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Compte-rendu de la dégustation du 21 janvier 2020 - Alain Chabanon

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Sciences Po Millésimes

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21/01/2020

Compte-rendu de la dégustation  « Alain Chabanon » chez Pierre Sang

 

Pierre Sang in Oberkampf
55 rue Oberkampf - 75011 Paris
Mardi 21 janvier 2020 à 21h30
 

 

 

Figure emblématique de cet est parisien qui joue depuis quelques années un si grand rôle dans le renouvellement de la scène gastronomique de la capitale, Pierre Sang nous a fait l’amitié de recevoir Sciences-Po Millésimes dans son adresse du 55 rue Oberkampf pour rendre hommage à une autre figure qui, elle, marque depuis bientôt 30 ans le vignoble languedocien d’une authenticité et d’une honnêteté profondes, à la vigne comme à la ville. Pour la vingtaine de nos camarades réunis ce soir-là, l’occasion d’une confrontation des plus fructueuses entre un cuisinier sans cesse à la recherche d’une réinvention des goûts, et un vigneron dont le meilleur allié est le temps qui passe.

 

En guise de mise en bouche, Pierre Sang nous sert une émulsion de châtaignes au vin rouge, avec copeaux de céleri rave en pickles, huile de céleri vert et pousses de mélisse. C’est gourmand, onctueux, mais relevé par toute la fraîcheur des légumes traités en trois façons. La soirée peut commencer.

 

La dégustation débute là où on ne l’attend pas. Alain Chabanon nous propose sa cuvée Trélans, un blanc issu d’un rare assemblage entre vermentino et chenin. On connaît la formidable plasticité du chenin, qui est capable de donner de si beaux résultats loin de son Val de Loire. Le vermentino est quant lui un cépage qui sait jouer la légèreté, mais clairement sudiste, quoiqu’il jouerait plus à domicile en poussant vers l’est et en Corse. Alain Chabanon les soumet à un élevage long (deux ans et demi et plus), en partie sous bois.

 

En 2015, millésime récent, la robe est brillante, d’or clair. Les arômes ont, déjà, de l’ampleur, mais demeurent frais et vifs. On y trouve du fruit blanc (poire), du coing, du zeste d’agrume, des pointes de fleurs blanches, de l’amande, un peu de vanille et des ouvertures sur les fruits tropicaux.

 

Le vieillissement conduit le vin vers une robe plus profonde et des saveurs plus concentrées. C’est ce qu’illustre le 2008 qui, à près de 10 ans de bouteilles, ajoute un fruité plus mûr (pêche, prune) et une évolution vers le miellé. On est là, pour Alain Chabanon, plus près de l’apogée du vin et de ce qu’il a voulu exprimer. Tout en pouvant être apprécié sur sa jeunesse, le Trélans se révèle ainsi un vrai vin de garde, généreux mais équilibré, sur lequel on ira classiquement chercher une cuisine légère du sud, entre poissons, petits légumes, fromages de chèvre et saveurs de garrigue.

 

Deux entrées marines accompagnent les bouteilles. Pierre Sang a préparé tout d’abord une daurade snackée, avec butternut et citron vert, cerfeuil et ciboulette. Suivent des Saint Jacques poêlées, avec purée de topinambour, navets, radis green meat pickles, émulsion de radis et salade roquette. On soulignera en particulier une très belle cuisson, qui respecte le produit, et l’à-propos de ces nouvelles petites touches d’acidité qui, sans prendre le dessus par rapport au plat ou au verre, permettent d’accompagner et de relever cet esprit d’une richesse en légèreté.

 

La soirée se poursuit sur les rouges.

 

Afin d’assurer la transition, un Campredon 2018 est servi. C’est le dernier né de cette cuvée, où Alain Chabanon assemble syrah, mourvèdre et grenache, avant un élevage court (10 mois) en cuve. Un vin sur le fruit, donc, fluide et digeste, où l’on pourra trouver, outre le croquant du grain de raisin, une palette allant de la fraise à la figue, en passant par la mûre, jusqu’à un peu de réglisse. Un vin gourmand que l’on dégustera volontiers sur des abats, ou du canard par exemple.

 

Place ensuite à une verticale de la cuvée de tête du domaine, l’Esprit de Font Caude. Il s’agit d’un assemblage de syrah et de mourvèdre, bénéficiant d’un élevage de 3 ans, dont 2 en fûts de chêne. On l’abordera, fin de repas oblige, à rebours, avec la bouteille la plus vieille sur la viande, puis les plus jeunes alors qu’on s’avancera vers le fromage – sans d’interdire quelques retours en arrière, pour jouer les comparaisons.

 

On commence, donc, par le millésime 2000. C’est ici que le facteur temps, cher à Alain Chabanon, prend tout son sens. Plus de 15 ans de bouteilles s’ajoutent aux 3 d’élevage. Le résultat est un vin d’une très grande et très belle profondeur. On comprend pleinement pourquoi la RVF a attribué au domaine deux étoiles, en soulignant « la capacité de vieillissement des vins, qui a peu d’équivalent », et en plaçant Alain Chabanon « parmi l’élite la plus restreinte de la région ».

 

D’une robe profonde se dégagent des arômes de fruits rouges et noirs (mûre, cerise, pruneaux…) macérés, confits ou même en liqueur - mais sans déviance vers l’alcooleux. On trouve également, derrière les tanins totalement fondus, des parfums de garrigue, du sarment de vigne, de la truffe, du cuir, du poivre, du café.

 

Le 2010 et le 2014, bien qu’ils aient déjà quelques années, ont le charme des œuvres en cours : situés, au-delà de l’effet millésime, sur la même ligne, avec des fruits demeurés plus frais et des tanins qui sont en train d’être domptés, ils permettent aujourd’hui de se projeter avec gourmandise sur leur pleine maturité. L’Esprit de Font Caude est donc un vin d’amateur, averti des récompenses que réserve une garde patiente. 

 

A une telle cuvée, il faut offrir une viande noble. Pierre Sang propose un faux filet de Simmental, avec une délicieuse purée de pomme de terre, oignon de Roscoff, champignons de Paris assaisonnés à l’huile de truffe blanche, jus de viande et sauce ssamjang (pâte de soja épicée). Et, pour faire bon poids, nous gratifie de lamelles de côte de bœuf. Il faut rendre hommage une nouvelle fois à la maîtrise des cuissons : c’est gourmand, généreux, saisi comme il convient, et avec ce qu’il faut de richesse dans l’accompagnement et la sauce pour répondre à cette grande cuvée, que l’on testera aussi volontiers sur des daubes, des viandes rouges en croûte et du gibier.

 

Le dîner s’achève sur un cantal, bien servi par une confiture yuzu miel, puis sur un ananas rôti, très bien traité avec sa chantilly à la sauge, un moelleux aux amandes, une glace aux 4 épices et une meringue à la sauge.

 

Une nouvelle longue et belle soirée se conclut ainsi grâce à Alain Chabanon et Pierre Sang, avec la complicité de nos camarades Aude et Antoine, qui l’ont rendue possible.

 


 

Les vins dégustés

IGP Pays d’Oc, Trélans, Alain Chabanon, 2015

IGP Pays d’Oc, Trélans, Alain Chabanon, 2008

Languedoc, Campredon, Alain Chabanon, 2018

Languedoc-Montpeyroux, L’Esprit de Font Caude, Alain Chabanon, 2000

Languedoc-Montpeyroux, L’Esprit de Font Caude, Alain Chabanon, 2010

Languedoc-Montpeyroux, L’Esprit de Font Caude, Alain Chabanon, 2014

 

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