 75007 Paris
Mardi 13 décembre 2016 à 20h00
Notre nouveau passage chez David Toutain n’a pas dérogé à la règle : dîner rue Surcouf est toujours un moment exceptionnel. Qui plus est quand on a la chance d’y accueillir, pour plus de trois heures d’échanges débridés, deux vignerons rares, deux grands hommes de vigne et de terroir si évidemment portés par la complicité et le respect mutuel.
Les débats s’ouvrent en douceur sur un Champagne de chez Serge Matthieu, aux arômes pleins de fruit jaune, d’abricot, soutenus par une pointe d’amende.
On passe ensuite à table pour déguster l’amuse-bouches signature de David Toutain : du « bois » de salsifi, à savourer après en avoir trempé le bout dans une crème de panais et de chocolat blanc. Une réussite qu'on se plaît à retrouver et que suivent cette année des « tubes » de persil et de genièvre, d’étonnants tronçons d’une crème verte tenue par une très fine coquille, à laisser fondre d’un coup sur ses papilles. Une entrée en matière de haute volée !
Ainsi mis en bouche, nous entamons la dégustation des vins par le « Litus » d’Eric Morgat, dans son millésime 2014. Issu d’une année au printemps précoce, puis marquée par un été humide suivi d’un mois de septembre chaud et sec, le verre nous accueille par un nez en douceur, un peu sur la guimauve. Suit une bouche aux notes herbacées, presque médicinales, avec un retour d’amertume. Il s’allie aux Saint-Jacques qu’accompagnent des topinambours, dans un pas de deux d’une grande fraîcheur, à la fois marin et terrien, comme cet Anjou dont il vient. Produit sur une parcelle d’un hectare au cœur des Coteaux du Layon (d’où sans doute le nez séducteur), plantée par Eric Morgat en 2003, son rendement ne dépasse pas les 20 hectolitres, et la finesse du sol sur la lave laisse jouer un important effet de millésime.
La très forte personnalité des vins d’Eric Morgat trouve une autre expression dans le Savennières « Fides » que nous dégustons ensuite dans le millésime 2012. A une première approche également douce et séductrice succède cette fois-ci une bouche d’agrumes, citronnée. Une note plus marine qu’accompagne de la seiche au chou kale croustillant.
Nous abordons alors le premier des vins proposés par Jean-Yves Bizot, un Vosne-Romanée 2014, qui nous surprend par sa maturité. S’il est taillé pour la garde, il est déjà en place et peut se boire jeune avec un très grand plaisir. Le fruit des longs élevages (18 mois) que Jean-Yves Bizot réserve à sa production confidentielle (un domaine de 3,5 ha) et travaillée avec aussi peu de transformations que possible. Peu alcoolisé (12°), il conjugue fruit et fine structure boisée. Un grand rouge pris dans sa belle jeunesse pour envelopper en douceur le cabillaud que David Toutain propose avec de la betterave confite.
Le risotto de céleri aux noix et champignons de Paris est le terrain d’expression d’une intéressante confrontation entre deux nouveaux Savennières présentés par Eric Morgat. Tout d’abord « l’Enclos » (une parcelle depuis revendue pour en acquérir d’autres), de 2011, année de grand stress hydrique. Il n’a atteint qu’un rendement de 15 hl par hectare. Les schistes lui ont conféré de la salinité, et sa tension évolue au bout de 20 minutes vers des arômes légèrement fumés. Le « Fides » de 2013 apporte pour commencer une sensation comparable, avant d’évoluer vers le pamplemousse. Comme souvent chez Eric Morgat, les vins sont très évolutifs. Ils sont vivants.
Une anguille fumée, sauce au sésame noir, a le privilège d’accompagner l’un des sommets de la soirée. Jean-Yves Bizot nous présente le dernier magnum de son Vosne-Romanée 2005. Un vin de grande ampleur, porté par la force de l’évidence tout en gardant sa part de mystère. Comment décomposer cet équilibre entre la fraîcheur et la structure, le velouté et la personnalité ? Quels fruits dans cet accord complexe ? Un peu de mûre, de framboise ? Quelques épices et un parfum de terre, puisé dans le climat ? Le millésime 2009, à suivre sur un canard, tire pour sa part sur une fraîcheur et une acidité qui s’accordent avec le gingembre en accompagnement.
Pomme verte, kiwi et carotte viennent alors clore le dîner, sur un Gewurztraminer vendanges tardive de chez André et Lucas Rieffel, tout en douceur, et sans que les saveurs traditionnelles de litchi soient trop marquées.
Les vins dégustés
Champagne Brut, Serge Matthieu, 2008
Anjou « Litus », Eric Morgat, 2014
Savennières « Fides », Eric Morgat, 2012
Vosne-Romanée « Les Jachées », Jean-Yves Bizot, 2014
Savennières « L’Enclos », Eric Morgat, 2011
Savennières « Fides », Eric Morgat, 2013
Vosne-Romanée, Jean-Yves Bizot, 2005
Vosne-Romanée « Les Réas », Jean-Yves Bizot, 2009
Gewurztraminer Grand Cru Zotzenberg Vendanges Tardives, Domaine André et Lucas Rieffel, 2011
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